[Israël] Sharon est mort

A 17 ans déjà, Sharon s’engage dans la Haganah, milice sioniste pendant le mandat britannique, qui sera au cœur de la constitution de l’armée israëlienne. Sa carrière militaire est fulgurante, du fait d’un caractère particulièrement belliqueux et de méthodes expéditives qui lui vaudront le surnom de « bulldozer ». Il devient capitaine, puis officier des services secrets en quelques années.

Ne se satisfaisant pas des ordres, il les outrepasse et monte sa propre unité de commandos, qui mène des opérations dans le no man’s land. Après le meurtre de deux femmes palestiniennes près d’un puits (selon Benziman), et une réplique jordanienne, iI est nommé chef de la première unité spéciale, l’unité 101 des commandos, pour laquelle il abandonne ses études. Il participe activement au massacre de Qibya en Cisjordanie en 1953, où 70 villageois civils palestiniens ont été exécutés (dont nombre d’enfants).

La sinistre unité 101 rejoint alors les unités parachutistes, dont il prend le commandement pour des dizaines d’opérations commandos, notamment à Gaza en 1969. Il se distingue par son indiscipline lors de la guerre du Sinaï en 1956, en outrepassant les ordres en matière de bellicisme. C’est aussi lui qui décide contre sa hiérarchie, en 1973, de franchir le canal de Suez pour encercler l’armée égyptienne.

La même année, il cofonde le Likoud, parti d’extrême-droite ultranationaliste. Il échoue à en prendre le pouvoir et fonde son propre parti, prônant la colonisation (en 1974, il participe à l’occupation illégale de Naplouse avec des colons). Il rejoint néanmoins le Likoud en 1977 quand celui-ci prend le pouvoir. Son aura militaire, qui fait peur au premier ministre lui-même, lui permet d’être nommé ministre de l’Agriculture. Sharon va alors lancer la vague de colonisation israëlienne en Cisjordanie (opérations Jumbo, Judée et Samarie ou Meteor). Il ne cessera d’en être l’un des défenseurs les plus acharnés, malgré les nombreuses condamnations internationales.

Devenu ministre de la Défense, son but est de réaliser la domination d’Israël sur toute la région et d’écraser définitivement la résistance palestinienne. Il fait brutalement évacuer le Sinaï, et met en oeuvre l’invasion du Liban en 1982, en perpétrant des opérations sanglantes, mettant son propre gouvernement devant le fait accompli. Son nom reste à jamais lié au massacre des camps de réfugiés de Sabra et Chatila à Beyrouth,  avec les alliés d’Israël phalangistes chrétiens libanais. Ce massacre sera qualifié de crime génocidaire à l’assemblée de l’ONU.

Son opération meurtrière au Liban échouera néanmoins à éliminer Yasser Arafat (chef de l’OLP). Sharon ne cessera de regretter cet échec et de souhaiter la mort d’Arafat. Quand celle-ci intervient, nombre de Palestiniens soupçonneront Sharon d’en être responsable, par empoisonnement.

De plus, suite à une manifestation de plus de 400.000 Israëliens, s’opposant courageusement à son pouvoir belliciste, et suite à la reconnaissance de sa responsabilité dans le massacre par une commission d’enquête mandatée par la Cour Suprême, il est contraint de se retirer quelque temps de la scène politique, avant de redevenir ministre dans plusieurs postes, tout au long des années 1990, où il adopte une stratégie de négociation avec les Palestiniens… tout en ne cessant d’encourager activement la poursuite de la colonisation.

En 1999, Sharon devient dirigeant du Likoud. Il participe au déclenchement de la deuxième Intifada en provoquant les Palestiniens sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est. Les violences terrorisent les Israéliens, et son programme électoral « anti-terroriste » le porte au pouvoir suprême en 2001 : il devient premier ministre.

Il réprime impitoyablement le soulèvement palestinien, et se rapproche du sinistre président américain George W. Bush, dans une « guerre contre le terrorisme ». L’opération Rempart fait occuper de nombreuses villes de Cisjordanie. A partir de décembre 2001, Sharon assiège avec ses tanks Arafat, traité de « Ben Laden ». Arafat, réfugié dans son quartier général de Ramallah, malade, n’en sortira plus que pour aller mourir en France. Sharon lance aussi la construction du « mur de la honte » en Cisjordanie, en outrepassant la ligne verte et en englobant des colonies israëliennes. Dans le même temps, des femmes juives immigrées éthiopiennes sont stérilisées contre leur gré, sous le prétexte d’un « vaccin ».

S’il désengage Gaza de 8000 colons (prétexte qui permet aux hommes d’Etat de saluer aujourd’hui sa mémoire, en occultant tout le reste), c’est (de son propre aveu !) pour « délester Israël d’un million et demi de Palestiniens »… Surtout, Sharon désengage Gaza de façon unilatérale, refusant de négocier quoi que ce soit avec les Palestiniens… souhaitant ainsi briser toute possibilité de reconnaissance d’un Etat palestinien par Israël. Cela lui permet aussi de valider l’occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est par 450.000 colons, qu’il n’aura jamais cessé de défendre. Obnubilé par une démographie juive (il considère qu’il y a trop d’Arabes en Israël), il démarche les communautés pratiquant le judaïsme à travers le monde entier, notamment en France, en Afrique du sud et en Argentine, afin qu’elles quittent leurs pays pour s’installer en Israël.

Face aux protestations du Likoud, il abandonne le parti en 2005 pour fonder Kadima, mais tombe en 2006 dans un coma provoqué par une attaque cérébrale. Il n’en reviendra pas. Le financement opaque de ses campagnes électorales précédentes au sein du Likoud vaudra une peine de prison à son fils. L’extrême-droite israëlienne, désormais bien installée, n’évoquera plus le nom de Sharon que comme celui qui aura désengagé Gaza.

Ariel Sharon est mort hier le 11 janvier, à 85 ans, après huit ans de coma. Des hommes et femmes d’Etat du monde entier (en France, Hollande et Copé par exemple) lui rendent un hommage éhonté, et Ban le secrétaire de l’ONU évoque son « courage politique ». Tandis que le monde est abreuvé de ces discours donnant envie de vomir, les habitant.e.s du camp de Chatila font la fête. Pour eux et tant de Palestiniens, Sharon est un criminel impuni.

Pour nous, cet assassin n’aura été qu’un homme d’Etat, dans toute son horreur. Un artisan acharné de la haine, enfermant les individus dans des communautés pour mieux les diviser. L’impunité et la complaisance dont sa mémoire bénéficie aujourd’hui de la part de tant d’autres hommes d’Etat nous le confirme.

J., Pavillon Noir, 12 janvier 2014

[Pressac – 86] Village flottant : et un projet inutile et coûteux de plus !

Un « village flottant » à Pressac : encore un projet « touristique » qui va défigurer un beau lieu tranquille (l’étang du Ponteil), et qui sera inutile et coûteux. Avec des aménagements financés comme il se doit par du pognon public (dont 500.000 euros par le conseil général). Et ce, pour le profit d’une société capitaliste de plus dont le directeur n’est autre que l’ex-directeur délégué de Pierre&Vacances – le groupe qui va tirer profit du fameux Center Parcs, lui aussi biberonné à l’argent public (voir nos articles précédents à ce sujet). A 130 euros la nuitée pour un couple, le projet n’est pas franchement destiné aux habitant.e.s du coin, dont la plupart ne roulent guère sur l’or ! Comme d’habitude, l’argument bidon de l’emploi est censé couper court à toute critique. Rendons-nous compte : SEPT emplois en tout, et sans doute fort exaltants…

Image tirée du film The Isle de Ki-Duk Kim : misère et détresse du personnage de Hee-Jin, trimant dans un village flottant.
Image tirée du film The Isle de Ki-Duk Kim : misère et détresse du personnage de Hee-Jin, trimant dans un village flottant.

Pavillon Noir

[Poitiers] Le « tweet » numérique, avatar de la misère politique

Citations consternantes des communicants d’aspirant.e.s au pouvoir municipal, aujourd’hui dans la Nouvelle République, à propos du « tweet »… à l’image de la misère politique actuelle, où la petite phrase bidon balourdée sur les écrans remplace le lien social réel et passe pour un « outil de débat » (lol) :

« Nous retransmettons également les événements en direct comme pour les conférences de presse sur les transports publics et la culture », explique Hugo Ferrer, directeur de campagne de Jacqueline Daigre, candidate UMP à la mairie de Poitiers. « L’avantage, c’est que nous pouvons être sollicités directement et répondre avec proximité et dans l’instant », ajoute Maxime Huille, directeur de campagne de Christiane Fraysse, candidate d’Europe Écologie Les Verts. « On retrouve une notion de proximité à travers les réseaux », confirme à son tour Matthieu Boisson, responsable de la communication de la campagne d’Éric Duboc, candidat centriste au siège de la ville.
La plateforme de discussion est aussi et surtout utilisée pour débattre, pour apporter des réponses précises et mettre rapidement fin à des idées fausses. « C’est tout de même important d’être présent pour faire passer des messages et être dans la vérité », ajoute François Blanchard, militant socialiste, soutien au maire actuel Alain Claeys qui brigue un second mandat.

NB : Pour une fois, même si on est pas du tout d’accord politiquement avec lui et qu’on ne sait pas ce que signifie un quartier « populaire », soulignons tout de même la position différente de Ludovic Gaillard (candidat LO qui n’a pas de compte sur les réseaux dits « sociaux ») : « Je préfère aller directement dans les quartiers populaires ».

Pavillon Noir

Ni matraque, ni quenelle. De quoi Dieudonné est-il le nom ?

Ni matraque, ni quenelle. De quoi Dieudonné est­-il le nom ?

Durant les derniers jours d’une bien triste année 2013, l’armée israélienne bombarde la bande de Gaza, faisant plusieurs victimes dont une fillette, dans l’indifférence générale. C’est précisément au même moment qu’éclate en France une véritable hystérie politico-médiatique autour de l’humoriste Dieudonné et de sa quenelle, alors que ce dernier compte commencer sa tournée de spectacles par Nantes.

Si nous intervenons dans le brouhaha actuel, c’est pour déconstruire le phénomène actuel (somme toute assez pathétique) et clarifier la situation dans un climat de perte de repères et de confusion généralisées. Nous sommes cependant conscient-e-s que beaucoup d’analyses ont déjà été faites, trop d’encre a déjà coulé à propos de Dieudonné et sa quenelle.

« Vous ne connaissez pas Dieudonné »

D’abord militant de gauche, humoriste engagé dans la lutte contre Le Pen, il a progressivement dérivé dans les années 2000 vers l’extrême droite suite à un sketch se moquant des colons israéliens. S’estimant persécuté il se lie d’amitié avec Jean Marie Le Pen et se rapproche de l’extrême droite radicale notamment de l’ancien leader des fascistes du Groupe Union Défense (F. Chatillon) avec qui il voyage dans les dictatures du proche Orient pour soutenir les régimes Iranien, Libyen, Syrien. Il s’entoure aussi d’Alain Bonnet de Soral, rejeton mondain d’une famille bourgeoise, passé par le Parti Communiste avant de travailler pour le Front National, ou même du vieux routard du négationnisme Faurisson.

Le parcours de Dieudonné n’est pas exceptionnel : rappelons-nous l’anarchiste Rassinier qui avait évolué vers le négationnisme dans les années 1970, ou le dessinateur Konk qui était passé du quotidien Le Monde au journal d’extrême droite Minute dans les années 1980.

«D’accord, mais Dieudonné fait de l’humour, pas de la politique »

Ce qui est exceptionnel, c’est qu’en plus de dix ans de militantisme aux côtés de l’extrême droite radicale, Dieudonné soit parvenu à maintenir une ambiguïté sur ses positions, en jouant sur la nuance entre humour et politique, et accentuant sa popularité par un cercle vicieux : « Si je suis exclu c’est que j’ai raison, etc… »

Alors, humour ou politique ? C’est un faux débat, l’humour peut être une arme politique servant à faire passer des messages au même titre que la musique, le théâtre ou même le dessin : c’est un outil -parfois même plus efficace que les autres-, et Dieudonné l’a bien compris.

En tant que fondateur d’un parti politique en 2009 (le Parti Anti- Sioniste) et attaché de presse de divers régimes totalitaires, même Dieudonné ne se risquerait plus à prétendre qu’il ne se mêle pas de politique.

« La quenelle c’est drôle, et puis c’est juste un bras d’honneur »

D’un point de vue strict, cette gestuelle gracieuse est un mime de la pratique sexuelle du fist fucking, il s’agit donc d’un bras d’honneur et non d’« un salut nazi inversé » comme on a pu l’entendre ici et là dans les médias.

Un brasd’honneur adressé à qui ? Au « système » mais pas uniquement, le geste s’est répandu dans de larges franges de la population, notamment par le biais de sportifs célèbres ou de chanteurs, sans forcément avoir d’autre sens qu’un sens récréatif, frondeur ou moqueur.

Avec sa quenelle, Dieudonné a ainsi réussi un coup marketing de génie : réunir des flics cagoulés, des militaires fachos, des footballeurs millionnaires, et de nombreux anonymes notamment issus des quartiers et de l’immigration derrière un même geste à la signification floue. Qu’est-ce qui réunit ces gens ?

Quels sont leur intérêts communs ? Aucun.

Ceux qui se proclament anti-système aujourd’hui sont donc les garants de l’ordre social en uniforme, ou encore l’armée qui veille à la sauvegarde des intérêts de la Françafrique ?

On a vu apparaître dernièrement sur le net de nombreuses quenelles devant des synagogues, des écoles juives et même un mémorial de la Shoah, à Nantes des militants d’extrême droite -issus de bonnes familles de la bourgeoisie traditionaliste locale- posent en reproduisant la quenelle : un signe quel qu’il soit prend la signification que lui donnent ceux qui le propagent.

Ici, c’est évidemment un sens antisémite. La quenelle n’est pas ‘neutre’. Le salut romain était ‘apolitique’ jusqu’à ce que Mussolini ne le réactualise au 20ème siècle, le transformant en salut fasciste : son sens a évolué avec l’usage qui en a été fait. Il en est de même pour la quenelle.

Il ne s’agit pas d’accuser tous ceux qui ont pratiqué le geste d’être des antisémites ou des nazis. Seulement la quenelle est devenue au mieux un geste ambigu, au pire un signe ouvertement antisémite.

« Vous êtes des flics de la pensée. Moi il me fait rire »

Comme après l’assassinat de Clément Méric qui avait conduit à une dissolution -médiatique et inutile- de groupuscules fascistes, l’État français souhaite l’interdiction des spectacles de Dieudonné.

Ce choix est doublement contre-productif : en plus d’être juridiquement difficile, la mise en scène de « l’affaire » met un coup de projecteur considérable sur l’humoriste juste avant sa tournée. Jusqu’alors connue et suivie par un (large) cercle d’initié-e-s, la carrière de Dieudonné -et de son entourage- vient de faire un bond inattendu grâce au ministre de l’Intérieur. Dieudonné et ses supporters vont encore une fois pouvoir se poser en martyrs, en rebelles.

La transformation des excentricités antisémites de ‘l’humoriste’ en véritable « affaire d’État » ne profite pas à la cause anticolonialiste, ni aux gazaouis bombardés par l’armée Israélienne mais uniquement au pouvoir en place, à Manuel Valls, le premier flic de France qui se déguise ainsi en « rempart contre le racisme » et à Dieudonné lui-même, qui ne s’attendait sans doute pas à une telle publicité.

Il n’y a plus un jour sans que les médias ne relaient les dernières frasques de Dieudonné et de ses soutiens. Encore une fois, des gesticulations réactionnaires hyper-médiatisées viennent occulter totalement les luttes sociales et les vrais problèmes politiques. Alors que la répression des luttes et les violences policières dans les quartiers ne sont presque jamais relayées dans les médias, un battage médiatique hallucinant accompagne cette affaire.

Dieudonné ne sert qu’à détourner l’attention de la guerre sociale en cours : violences policières, casse sociale, poussée de racisme, problèmes de fric et d’emplois précaires…

Derrière la quenelle, la matraque

Dieudonné ne représente qu’une petite partie de l’offensive réactionnaire en cours : les manifestations homophobes, le renouveau militant de l’extrême droite radicale, l’islamophobie, les politiques racistes et anti-sociales contribuent aussi au repli identitaire, à la destruction des solidarités et des luttes. Les idées réactionnaires sont en train de remporter la bataille culturelle.

Alors que les néo-conservateurs cathodiques à la Zemmour « décomplexent » la parole raciste et homophobe de la bourgeoisie de droite traditionnelle, Dieudonné, lui, travaille à amener vers l’antisémitisme et le fascisme des franges de la population jusqu’ici imperméables aux idées d’extrême droite. Un marché que le rebelle de salon Alain Soral n’aurait jamais pu conquérir sans son ami comique.

Et pendant que les médias font mine de découvrir, horrifiés, les quenelles, on oublie que c’est bien le Parti Socialiste au pouvoir qui rase des camps Roms, qui rafle et expulse des dizaines de milliers de « sans papiers », qui envoie sa police tirer sur des manifestant-e-s, qui soutient la politique israélienne, qui saccage l’environnement.

Contre le colonialisme et l’antisémitisme : solidarité entre les peuples

Dans cette polémique, on n’entend que la parole des pro-Dieudonné d’un côté, des pro-israéliens et du pouvoir de l’autre : la quenelle étouffe la voix des véritables opposants à la politique de l’État d’Israël et au sionisme. Ces deux parties se nourrissent, se répondent : d’un côté Dieudonné soutenu par des antisémites, des frontistes, de l’autre des sionistes comme Arno Klarsfeld, réserviste dans l’armée israélienne et accompagnateur de la politique d’expulsion sous Sarkozy.

Finalement, ce sont deux courants de la droite extrême qui se font face. Dieudonné et ses amis sont des outils extraordinaires pour légitimer le sionisme et faire taire les vrais anticolonialistes.

Pendant que l’on braque les projecteurs sur Dieudonné, personne ne parle de ceux qui résistent au colonialisme en France et dans le monde, des associations de défense de la Palestine aux Anarchistes contre le mur (un groupe de militant-e-s israélien-ne-s luttant contre l’apartheid) en passant par l’Union Juive Française pour la Paix (des juifs progressistes qui s’opposent au sionisme). Omer Goldman, une jeune femme de 19 ans a été emprisonnée en Israël pour avoir refusé de prendre part aux violences de l’armée d’occupation, un groupe d’israélien-ne-s dénonce actuellement les exactions de Tsahal en Palestine…

Les victimes de la Shoah dont se moque Dieudonné étaient bien souvent des juifs Polonais ou Russes du mouvement socialiste du Bund opposés au sionisme. Ce sont ces même victimes qui sont salies par Dieudonné, et non la politique israélienne.

Des militant-e-s qui combattent le sionisme et qui subissent la répression du système, il y en a. Parmi eux : Georges Ibrahim Abdallah encore incarcéré, Rachel Corrie, écrasée par un bulldozer de l’armée israélienne en 2003. Ne vous trompez pas, les résistants ne remplissent pas les Zéniths, ils croupissent en prison.

Il n’y a plus rien d’amusant dans le cynisme d’un Dieudonné dévoré par ses obsessions. Il n’y a rien d’anti-système à faire la même quenelle qu’un flic, un militaire ou un millionnaire. Les sketchs de Dieudonné ne sont qu’un moyen de propagande malsaine comme un autre.

L’antisémitisme comme les autres formes de racisme se nourrit d’ignorance, de désespoir social, d’absence d’alternative.

A nous tou-te-s de reprendre l’offensive créative, de mener le combat culturel pour l’émancipation, la liberté, l’égalité.

Vu sur Sous la Cendre, 5 janvier 2014

Brisons le silence sur ce qui se passe en Espagne

NdPN : un article important sur Rue 89 ! Le tout-sécuritaire pour réprimer les mouvements sociaux a déployé son arsenal en Espagne, et la même chose nous pend au nez si nous n’y prenons pas garde.

Brisons le silence sur ce qui se passe en Espagne

Sous couvert de l’inattaquable excuse de la sécurité, le gouvernement de Mariano Rajoy considère préventivement le manifestant comme dangereux. Il est ainsi automatiquement regardé comme une menace à la loi grâce au nouveau projet législatif de « Sécurité citoyenne » adopté par le conseil des ministres le 29 novembre dernier.

Des policiers arrêtent des manifestants lors d’un défilé contre la réforme du droit à l’avortement, le 20 décembre 2013 à Madrid (Andres Kudacki/AP/SIPA)

Metteur en scène et dramaturge, Astrid Menasanch Tobieson travaille entre la Suède et l’Espagne. Elle est membre du groupe de théâtre Sta ! Gerillan. La lettre ci-dessous était initialement adressée aux journalistes suédois et a été publiée le 19 décembre. Avec l’autorisation de l’auteure, la traductrice a pu la retranscrire en français.

Mathilde Rambourg

La lettre d’Astrid Menasanch Tobieson

Bouleversée, je vous écris sous le coup de l’indignation. L’Espagne, dans peu de temps, empruntera le chemin qui mène d’une démocratie ouverte à ce qui risque de devenir une démocratie fasciste et autoritaire.

Je vous écris après les événements qui se sont produits dans le quartier de Kärrtorp à Stockholm (où un groupe néonazi ultraviolent a attaqué une manifestation antirasciste il y a quelques jours).

Je vous écris à propos de qui se trame en Espagne. Je crois en tout cas que la Suède et l’Espagne se ressemblent en un point : l’avancée du fascisme devant l’indifférence de la société. Le 19 novembre, le gouvernement espagnol a approuvé un projet de loi dont le but est d’en finir avec les manifestations et les contestations au régime actuel. La méthode est classique : instaurer le silence grâce à la répression.

Je vous demande maintenant de l’aide, je vous demande d’informer. Le samedi 14 décembre à Madrid s’est déroulé une des 6 000 manifestations qui se sont organisées cette année en Espagne. Je le répète : une des 6 000.

Ces dernières années, le réseau de protection sociale a été ébranlé : privatisation des théâtres, tentatives de privatiser les hôpitaux, droit du travail ébranlé et transformé depuis sa base, licenciements innombrables, familles chassées de leur domicile, éducation civique suspendue dans les écoles, etc. Et afin de clore une longue liste, le vendredi 20 décembre, le gouvernement a approuvé la réforme du droit à l’avortement.

Ce que l’on a désigné comme une crise économique est, depuis le début, avant tout une crise démocratique. La couverture médiatique en Suède et en France sur la situation en Espagne a été très faible, et son analyse d’un point de vue social, inexistante.

La manifestation qui s’est tenue au pied du Congrès de Madrid le samedi 14 décembre, avait pour but de protester contre une nouvelle proposition de loi : la « ley de Seguridad Ciudadana », loi de Sécurité citoyenne.

Un groupe Facebook : 30 000 euros

Cette loi, qui contient 55 articles et punit autant d’actes différents, prévoit des amendes pour le manifestant, allant de 100 à 600 000 euros. Les infractions ?

  • Pour commencer, toutes les manifestations non-déclarées et prenant place devant le Congrès ou autre édifice appartenant à l’Etat – comme celle qui s’est déroulée samedi 14 à Madrid – seront interdites et la sanction ira jusqu’à 30 000 euros par participant. Cela sera le cas lorsque plusieurs personnes seront considérées comme un groupe.
  • L’interdiction des manifestations non-déclarées s’appliquera également aux réseaux sociaux. Se rassembler en tant que groupe sur Internet, autour d’une opinion, sera sanctionné de 30 000 euros. Créer un groupe, sur les réseaux sociaux ou dans un lieu public, autour de symboles ou de drapeaux, sera interdit : 30 000 euros d’amende.
  • Si dans une manifestation, un citoyen manifeste avec une capuche ou avec le visage couvert : 30 000 euros d’amende.
  • Refuser de décliner son identité devant un policier : 30 000 euros.
  • Empêcher un policier de remplir sa fonction : 30 000 euros, ce qui, dans la pratique, signifie que les sit-in comme ceux qui initièrent le mouvement du 15-M en Espagne [ « Les Indignés », ndlr], seront strictement interdits.
  • Déshonorer le drapeau espagnol : 30 000 euros [en France, cet acte est passible de 1 500 euros d’amende, ndlr].
  • Réaliser un dessin satirique, prenant pour sujet, par exemple, un politique, sera interdit.
  • Utiliser des pancartes critiquant la nation espagnole : 30 000 euros.
  • Filmer ou photographier un policier en service : 30 000 euros.

Et la liste n’est pas exhaustive. Dans tous les cas, le témoignage d’un policier ou d’un agent de sécurité sera suffisant pour infliger une amende au citoyen.

D’aucuns peuvent par conséquent se demander : l’Espagne fait-elle face à un mouvement de manifestations violentes ? Eh bien non. Le chef de la police Ignacio Casido a déclaré que ces 6 000 manifestations sont jusqu’à ce jour le mouvement le plus pacifique de l’histoire de l’Espagne.

Il n’y a pas si longtemps, l’Espagne était encore une dictature. Il n’y a pas si longtemps non plus que la guerre civile a eu lieu. Tous les débats sont politiques. Informer d’un événement est un acte politique. Ne pas le faire est un acte politique. Le silence est, au plus haut point, un acte politique. Le choix de garder le silence se fige dans la mémoire des générations. Cette loi néofasciste qui va être votée n’est pas sans lien avec la montée des fascismes en Europe. Cela nous concerne tous.

Je m’adresse à tous les journalistes, aux éditorialistes en France. Vous qui détenez l’espace médiatique. Je vous demande sincèrement de briser le silence vis-à-vis du régime qui est en train de s’imposer en Espagne.

Je vous demande de commencer à informer. Je vous demande de soutenir la liberté d’expression avec vos articles et vos apports au débat, je vous demande d’y apporter des analyses rigoureuses et profondes. Informez ! Informez sur tout !

Notes :

Avortement non, sécurité citoyenne oui ?

Le 29 novembre dernier, le Conseil des ministres du gouvernement conservateur espagnol a approuvé le projet de loi « Sécurité citoyenne » qui réforme le code pénal. Le texte, qui réduit les droits et libertés civiles (mais pas celle de faire l’apologie du franquisme) est unanimement rejeté par les mouvements sociaux, les syndicats, l’opposition, les organisations professionnelles comme celles des juges pour la démocratie, l’association unifiée des gardes civils ou la fédération des journalistes d’Espagne. Alors que le Parti socialiste espagnol a demandé à ses alliés européens de se mobiliser contre le projet de loi réduisant les droits d’accès des femmes à l’avortement, certains se demandent pourquoi il n’a pas entrepris la même démarche sur la loi « Sécurité citoyenne ». Blandine Grosjean

Note de la traductrice :

Les dénonciations faites par des policiers bénéficient de la présomption de véracité. Par conséquent, c’est celui qui fait l’objet de l’accusation qui devra démontrer la non-véracité de ce qui est avancé par les agents. Le système d’accusation fonctionnait ainsi également sous la dictature franquiste. Selon l’écrivain Javier Marias, c’est une négation de la justice : cela revient à condamner directement l’accusé car il sera incapable de démontrer qu’il n’a pas pas commis l’acte dont on l’accuse puisque l’on part de la base que si, il l’a fait. Il sera d’autant plus difficile à l’accusé d’apporter des preuves à cause de la loi qui interdit de photographier ou de filmer des agents de l’ordre.

Vu sur Rue 89, 10 janvier 2014