[Poitiers] Festival filmer le travail : interview de Mordillat

 » Le travail est le vaisseau fantôme dans notre société « 

Dans le cadre de la 3 e édition du Festival Filmer le travail, le romancier et réalisateur Gérard Mordillat est venu, hier, rencontrer des publics.

Franscisco Ferreira, enseignant l'université de Poitiers et Gérard Mordillat lors de la conférence-débat.

 

Franscisco Ferreira, enseignant l’université de Poitiers et Gérard Mordillat lors de la conférence-débat.

Vous intervenez à quel titre dans ce festival ?

« J’interviens à double titre. Comme romancier. Et puis en tant que cinéaste puisqu’on va montrer lors d’un débat des extraits de la série télévisée que j’ai réalisée sur « Les Vivants et les morts », puis ce soir un film que j’ai réalisé avec Nicolas Philibert qui s’appelle « La Voix de son maître » sur le discours patronal. »

« La Voix de son maître » n’est pas un film récent

« Non, il date de 1978. C’était un travail extrêmement sérieux voire sévère sur le discours patronal. C’est un vrai travail critique où le cinéma est utilisé comme outil critique. Et puis ce film a été censuré à la télévision. Il a fallu attendre treize années plus tard pour qu’il soit enfin diffusé sur le petit écran. »

En quoi ce film est toujours d’actualité ?

« Parce que toutes les questions posées sont les mêmes : sur la légitimité du capital, sur le pouvoir exercé à l’intérieur de l’entreprise, sur quels types de relation entretenir avec les syndicats, sur quel syndicalisme pouvait-on penser… Et sans le savoir, on a tourné à une moment absolument charnière de l’histoire économique et politique de la France. Quand nous avons tourné en 1976-77, dans toutes les entreprises, il y avait un directeur du personnel. Et lorsque le film est sorti en 78, on était passé à directeur des ressources humaines. Aujourd’hui, on a franchi une marche supplémentaire car les salariés ne sont plus considérés ni comme « personnel » ni même comme « ressource » mais de « variable d’ajustement ».

C’est très pessimiste…

« C’est la réalité. L’alternative est de rompre avec cette logique de quête de profit jusqu’à la folie et de revenir à une autre organisation sociale qui, sans rêver à une égalité parfaite entre les citoyens, en tout cas, tente à rétablir les équilibres. »

Quels rapports entre filmer le travail et la façon dont cela est reçu par le public ?

Le problème, c’est que le travail est le vaisseau fantôme dans notre société. Il est absolument absent de l’univers du cinéma, de la télévision et même des romans. Tout aussi absent de l’univers médiatique.

> Le Festival se poursuit jusqu’à dimanche. www.filmerletravail.org

Nouvelle République, Propos recueillis par Marie-Laure Aveline, 7 février 2012

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