[Poitiers] Socialisation du théâtre : l’impasse institutionnelle

NdPN : ci-dessous et paru aujourd’hui, un article de la NR aux conclusions aussi consternantes qu’hélas prévisibles. Si nombre de Poitevin-e-s se sont mobilisé-e-s contre la privatisation des locaux de l’ancien Théâtre de la place d’armes, force est de constater que lesdits modes de mobilisation auront conduit le mouvement dans une impasse. Peut-être bien parce que revendiquer qu’un lieu demeure ou devienne « public », c’est-à-dire soit en gestion institutionnelle, ne saurait être compatible avec une socialisation réelle. Face à la machine institutionnelle représentative, quel poids peut bien peser une pétition à des élu-e-s ayant déjà pris le parti de l’autorité et du fric ? Quel poids peut donc peser une opposition isolée à un quelconque conseil municipal ? Et le conseil municipal de renvoyer, cynique, les derniers opposant-e-s à une procédure en justice, perdue d’avance… Socialiser l’espace qui appartient à tou-te-s, cela signifie se donner les moyens de l’occuper réellement, sans médiation de pseudo-représentant-e-s qui décideraient ce qui devrait être « privé » ou « public ». Squatter pour instaurer un rapport de force peut s’avérer gagnant pour faire avancer les choses, à condition d’une mobilisation collective claire dans ce sens, faute de quoi la répression s’abat vite (problème bien connu sur Poitiers, lorsque les anti-autoritaires se retrouvent souvent seul-e-s à tenter d’ouvrir des squats). Encore faudrait-il que les militant-e-s de partis qui n’envisagent l’opposition que par des canaux institutionnels et affichant eux et elles-mêmes une stratégie ou une ambition électoraliste, franchissent le pas vers une réappropriation sociale réelle. Qu’il s’agisse de trouver des lieux pour habiter, se retrouver politiquement ou créativement, l’avenir ne peut être qu’à la prise de possession sociale directe des lieux. Faute de construire cette force offensive, la seule indignation contre la gestionnite capitaliste gangrénant tous les espaces de vie ne peut donner lieu qu’à un spectacle stérile et décourageant.

Ancien théâtre :  » Portez plainte ! « 

A travers le dossier Unesco, le devenir et la vente de l’ancien théâtre sont revenus sur le devant de la scène. En présence de quelques membres du collectif de défense de l’édifice et avec pour inlassable avocate, Maryse Desbourdes (NPA). Celle-ci a demandé « l’annulation de la délibération du 23 septembre, le classement du théâtre au titre des Monuments historiques et une concertation pour redonner à ce lieu son rôle culturel au centre-ville de Poitiers ». Elle sera la seule à voter contre la délibération.

Un plafond de 500.000 € à construire

Sans exprimer d’opposition à la candidature de la Ville au patrimoine de l’Unesco, Christiane Fraysse (Europe écologie les Verts) a de nouveau marqué son attachement au théâtre « qui n’a pas un caractère exceptionnel mais de témoignage ». Un avis que semble partager Jean-Marie Comte (PS) : « J’aime beaucoup le bâtiment de l’ancien théâtre mais il faut savoir le comparer avec d’autres monuments de Poitiers. Le caractère de sa valeur reste à prouver. Il ne sera pas détruit ». Une promesse réitérée par Bernard Cornu (PS) qui parle d’une « façade très peu modifiée ». Serge Rouquette (centriste) s’étonne que les deux pavillons vétustes Gaston-Hullin sur le site de Pasteur aient été vendus à la Ville pour 2 200 000 € afin de construire un Ehpad alors que France Domaine a évalué l’ancien théâtre à 435.000 € Bernard Cornu ne cache pas sa colère contre « cette suspicion intolérable qui est lancée ». Il explique que l’acheteur devra effectuer des travaux conséquents dont la réalisation du plafond isolé de la future salle d’art visuel (montant : 500.000 €). « La mise en concurrence a été très ouverte, le dossier suivi avec sérieux, le calendrier respecté et le projet voté largement. En aucune façon, on ne pourrait dire qu’on a bradé l’intérêt des Poitevins ! », s’enflamme-t-il. Alain Claeys reproche à Serge Rouquette ses propos : « Je n’accepte pas la moindre suspicion sur les services de l’État, les services municipaux. Vous avez une solution : portez plainte contre l’État et contre l’estimation ». Aurélien Tricot (PS) ne dit pas autrement : « Je suis consterné que, dans cette période instable, des Républicains participent de cette suspicion. Toutes les explications ont été données. Maintenant adressez-vous à la justice ! »

Marie-Catherine Bernard, Nouvelle République, 19 novembre 2011