[Poitiers] Une expo à rebrousse-poil

NdPN : une expo aussi poilante qu’à rebrousse-poil d’Anna B. à Poitiers, au Mouton Noir, bouscule allègrement les diktats esthétiques et culturels patriarcaux opprimant les femmes sur le poil et l’épilation ! Sur le sujet, la lecture de cet article assez complet vaut le détour.

Les femmes à [pwal] d’Anna B.

L’exposition photographique présentée à la galerie Le Mouton noir par l’artiste poitevine Anna B. achève trois ans de travail sur la question de la pilosité.

Elle a le cheveu aussi blanc que ses habits sont noirs. Plasticienne poitevine, Anna B. a mis trois ans pour mener à bien un projet photographique intitulé [pwal]. « Le poil est le fil conducteur de tout ça. Il est placé à des endroits où, pour les femmes, il n’est pas bien vu », explique l’artiste tout en parcourant du regard la trentaine d’images réunies à la galerie Le Mouton noir. « Bien sûr ça interroge le genre, le féminisme, le pouvoir. Le projet s’appelle [pwal] car c’est le mot en phonétique, écrit entre crochets comme dans la définition du dictionnaire. Ça donne un petit côté plus mystérieux… »

 Jeter le trouble, grossir le trait

Titre mystérieux mais travail ambitieux pour lequel la plasticienne a obtenu une aide à la création de la région Poitou-Charentes. Une bourse qui lui a permis de mener à bien ce travail grâce à une collaboration d’Anne Mezurat et de Cécile Rouquié qui ont réalisé les différents postiches nécessaires aux prises de vue. Les photographies grand format d’un seul et même modèle déclinent réflexions, interrogations mais aussi traits d’humour autour de la pilosité des femmes. « Dans l’histoire de l’humanité, le [pwal] de la femme a toujours été chassé, pourchassé, mis au ban, alors que celui de l’homme, la figure du mâle, a été mis en exergue, voire glorifié », peut-on lire dans le texte d’accompagnement de son travail. Avec [pwal], Anna B. a donc décidé de jeter le trouble, de grossir le trait. Ici, le modèle arbore une épaisse barbe dans une image hommage à Annie Jones, la femme à barbe du cirque Barnum de la fin du XIXe  siècle. Là, le sens même de la burqa est mis à mal par une large chevelure couvrant le visage tout en laissant apparaître la poitrine. Véritable poil à gratter de la scène artistique poitevine, le travail militant d’Anna B. va loin. Dans ses images aux références détournées comme dans ses hommages à l’histoire de l’art.

[pwal], exposition de photographies d’Anna B. Jusqu’au 2 novembre à l’atelier-galerie Le Mouton noir, 20 rue du Mouton. Ouverture les vendredi, samedi, dimanche de 15 h à 20 h. Vernissage aujourd’hui jeudi 9 octobre à partir de 18 h 30.

Dominique Bordier, Nouvelle République, 9 octobre 2014