Projet de livret professionnel universel : vers le contrôle total ?

NdPN : le vieux rêve de contrôle total de nos vies par les classes dominantes s’est récemment traduit lors d’une rencontre entre des représentants du patronat et des syndicats. Ils ont prôné en chœur un espèce de fichier universel traçant les individus dans leur parcours éducatif et professionnel, voire médical. Et cela, sous le prétexte grossier d’un rappel des droits en matière de formation et d’indemnisation… si ce projet donnait bien lieu à une sorte de « nouvelle carte Vitale » avec sa petite puce sur laquelle nous n’aurions aucun droit d’accès, ce serait un pas important dans le fichage croissant des individus. Alors certes, il y a un pas entre évoquer un projet et le mettre en œuvre ; mais le fait même qu’un tel ballon d’essai soit lancé dans la presse doit nous rendre d’autant plus vigilant-e-s sur le fait que l’étau du fichage généralisé se resserre.

Livret personnel scolaire puis « professionnel universel » : le cauchemar du CV forcé se précise !

Si l’on en croit le quotidien Ouest-France de ce lundi 25 novembre 2013 (page 4), , imposé aux enseignants par l’administration Sarkozy pour ficher les élèves. Sans aucun débat public ni consultation des familles.

Jusqu’à ce 25 novembre, il était facile de traiter de paranoïaques les trop rares instituteurs et professeurs qui redoutaient que ce fichage intime des élèves, avec leur réussites et leurs échecs soigneusement consignées et datés, niant leur droit élémentaire à l’oubli des erreurs de jeunesse, dressant un véritable portrait psycho-social et même parfois politico-idéologique et sanitaire, ne finisse par être utilisé en dehors de l’institution scolaire.

Et bien nous y voilà. Comme dans un cauchemar totalitaire, où l’individu marqué au fer rouge par un CV forcé ineffaçable serait indiscutablement affaibli et isolé face à des institutions connaissant tout de lui et face à des employeurs piétinant les droits jusqu’alors garantis par les conventions collectives.

Et bien, c’est justement ce qui a été prôné ce week-end de novembre par les participants aux Semaines sociales (un rendez-vous traditionnel de patrons et de partenaires sociaux).

Selon Ouest-France, sous la signature de Pierre Cavret, les participants y ont plaidé avec ardeur pour « un livret professionnel universel (LPU) ».

Certes, il y a pour cette innovation un prétexte plein de bon sentiment : cette « carte Vitale de l’emploi » (ce sera donc un outil numérisé, propice à toutes les interconnections avec les fichiers de santé, de police, du Pôle emploi…) « récapitulerait les droit généraux dont tout travailleur peut bénéficier en matière de formation et de d’indemnisation ». Fort bien !

Mais est-il nécessaire pour cela de ficher l’ayant droit sur une puce électronique à laquelle il n’aura pas accès ? Si ce n’est pour ce véritable motif, que révèle Ouest-France sans ambages : Pour chaque futur travailleur, « cette carte permettrait aussi de regrouper les informations relatives à ses connaissances acquises par l’éducation, la formation et l’expérience professionnelle ».

C’est donc le retour au fameux « livret ouvrier » que le XIXème siècle imposait aux « classes dangereuses ». Mais un livret informatisé infiniment plus inquisiteur et infiniment plus redoutable.

Et dire qu’il s’est trouvé des syndicalistes pour approuver cette incroyable régression.

Nous sommes devant une violation sans précédent des droits des enfants et des futurs jeunes travailleurs. Nous sommes également devant la rupture éthique du pacte éducatif : pour la première fois depuis l’invention de l’école républicaine, les enseignants vont travailler non pas à l’éducation qui élève, qui responsabilise et qui émancipe, mais au fichage secret qui trahit la confiance, qui stigmatise, qui gère les flux de population comme ceux d’un bétail vers le meilleur triage des destins personnels. Aux uns les carrières favorisées, aux autres les destins précaires assignés dès l’enfance…

« Alertez les bébés ! » Ou bien en tous cas ceux qui devraient défendre leurs droits : les associations de parents, les syndicats, les défenseurs de droits de l’homme, les journalistes, sans parler des parlementaires attachés aux idéaux de la gauche, de la Résistance et de la démocratie.

Vu sur le blog de Lucky (sur le site du Monde), 26 novembre 2013