La Fonderie Poitou alu décrète de nouveau le blocus !
Parce que Renault ne leur donne pas assez de boulot, les fondeurs, excédés, ont (re) voté hier la grève et le blocus du site. Le conflit reprend.
Y ‘en a marre ! On est partis chercher les chaînes et les cadenas. On bloque tout. Trois semaines après leur reprise du travail qui faisait suite au retentissant conflit de deux mois contre un plan drastique de baisse de salaires, plus de 300 salariés de la Fonderie du Poitou alu (deux équipes de jour présentes ainsi que l’équipe bureau et des techniques) ont voté hier après-midi à la quasi-unanimité la reprise du blocage sur les deux sites, l’alu mais aussi la fonte (NDLR : la fonderie fonte est « fournisseur de carters pour Renault, responsable de la situation actuel de FDPA », dixit l’intersyndicale).
» On va se relayer pour faire le blocus jour et nuit »
« A la Fonte, nos camarades travaillent mais à l’alu, c’est l’inactivité totale. On refait grève. Mais pour les deux usines, on ne laisse plus passer de camions (NDLR : à l’instar de ces deux poids lourds espagnols qui étaient venus chercher des carters et qui sont repartis bredouilles). Les équipes de jour et nuit vont se relayer pour assurer le blocage du site, à commencer par cette nuit. Ce blocage se fait 24 h/24, renouvelable chaque jour en assemblée générale », indique Alain Dubin, de la CGT.
Le motif de ce blocus est simple. Renault, principal client de la Fonderie du Poitou alu (FDPA), s’était engagé le 27 octobre dernier à maintenir ses approvisionnements auprès de FDPA pour permettre d’assurer « le plan de charge d’un futur repreneur ».
» Renault ne respecte pas ses engagements »
Or, la direction de la marque au losange ne tiendrait pas ses engagements et aurait annoncé une baisse drastique de ses carnets de commande (10.000 culasses par semaine au lieu de 18.000 environ). En clair, Renault ne donnerait plus assez de travail à la FDPA d’Ingrandes. C’est du moins qu’affirment les syndicats.
Raffarin interpelle Sarkozy
A l’instar d’autres parlementaires qui ont interpellé le ministre de l’Industrie ces deux derniers jours, le sénateur de la Vienne, Jean-Pierre Raffarin, a pris sa plume pour demander au président de la République, Nicolas Sarkozy, « d’intervenir personnellement dans ce dossier ». L’ex-Premier ministre l’assure : « Ce maintien des commandes par Renault est une condition vitale à la reprise de la société. » Autrement dit, « aucun repreneur ne voudra de nous s’il n’y a pas de carnet de commandes de la part de Renault », vitupère un gréviste.
L’avenir de la FDPA, placée en redressement judiciaire depuis le 20 octobre, risque de se jouer mercredi prochain devant le tribunal de commerce de Nanterre qui « pourrait décider d’une possible liquidation judiciaire avec poursuite d’activité », redoutent les grévistes.
Mais les fondeurs, qui ont récemment mis la pression sur le préfet de la Vienne, sont convaincus de l’issue de la crise : « On se remobilise pour dire haut et fort que Fonderie du Poitou survivra ! »
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Ce qui attend les grévistes aujourd’hui
> Programme. A 11 h : conférence de presse. A 12 h : table ronde avec « une vingtaine de politiques ». Ont été invités Jean Pierre Abelin, Catherine Croutelle, un conseiller de Raffarin…
> Trésorerie. « En trois semaines depuis la reprise, la trésorerie est passée de 40.000 euros à 1,5 million d’euro », selon l’intersyndicale.
> Liquidation ? Mercredi, le tribunal de commerce de Nanterre pourrait liquider la FDPA.
> Assignation. D’après l’intersyndicale, le mandataire judiciaire, Me Basse, devrait assigner en justice Renault lundi pour « non-respect de ses engagements. »
> L’ultimatum du PC. Jean-Claude Monaury et Jean-Louis Faure « mettent au défi » Éric Besson, ministre de l’Industrie, et Carlos Ghosn, patron de Renault, de « venir à Ingrandes ». « S’ils sont courageux, ils viendront. Qu’ils viennent s’expliquer devant les salariés d’Ingrandes ! »
> Montupet, quel toupet ! Les syndicats sont tombés des nues en découvrant que leur ancien patron, Stéphane Magnan, P-DG de Montupet, fait partie en fait d’un comité d’orientation « Réseau de recherche et d’innovation technologique (matériaux et procédés) » qui travaille sous l’égide… du ministère de l’Industrie. « Il est juge et partie dès le début ! On comprend mieux maintenant pourquoi le dossier et les négociations sont si compliqués. »
à suivre
Un repreneur américain a visité l’usine
Selon plusieurs syndicalistes, Hugh Aiken, un entrepreneur américain qui a racheté en 2010 à De Dietrich la fonderie de Niederbronn-les-Bains (Bas-Rhin), a visité mercredi personnellement le site et serait potentiellement intéressé. Cette holding Aiken possède des entreprises en Pologne (800 emplois) et en France (500 emplois). Chiffre d’affaires : 110 millions d’euros. La production est hétéroclite : des pièces pour Volkswagen, pour des machines agricoles mais aussi des corps de chauffe pour chaudières…
D’après un document, M. Aiken se dit « intéressé par la technologie de FDPA et que son objectif est de préserver le tissu industriel en France, en Europe, aux USA, face aux concurrents chinois et indiens ».
Sur un éventuel projet de reprise, l’Américain a précisé qu’une « entreprise comme FDPA ne doit pas rester avec un seul client et doit se diversifier aussi bien en client qu’en production ».
Toutefois, si Renault « n’assure pas des volumes nécessaires sur plusieurs années pour réussir ce projet de diversification, aucun repreneur ne pourra s’engager sur le rachat de FDPA ».
Nouvelle République, Denys Frétier, 25 novembre 2011