LGV Poitiers-Limoges : honte aux politicien-ne-s

NdPN : nous ne reprendrons pas ici tous les arguments que nous avons déjà répétés contre le projet de ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges ; arguments économiques, mais aussi environnementaux, politiques et sociaux. Les citations extraites de ces deux articles de la Nouvelle République sont déjà très parlantes, et nous n’oublierons pas les prises de position des « responsables politiques ». Honte aux politicien-ne-s promouvant le projet, ou réduisant leurs critiques aux seules difficultés de financement, montrant par là tout le mépris porté aux habitant-e-s et à notre environnement. Quant à l’affirmation par la presse que « les habitants ont la parole », est-ce une mauvaise blague ? Voilà des années que leurs arguments d’évidence contre ce projet mortifère font face à la surdité des autorités ! Continuons à lutter avec les habitant-e-s contre cette colonisation de nos lieux de vie !

LGV Poitiers-Limoges : les habitants ont la parole

L’enquête publique sur le projet de barreau ferroviaire débute aujourd’hui. Opposants et partisans ont jusqu’au 13 juillet pour faire valoir leurs arguments.

Depuis neuf ans qu’il est question de ce projet, tout a été dit et tout a été écrit sur la ligne ferroviaire à grande vitesse Poitiers-Limoges. Durant quarante-quatre jours, les partisans et les opposants vont tout de même avoir l’occasion de faire valoir très officiellement leurs arguments auprès du commissaire enquêteur chargé d’émettre un avis favorable ou défavorable à la déclaration d’utilité publique.

Ils vont aussi pouvoir consulter l’intégralité du dossier préparé par Réseau Ferré de France : « Un gros pavé de cinq mille pages qui comprend le rapport rendu par l’Autorité environnementale en mars dernier et le mémoire complémentaire du maître d’ouvrage », précise Marie-Paule Hennuyer, la représentante de RFF en Limousin.

 «  On va momifier le territoire  »

Les opposants qui demandent depuis longtemps à prendre connaissance du volet socio-économique ne manqueront pas de le consulter. Pour le reste, ils savent déjà les remarques qu’ils formuleront ; de l’empreinte carbone négative pour les cinquante prochaines années aux risques d’inondations accrus dans la vallée du Clain en passant par l’incompatibilité avec les engagements pris par l’État sur la ligne Paris-Toulouse. « Nous sommes effarés par la précipitation des événements », insiste Nicolas Bourmeyster, le président du collectif Non à la LGV. « Comme il n’y aura pas d’argent pour financer ce projet avant au moins quinze ans, on va momifier le territoire, les maisons y seront invendables, les gens vont hésiter à s’y installer… » Il s’étonne surtout que le gouvernement engage cette démarche dès maintenant alors que la commission Mobilité 21 chargée de hiérarchiser les projets d’infrastructures de transport doit rendre son rapport (peu favorable aux lignes à grande vitesse) en juin. C’est que ce projet est soutenu en haut lieu. Le président (corrézien) de la République qui suit personnellement le dossier a d’ailleurs récemment nommé un ancien camarade de promotion de l’ENA, Michel Jau, à la tête de la préfecture de la Haute-Vienne. « C’est un projet validé. Je ne pense pas qu’il soit de nature à être remis en cause », a déclaré le représentant de l’État qui a évoqué une « décision irréversible » en prenant ses fonctions. En Limousin, les élus espèrent toujours pouvoir prendre le TGV dès 2020.

les dates-clés

> 2004 : le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, abandonne le projet Paris – Orléans – Limoges – Toulouse et lance les études pour la LGV Poitiers-Limoges pour une mise en service en 2014. > 2006 : un débat public est organisé dans douze villes en Poitou-Charentes et Limousin. > 2007 : Réseau Ferré de France retient l’option du tracé central, le plus direct, passant à proximité de Montmorillon ; une convention de financement des études (30 M€) est signée entre RFF, l’État et les collectivités. > 2012 : la commission nationale du débat public décide qu’il n’y a pas lieu d’organiser de nouveau débat public malgré l’expiration du délai de cinq ans avant l’ouverture de l’enquête publique. > 2013 : le gouvernement donne son feu vert au lancement de l’enquête publique sans attendre le rapport Mobilité 21.

pratique

L’enquête publique se déroulera du jeudi 30 mai au vendredi 12 juillet 2013 inclus, durant 44 jours. Dans la Vienne, le public pourra consulter le dossier d’enquête publique et présenter ses observations à la préfecture de Poitiers et à la sous-préfecture de Montmorillon, mais aussi dans les mairies des dix-neuf communes concernées par le tracé : Aslonnes, Civaux, Dienné, Fleuré, Gizay, Gouëx, Iteuil, Lathus-Saint-Rémy, Lhommaizé, Lassay-les-Châteaux, Mazerolles, Moulismes, Persac, Plaisance, Les Roches-Prémarie-Andillé, Vernon, La Villedieu-du-Clain et Vivonne. Le dossier de l’enquête doit également être consultable sur le site Internet de la préfecture de la Vienne : www.vienne.pref.gouv.fr.

Collectif des opposants : http :// non-lgv-poitiers-limoges.fr Association de promotion de la LGV : http://tgv-plb.asso.fr

pour

> Alain Claeys Le député-maire PS de Poitiers est le principal avocat de la LGV Poitiers-Limoges dans la région. Il souhaite placer la gare multimodale de Poitiers au cœur d’un nœud ferroviaire dans la perspective d’une poursuite de la ligne à l’Est jusqu’à Lyon. > Catherine Coutelle La députée PS de la 2e circonscription de la Vienne défend le projet avec une réserve sur le financement. « Il ne me semble plus possible d’imaginer que ces infrastructures particulièrement coûteuses soient financées par l’État et les collectivités territoriales, seuls », écrivait-elle l’an dernier.

indécis

> Ségolène Royal Après avoir longtemps affiché son scepticisme, la présidente PS de Poitou-Charentes a changé de stratégie en début d’année : la Région est à présent officiellement favorable au projet mais elle ne veut pas le financer, comme pour la ligne Tours-Bordeaux. « Le projet actuel de RFF n’a pas encore démontré sa pertinence sur le plan de sa rentabilité économi- que », écrivait-elle en 2009. « La Région soutient ce projet essentiel pour le Limousin », précise-t-elle maintenant. > Jean-Pierre Raffarin L’ancien Premier ministre qui a lui-même mis le projet sur les rails il y a neuf ans fait désormais campagne contre la LGV Poitiers-Limoges mais sans le dire franchement. A un peu plus d’un an des sénatoriales, il conditionne son soutien à la construction très hypothétique d’une gare dans le Montmorillonnais : « Ou on a une gare et la LGV a un sens ou on n’a pas de gare et le développement du TER peut résoudre la question… »

contre

> Jean-Michel Clément Le député PS de la troisième circonscription (Sud Vienne) plaide depuis longtemps pour un abandon du projet : « Les territoires ruraux sont oubliés pour ne pas dire sacrifiés. Par ailleurs, le temps gagné ne serait pas énorme, et disproportionné, par rapport au coût », expliquait-il l’an dernier. > Yves Bouloux Le maire DVD de Montmorillon et président de la communauté de communes du Montmorillonnais s’oppose à la LGV défend le projet de mise à 2X2 voies de la RN 147 entre Poitiers et Limoges. > Robert Rochaud Le porte-parole des élus écologistes de Poitou-Charentes précise que les Verts ne sont « pas opposés par principe au TGV » : « L’urgence, ce n’est pas la LGV Poitiers-Limoges. L’urgence est de moderniser la ligne Poitiers-Limoges. »

Baptiste Bize, Nouvelle République, 30 mai 2013

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Une voie ferrée au fond du jardin

« C’est un projet politique qui n’a pas de sens ; l’impact environnemental est colossal », estime Thierry Ferreira, à Iteuil.

Au fond de son jardin, un champ de blé s’étend jusqu’à une haute haie. C’est là, à environ 250 mètres de la maison de Thierry Ferreira que doivent s’élever le remblai et le viaduc permettant à la LGV Poitiers-Limoges de franchir le Clain, à proximité du Port, à Iteuil, pour se raccorder à l’actuelle ligne ferroviaire Paris-Bordeaux. Quand il a choisi d’acheter ce petit bout de verdure avec son épouse, il y a douze ans, c’était pour « son côté calme et bucolique », précise cet enseignant-chercheur de l’Université de Poitiers. À l’époque, il n’était pas encore question de cette LGV… « Je ne suis pas inquiet parce qu’on peut partir même si notre maison est maintenant invendable », assure Thierry Ferreira. « Mais il y a des gens ici qui se retrouvent piégés. Les voisins ne dorment plus. L’agriculteur en face se retrouve avec une exploitation coupée en deux que son fils ne pourra pas reprendre… Ce projet va tout détruire. » Dans cette aventure, ce riverain estime avoir été « déniaisé » : « Si j’avais encore des illusions sur la politique, je les ai perdues. Tous les feux sont au rouge mais le projet continue d’avancer. » Il juge surtout le projet coûteux et inutile. Donc plus difficile encore à accepter.

B. B., Nouvelle République, 30 mai 2013