[Notre histoire] 12 avril 1913 : l’hôtel de ville de Paris investi par des sans-logis pour « le droit au logement pour tous »

ndPN : Le 12 avril 1913, des milliers de manifestants sans-logis investissent l’hôtel de ville de Paris, pour le droit au logement pour tous. L’occasion de rappeler aujourd’hui l’histoire de Georges Cochon… et de se rendre à 11H30 aujourd’hui à Poitiers sur la place du marché, avec le collectif des sans-logis et mal-logés de Poitiers et le DAL 86, pour une conférence de presse !

Georges Cochon (1879-1959)

 Très populaire, G. Cochon, fut avant la Première Guerre mondiale secrétaire et président de l’union syndicale des locataires puis  de la Fédération des Locataires au temps où le « proprio » était Monsieur Vautour et où certains locataires pratiquaient les déménagements « à la cloche de bois ».

En décembre 1909, Georges Cochon, qui avait passé trois ans aux Bataillons d’Afrique pour objection de conscience, était le trésorier de l’Union syndicale des locataires ouvriers et employés, qui était une résurgence d’un premier syndicat confédéré de locataires créé en 1903 par l’anarchiste Pelletier. En 1911 il devenait le président de l’union  qui comptait alors un demi millier d’adhérents parisiens et dont le pogramme reposait sur l’insaisissabilité du mobilier, le paiement à terme échu et la taxation des loyers. Le 13 décembre 1911, il organisait le déménagement public de son propre logement, 52 rue de Dantzig, menacé de saisie. Après que sa concierge ait appelé la police, il se barricadait chez lui et déployait à la fenêtre un drapeau rouge et la banderolle « Respectueux de la loi violée par la police au service du propriétaire, je ne sortirai que contraint par la force ». Assiégé par la police, ravitaillé par les voisins pendant cinq jours, il faisait constater la violation de son domicile par huissier et obtenait une première victoire, le tribunal des référés ordonnant la levée du siège policier. Le 7 janvier 1912, il enchainait aussitôt avec une action de relogement d’une famille et de leur huit enfants dans le jardin des Tuileries  où des compagnons du syndicat des charpentiers avaient assemblé en quelques minutes une baraque de fortune. Cette action entrainera le vote par le conseil municipal de Paris d’un emprunt de 200 millions pour la construction de logements économiques.

Il avait eu l’idée de créer une fanfare, le fameux « raffût de Saint-Polycarpe » : « Les pauvres gens qui ne pouvaient payer leur loyer et étaient menacés d’expulsion étaient déménagés — par la porte ou par la fenêtre —, les compagnons entassaient le mobilier dans des charrettes à bras, et, aux accents d’une fanfare hétéroclite, tandis que des compagnons secouaient à tour de bras une énorme cloche de bois, les commandos de Georges Cochon partaient gaiement à l’assaut des logements vides ». (May Picqueray, Le Réfractaire, mars 1979). Le chansonnier libertaire Charles d’Avray avait composé pour ces occasions  la chanson  La marche des locataires.

C’est ainsi que par l’action directe et en fanfare, il n’allait cesser d’investir logements libres et lieux publics dont : le 10 février 1912 la cour de la préfecture de police, en mars la cour de la Chambre des députés, le 12 avril 1913 avec plusieurs milliers de sans-logis l’Hôtel de ville, puis le 24 prenait d’assaut l’église de la Madeleine. Ces actions étaient bientôt suivies par l’occupation de la  caserne du Chateau d’eau pour y loger 50 familles et leurs  enfants et en juillet 1913 l’occupation boulevard Lannes de l’hôtel particulier de La Vérone avec la complicité de leur occupant, le  Comte de La Rochefoucauld, et où étaient relogées huit familles et trente six enfants.

En 1912 G. Cochon collaborait au journal anarchiste bruxellois Le Combat Social (n°1, 2 avril à n°3, 2è quinzaine d’avril 1912) où avec Georges Schmickrath et Léon de Wreker il alimentait la rubrique « Sus aux vautours » contre les propriétaires. Toutefois , en 1912, une scission se produisait dans l’union syndicale des locataires, G. Cochon s’étant présenté aux élections municipales dans le quartier du Père Lachaise, il était exclu de l’Union et créait alors la Fédération des locataires.

En 1913 il fit plusieurs conférences en province, notemment à Marseille en août où, après une imposante manifestation dans les rues de la ville, il réunissait plus de 4000 auditeurs au Palais de Cristal.

Au début de la guerre, Cochon fut mobilisé au 29e régiment d’infanterie territoriale et participa à la bataille de la Marne, puis, en janvier 1915, il fut détaché aux établissements Renault à Billancourt (Seine). Renvoyé à son dépôt, il déserta le 16 février 1917. Arrêté en août, il fut condamné, le 17 décembre suivant, par un conseil de guerre, à trois ans de travaux publics. Selon A. Kriegel, op. cit., il aurait publié pendant la guerre, à Maintenon (Eure-et-Loir), à une date non précisée (1917) , un journal,  Le Raffût , dont la parution fut sans doute éphémère. Une nouvelle série (année IV) allait paraître à Paris du 13 novembre 1920 au 30 décembre 1922 (92 n°), date à laquelle le siège du journal et du syndicat des locataires était transféré 189 faubourg Poisonnière dans le 9è arrondissement.

Pendant la guerre, l’Union fédérale des locataires était devenue l’Union confédérale des locataires (UCL) dont l’emblème était deux mains qui se serrent, L’Union par la force. L’UCL deviendra en 1946 la Confédération nationale des locataires (CNL) proche du Parti communiste. G. Cochon participait encore au mouvement des Locataires en 1925-1926. Ses activités le firent comparaître devant le tribunal de simple police de Paris le 21 avril 1926.

Retiré avec sa compagne Tounetteà Pierres, une commune limitrophe de Maintenon (Eure-et-Loire) , il vint à Paris, dans les années cinquante, pour évoquer ses souvenirs dans l’émission de J. Mollion « Les rêves perdus ». À cette occasion Louis Lecoin, May Picqueray réunirent autour de lui quelques vieux militants libertaires. G. Cochon est mort le 25 avril 1959, dans sa maison de la rue des grandes Cours à Pierres.

Son fils avait repris le flambeau et dans les années 1970 était encore actif dans un syndicat de locataires.

OEUVRE : Ses Mémoires ou le raffût de Saint-Polycarpe, par Casimir Lecomte (le journaliste André Wurmser), ont paru dans L’Humanité à partir du 17 novembre 1935. G. Cochon avait également été l’auteur du petit traité « 39 manières de faire râler son concierge ».

Un grand nombre de chansons concernant Cochon et la lutte des locataires ont été recensées dont : La Cochonette, Donnez des logements, Papa Cochon, C’est Cochon, V’la Cochon qui déménage de Montehus, Le chant des locataires de Robert Lanoff et La marche des locataires de Charles d’Avray.

R. Bianco a recensé d’autre part plus de trente cartes postales émises par la fédération des locataires et représentant Cochon et ses diverses actions.

Dictionnaire des militants anarchistes