[Poitiers] « Dans la tourmente » et les ouvriers de la Fonderie Alu

Le cinéma s’intéresse aux fondeurs de Montupet

Le réalisateur Christophe Ruggia a invité les ouvriers de la Fonderie Alu à voir son film “ Dans la tourmente ”. Une initiative bien accueillie.

Christophe Ruggia (à g.) était à Cinéa pour dialoguer avec les ouvriers de la Fonderie Alu.

 

Christophe Ruggia (à g.) était à Cinéa pour dialoguer avec les ouvriers de la Fonderie Alu.

 

Le film de Christophe Ruggia « Dans la tourmente » raconte la descente aux enfers de deux copains confrontés à la fermeture brutale de leur usine. Le réalisateur parcourt la France pour montrer son film aux ouvriers.
Il était mardi soir à Châtellerault, au cinéma Cinéa, où il a rencontré les gens de la Fonderie Alu. Interview.

Le film parle du monde ouvrier et d’un conflit social très dur. On sent que c’est du vécu.

« Mon père était ouvrier soudeur chez Eurocopter à Marseille. Les décors du film, c’est là où j’ai grandi, autour de l’étang de Berre. J’avais 15 ans en 1980 et j’ai vu des potes à moi partir du jour au lendemain parce que leurs parents étaient virés, devaient déménager. Ça m’a marqué.

 «  Je connaissais déjà l’affaire Fabris. Le film part d’ailleursde cette base-là  »

Je m’étais dit : si je fais un film un jour, je parlerai de ça et de types qui refusent d’accepter ça. »

Vous vous êtes aussi inspiré de l’actualité ?

« Je l’ai écrit il y a six ans, avant la crise de 2008. Et en fait, j’ai été rattrapé par l’actualité. Du coup, le scénario a beaucoup bougé. J’ai fait le tour de France et j’ai vu beaucoup de chose comme ça. »

Comment avez-vous entendu parler du conflit de la Fonderie Alu ?

« Je suis très proche des syndicats. J’ai appelé quelques potes de la CGT pour leur demander s’il y avait des sites où je pouvais présenter le film. Ils m’ont parlé des fonderies. Je connaissais déjà l’affaire New Fabris. Ce que je raconte dans le film part d’ailleurs de cette base-là. »

Vous avez déjà fait d’autres sites ?

« Oui je suis allé par exemple rencontrer les gens des Papeteries Malaucène (Vaucluse) où 330 types sont le sur le carreau. Ces rencontres, c’est très intéressant. Ça renvoie à plein de choses. Quand ils voient le film, les ouvriers sont renforcés dans leur conviction de continuer un combat collectif, de rester dans la légalité. Mais d’autres ne sont plus dans cet état d’esprit. On m’a dit par exemple : «  On en a arrêté deux qui partaient avec leur fusil  ». »

On vous catalogue comme un cinéaste engagé…

« Tout le monde me considère comme ça. Je parle seulement d’où je viens. On n’est pas beaucoup comme ça dans le cinéma à parler de ce qu’on connaît. Il y a mon copain Tony Gatlif, Cédric Kahn. Il y a toujours un peu de condescendance. Dès qu’on parle de la société, on fait du sous-cinéma. »

On voit dans le film que le désespoir peut conduire à une extrême violence…

« L’idée c’est de montrer où en est le monde ouvrier. Je ne justifie pas la violence. Je dis qu’à un moment donné, il y a des choses qui ne marchent plus. On le voit depuis 2008. Il y a un problème entre les citoyens et les États, qu’on retrouve, dans l’entreprise, entre salariés et dirigeants. On ne peut pas demander aux plus faibles de respecter des règles que ceux d’en haut ne respectent pas. »

Nouvelle République, recueilli par Franck Bastard, 19 janvier 2012