Un recadrage mal digéré chez Quick
Poitiers
Il le dit à sa façon. Claire et nette. Un brin raide et cassante. « C’est moi le patron. C’est moi qui donne les ordres. J’ai remis les règles du jeu en place, Avant c’était une cour de récréation. »
Avant, c’était avant le rachat du Quick du centre-ville de Poitiers par Marc Chaudron. Il en gère désormais cinq en franchise et emploie environ 150 personnes. Cinq établissements qui tournent. Une gestion millimétrée dans laquelle le patron ne souffre aucun accroc.
Reprise
Et c’est bien ce qui pose problème avec le fast-food de la place Leclerc repris en octobre 2009. La gestion coulante du prédécesseur laisse la place à une gestion au carré, quasi militaire, qui ne passe pas. Règlement, règlement. Rapidement, des salariés se plaignent des méthodes de management souvent rudes dans les fast-food où le personnel défile. L’inspection du Travail vient enquêter, écoute les plaignants et remet un rapport accablant sur les méthodes du patron et de sa directrice, Laëtitia Bernard. Ils devaient s’expliquer tous les deux à la barre du tribunal correctionnel devant laquelle ils étaient renvoyés hier pour des faits de harcèlement moral. Six salariés se sont portés partie civile pour réclamer des dommages et intérêts conséquents. Des salariés qui estiment avoir été mis sous pression et poussés à la démission avec tout l’arsenal habituel : changement de tâches, humiliation, refus de promotion, sanctions à répétitions, atteintes à leur liberté individuelle.
Coup d’éclat
Le premier geste du patron est fort… et maladroit. Il brise les cadenas des vestiaires des employés pour vider les casiers. « Ça sentait très mauvais. Ils gardaient des choses pourries », explique Marc Chaudron. « Il fallait faire quelque chose. Il y avait un gros laisser-aller dans ce restaurant en matière de nettoyage. »
Grosse perte
A chaque reproche, le même clivage revient. Un patron intransigeant sur la ponctualité, la justification des retards et absences et la tenue, un gérant arc-bouté sur la remise en ligne d’un site qui perdait 20.000 clients à l’année ; et des salariés qui s’estiment pressés comme des citrons et pris en grippe. Les plaidoiries de Me Marie Colombeau pour les quatre ex-salariés présents et celle de Me Stéphane Pillon pour le gérant et son adjointe suivent le même clivage. L’une exige des réparations au vu des conséquences psychologiques ; l’autre plaide la relaxe du gérant, faute de harcèlement, et celle de sa directrice, en l’absence de délégation de responsabilité.
Délibéré à huit jours
Les faits sont anciens et le procureur relève que l’audience permet au moins d’écarter certains agissements au vu des éléments apportés. Après, le choix est simple : soit le tribunal ordonne un supplément d’information pour entendre les salariés non plaignants qui n’ont pas été auditionnés ainsi que l’ancien patron, soit il statue en l’état. Et là, le procureur s’en remet à la sagesse du tribunal… qui rendra sa décision jeudi prochain.
E. C., Nouvelle République, 23 août 2013