Une action du groupe de sciences-po autour du projet « Volar » a eu lieu hier à Poitiers, à l’occasion de la très institutionnelle « journée de la fille » [sic], contre le harcèlement de rue. Malgré les limites assez manifestes du discours en termes de perspectives politiques pour la lutte contre la domination masculine (en même temps c’est Sciences-po), l’initiative est à saluer. Sur le harcèlement sexiste et l’autodéfense, on lira avec intérêt ce petit livre en ligne.
Mais je vois déjà certains copains esquisser un petit sourire railleur, comme à chaque fois qu’on parle féminisme. Adresse à tous les « camarades » anticapitalistes, voire anti-autoritaires, qui jugent que la lutte contre la domination masculine est secondaire (bizarrement, toujours vous les mecs) : demandez-vous tout de même si les rapports dominants-dominés que vous dénoncez, qui imprègnent et formatent si profondément les mentalités, ne viennent pas aussi largement du fait que dès la naissance, l’humanité est arbitrairement divisée entre « garçons » et « filles », avec un rôle imposé, le genre, impactant tant de dimensions de nos vies qu’il déforme et dégrade en profondeur toutes nos perceptions depuis l’enfance.
Si les hommes et les femmes n’étaient pas formés du berceau à la tombe pour faire muter les femmes en « princesses » ou en potentiels objets sexuels sommés de formater leur corps de la tête aux pieds en marchandises (ce qui au fond revient à la même réification de la moitié de l’humanité), et les hommes en « chevaliers protecteurs » ou en durs guerriers sommés de formater leur corps en armures de conquête et en outils de compétition (ce qui au fond revient à la même appropriation de la vie des autres), l’édifice de domination sociale se manifestant sous la forme de l’Etat moderne et du capitalisme n’en serait-il pas profondément affecté ?
L’ouvrage Caliban et la sorcière, de Sylvia Federici, rappelle qu’avant même l’esclavage et les enclosures, la destruction sociale des femmes et la mise sous tutelle de leurs corps (par la chasse aux sorcières et la destruction du contrôle féminin de la grossesse, entre autres ) ont historiquement constitué un incontournable préalable, une première accumulation capitaliste fondamentale, politiquement orchestrée par l’Eglise et l’Etat. Cet assujettissement des femmes est indissociable du démantèlement des communaux (aussi appelé mouvement des enclosures) et d’un modèle étatiste de société fondé sur la figure patriarcale du roi moderne, puis de « l’élu ». Aujourd’hui encore, les chefs sont encore très majoritairement masculins, les rares élues femmes ne démontrant qu’une chose : une fois les valeurs de domination installées au forceps, rien n’empêche d’inclure les dominé.e.s dans l’appareil de domination. On peut mettre ce phénomène en parallèle avec le passage lent du suffrage censitaire au suffrage universel.
Si un antisexisme sans vision plus large du fonctionnement de la société autoritaire est condamné à l’échec, l’inverse est aussi vrai : sans lutte anti-patriarcale, anticapitalisme et anti-étatisme ne sont que baudruches inopérantes.
Jeanine, groupe anarchiste Pavillon Noir de Poitiers
La lutte contre les expulsions passe par une lutte résolue contre l’Etat
L’Etat ne cesse d’expulser des migrant.e.s. De ce point de vue, le PS au pouvoir se targue même d’expulser davantage que sous Sarkozy, avec un nombre d’expulsions record. Valls exhorte les préfets à expulser les débouté.e.s du droit d’asile, et réduit les aides au retour. On voit bien là les limites d’un « antiracisme unitaire et républicain » main dans la main avec le PS, se contentant de dénoncer le Front National… alors que tous les partis institutionnels pratiquent de fait une politique coloniale et xénophobe depuis des lustres ! Qui a créé les centres de rétention administrative, si ce n’est le PS ? Face à cette politique odieuse de l’Etat, quelle que soit sa couleur politique, il est stérile d’appeler les autorités à « plus d’humanité ». Il convient de comprendre les raisons structurelles de leurs « politiques d’immigration » qui discriminent par nature les migrants, de s’organiser et d’agir en conséquence.
L’argument fallacieux du « coût de l’immigration »
L’argument bidon principal des gouvernements successifs, évoqué par les partis qui se sont succédés au pouvoir aussi bien que par le Front National qui y aspire, est de nature économique : l’immigration coûterait trop cher à l’Etat et donc aux contribuables français. Or il s’agit d’un mensonge délibéré. Cet argument, qui consiste à légitimer de briser des vies humaines pour cause de non-rentabilité, est déjà assez odieux en lui-même, et tristement révélateur du type de société qu’on nous impose au quotidien. Mais en plus, il ne tient même pas la route. Comme le rappelle un audit du Parlement : « la contribution aux budgets publics des immigrés est positive ». Les migrants rapportent même bien davantage au budget national que les nationaux, car s’ils sont un peu plus nombreux au chômage, ils cotisent pour la retraite et la santé, bien plus lourds en termes de budget que celui des prestations chômage. Or, la part de la population active chez les migrants actifs étant nettement supérieure à la moyenne des nationaux, les migrants en général recourent sensiblement moins à ces prestations sociales. Sans parler du paiement de la TVA, part importante du budget de l’Etat, versée par les migrants pour tous leurs achats courants… aussi bien que par les nationaux.
L’autre argument bidon, c’est l’emploi : les migrant.e.s prendraient le travail des nationaux, ce qui pèserait sur l’économie et les chiffres du chômage, dans un raccourci absurde du type « X immigrés = X chômeurs en France ». En réalité, la plupart des migrants occupent des emplois non désirés par les nationaux, par ailleurs fort utiles à ces derniers… De plus, leur pouvoir d’achat crée de fait de la consommation… et donc des emplois pour les nationaux. Enfin, une part importante des migrants est étudiante, et permet de faire arriver sur le territoire des jeunes déjà bien formés. Quant à l’argument pour le moins discriminatoire de « l’immigration choisie » voulue par le patronat et les gestionnaires cyniques au gouvernement, il est absurde en terme d’économies budgétaires : non seulement cette politique sélective prive les pays pauvres de leurs jeunes les mieux formés, mais les migrants plus qualifiés recrutés ici vivent plus longtemps et gagnent davantage, et percevront donc à terme plus de prestations de retraites et de maladie. Quant à l’immigration familiale, il est démontré que les femmes d’origine immigrée participent massivement aux emplois de garde d’enfant et de ménage, suscitant de la croissance. Pour finir, même l’OCDE invite les Etats à ne pas fermer leurs frontières, car selon elle l’immigration engendre de la croissance économique !
Laissons donc là ces arguments répugnants consistant à justifier la pression mise par l’Etat contre les migrant.e.s par des prétextes aussi mensongers qu’inhumains de coûts économiques, aisément retournables contre ceux-là mêmes qui les invoquent. D’ailleurs, les Etats expulsent relativement peu de migrants « illégaux » chaque année : autour de 10% de la population immigrée dite « clandestine ». Ils savent donc qu’il y a un intérêt économique à garder une population immigrée « illégale » dans le territoire. Pourquoi donc les gouvernants, bien au fait de ces chiffres, mettent-ils tous donc une telle pression policière et judiciaire sur des migrant.e.s demandant à vivre en France, après avoir choisi de les mettre en situation d’illégalité ? Il y a deux raisons principales à cela.
Baisser le coût de la main-d’œuvre en général pour augmenter le taux de profit
Les patrons ont intérêt à avoir la main-d’oeuvre la moins chère possible, ce qui implique des salaires et des droits du travail moindres. Et moins de coûts de formation à assumer en interne lorsqu’il s’agit de migrants qualifiés, dont l’éducation a été menée dans leurs pays d’origine. Le fait de traquer les migrant.e.s, d’en déclarer un grand nombre « illégaux », de débouter l’immense majorité des demandeurs d’asile politique, bref d’instaurer une législation discriminatoire les concernant, n’a en réalité pour seul but que de mettre une pression forte sur les migrants à l’embauche. Cela les contraint à accepter des contrats qui, déclarés ou non, sont largement sous-payés, avec des conditions de travail détériorées. Cela permet aussi, indirectement, de tirer à la marge la rémunération des nationaux vers le bas, concernant les types d’emplois (minoritaires, on l’a vu) partagés par les migrants et les nationaux.
De plus, la fermeture et la militarisation des frontières, qui préserve un différentiel délibéré en matière de droit du travail et de salaires entre les Etats, de part et d’autre de ces frontières, permet aux multinationales de délocaliser pour engranger davantage de profits, en faisant jouer de cyniques « économies d’échelle ».
On voit bien là de quel invariable camp se situent tous les gouvernants de l’Etat sans exception : celui du patronat. Au contraire, une régularisation totale des « étrangers » vivant en France et une ouverture des frontières profiterait à nous tous, travailleurs vivant ici, quelles que soient nos origines. Les seuls lésés seraient les patrons, grands amis des politiciens, les soutenant et les plaçant au pouvoir….
L’argument puant de « l’identité nationale »
L’autre « argument », classique à droite en général et hélas de plus en plus évoqué à gauche, consiste à prétendre que l’immigration serait de plus en plus importante en France, et qu’elle menacerait l’identité culturelle des nationaux. Il faudrait en « débattre librement », ce ne serait plus un « tabou ». Au passage, ces communicants évitent de dire que le nombre des Français émigrant dans d’autres pays est lui aussi important, entraînant un solde migratoire assez faible. Or la part des immigrés en France est stable depuis les débuts de la révolution industrielle, un tiers des nationaux a au moins un arrière-grand parent immigré, l’immigration fait partie intégrante de l’histoire française. C’est que « l’identité nationale » ne saurait reposer, en France, sur des origines ou des particularités culturelles : depuis la révolution, l’identité nationale se réclame, du moins en apparence, de valeurs universalistes et des droits de l’homme.
En apparence car cet universalisme a surtout été le prétexte au colonialisme pour l’Etat français, qui a occupé, pillé et massacré dans des pays d’Afrique et d’Asie. Un Etat français qui continue à y protéger ses intérêts financiers, par des interventions militaires et son soutien indéfectible aux dictateurs notoires qui ménagent aux multinationales françaises des contrats juteux. La politique étrangère de l’Etat français contribue depuis longtemps à maintenir ces pays dans la pauvreté, et continue à s’y employer, mais l’Etat continue de dire cyniquement qu’il « ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Peu de gens quittent leurs proches et leurs repères de bon cœur : dans l’immense majorité, c’est pour pallier à la pauvreté qu’on leur impose. Notons que les ressources énergétiques consommées en France, à la base de son économie, sont toujours extorquées dans des conditions inhumaines aux populations de ces pays, qu’il s’agisse du pétrole ou de l’uranium. Que nombre de produits de consommation courante, ou des produits de base de l’industrie, sont fabriqués dans des conditions épouvantables par des salariés surexploités dans d’autres pays… y compris par des multinationales françaises. Que les politiques d’ajustement structurel imposés aux pays du sud par les Etats du nord (dont la France), maintiennent délibérément les populations dans la dette et la misère.
La question ne se pose donc pas de savoir si les gouvernants sont « racistes » ou non, mais de comprendre pourquoi ils recourent à des arguments relevant idéologiquement de la discrimination xénophobe et raciste. Il s’agit bien, sous couvert d’un « débat décomplexé et légitime », en laissant supposer que les migrants seraient des « profiteurs du système » sur le dos des nationaux, d’instiller la xénophobie et le racisme parmi la population, et de jouer à fond la carte de la division des exploités, afin de nous détourner d’une légitime colère contre les mêmes exploiteurs qui nous oppriment, les patrons et les politiciens. De même, les pouvoirs et leurs relais médiatiques ne cessent d’entretenir le « débat » sur l’islam, une religion privée qui ne regarde que les gens qui le pratiquent, en agitant une menace islamiste. Les propos insoutenables d’une bonne part de la classe politique (dont le premier ministre PS Valls) sur la prétendue incapacité des Roms à s’intégrer relèvent du même discours nauséabond.
Pendant ce temps-là, on ne parle pas des subventions massives, directes ou indirectes, accordées par les gouvernements successifs en faveur du patronat, ni du détricotage systématique de nos droits. Le PS a démontré par le CICE et le « pacte de responsabilité » que sa solidarité allait au patronat, à coup de dizaines de milliards de détournement d’argent public en sa faveur.
L’illusion d’un changement de politique migratoire de l’Etat
Alors de fait, l’Etat allié du Capital peut-il être sommé de faire « une autre politique d’immigration » plus « humaine » ? C’est ce que réclament certains partis de gauche et d’extrême-gauche aspirant au pouvoir, militant au sein de « collectifs citoyens » de « soutien aux étrangers », dénonçant « l’illégalité » et ou les « irrégularités » de telle ou telle procédure d’expulsion… comme si l’Etat se souciait de respecter des lois qu’il n’édicte que contre nous ! Par ailleurs, cette tactique peut se retourner contre notre lutte pour la liberté totale de circuler ; par exemple, si nous luttons contre l’expulsion d’un lycéen uniquement en invoquant la loi qui interdit d’expulser des mineurs, si notre argumentaire se limite à remettre en question la validité d’expertises osseuses prétendant que ce lycéen est majeur, on cautionne malgré nous, et de fait, non seulement ce genre de procédure ignoble de flicage des corps, mais aussi l’expulsion des élèves majeurs, ce qui est tout aussi insupportable et honteux !
Non seulement nous ne croyons pas l’Etat réformable, mais nous affirmons que cette croyance est une illusion mortelle, introduisant de la confusion dans toutes nos luttes sociales. Certes il est utile de se battre à chaque expulsion, et d’utiliser parfois des arguments juridiques ; mais si nous nous en contentons, si nous ne portons pas une solidarité et des pratiques de lutte plus globales, si nous ne débordons pas le cadre institutionnel, si nous restons esclaves des outils mêmes de l’oppresseur, nous ne pourrons jamais gagner la liberté. C’est cette analyse libertaire que nous souhaitons ici rappeler sans concession.
Si c’est le capitalisme qui induit la traque des immigrés, comme nous l’avons démontré, il faut aussi combattre son allié indéfectible : l’Etat. En effet l’institution étatique est indissociablement liée, aussi bien historiquement que structurellement, au développement, au fonctionnement et à la préservation du système capitaliste, depuis la privatisation des communaux et l’esclavage il y a plusieurs siècles. Il ne peut y avoir de capitalistes qui dépossèdent économiquement les humains de leurs espaces de vie et des moyens de production, que s’il y a des gouvernants chargés de les déposséder politiquement en décidant à leur place selon leur bon vouloir, sous un vernis mensonger de « démocratie ». Et inversement.
Le rôle de l’Etat dans l’existence même du capitalisme est incontournable ! C’est lui qui établit et garantit le cours de la monnaie, qui légifère les conditions mêmes de l’exploitation salariale, qui défend par les armes la propriété privée capitaliste des moyens de production, qui s’empare par ses armées coloniales des ressources nécessaires à l’industrie capitaliste, qui paie les infrastructures nécessaires à la production et à l’échange des marchandises, qui offre des marchés juteux aux bâtisseurs de grands projets inutiles et nuisibles, qui privatise des pans entiers de l’activité humaine et ne nationalise que lorsque cette activité n’est plus assez rentable, qui renfloue les banques et « endette » à vie la population entière quand il s’agit de préserver les profits bancaires… et qui traque les êtres humains qu’il estampille « étrangers clandestins » à coups d’arrêtés préfectoraux.
La triste preuve, si besoin est, que les partis de « gauche » (contestant par de beaux discours humanistes les politiques actuelles d’immigration) ne font pas mieux lorsqu’ils obtiennent une once de pouvoir minable, ne serait-ce qu’à l’échelle locale, sur les populations : des municipalités Front de Gauche ou Europe Ecologie les Verts expulsent elles aussi des campements roms (Saint-Denis, Montreuil…), démontrant qu’elles participent sans complexe à la même répression des migrants « illégaux ».
Comme le capitalisme se fonde sur l’exploitation maximale de la main-d’oeuvre salariée, la traque aux « immigrés illégaux » (décrétés tels par ses services préfectoraux) continuera tant que perdurera l’institution étatique, avec ses frontières, ses centres de rétention administrative, ses flics expulseurs et ses bidasses mercenaires colonialistes. Demander à l’Etat une régularisation totale des migrants est une chimère, tant que l’Etat et son pendant économique capitaliste existeront : seul le fédéralisme libertaire peut nous permettre de nous organiser, ici comme à l’échelle mondiale, sans Etat ni exploitation, pour en finir avec toutes les sales frontières qui divisent les êtres humains.
Lutter contre les frontières, lutter contre l’Etat !
Aussi ne suffit-il pas de dénoncer çà et là des expulsions avec les arguments juridiques des autorités qui expulsent ; aussi est-il vain de réclamer plus d’humanité auprès d’institutions dont la nature et l’existence dépendent de notre dépossession. Seule une lutte autonome des exploités, d’ici ou d’ailleurs, résolument dirigée contre l’oppression étatiste et capitaliste ici et ailleurs, peut nous permettre enfin de vivre libres, d’habiter et de voyager librement.
Une solidarité internationaliste conséquente avec les migrants passe par la lutte claire et déterminée, ici et dans le monde entier, contre les institutions étatistes et capitalistes perpétrant leurs exactions contre les sociétés humaines.
John Rackham, groupe anarchiste Pavillon Noir de Poitiers, 11 octobre 2014
Des « Femen de Poitiers » ont récemment fait une « action », qui fait aujourd’hui l’objet d’un article dans La Nouvelle République locale. Le titre : « Pour faire avancer la cause des femmes ». Ces « Femen » ont aussi fait tourner leurs photos sur les « réseaux sociaux »… ce « buzz » peut-il vraiment faire « avancer la cause des femmes » ? Il y a de quoi en douter !
Cet engouement soudain pour le « féminisme », de la part d’un journal peu amateur des discours et actions féministes à Poitiers, n’est pas étonnant. La presse accueille généralement bien les Femen, qui offrent la possibilité de vendre du papier… et du cliché. Faire progresser la « cause des femmes » avec des photos de seins nus, en voilà une idée nouvelle. On devrait la souffler aux publicitaires.
La presse n’aime pas trop les discours qui dérangent. Avec les Femen, dont les actions consistent à poser devant les journalistes à Poitiers comme ailleurs, on a donc droit aux slogans creux : ça ne mange pas de pain de défendre « les valeurs fondatrices de la République Liberté-Egalité-Fraternité ». C’est sûr que ça passe mieux dans les colonnes de la NR qu’une critique des valeurs sexistes, racistes, autoritaristes et capitalistes fondatrices de la République bourgeoise, que d’autres féministes avancent pourtant depuis longtemps.
Quand ces Femen s’insurgent contre « la prise du pouvoir par l’économie », on aimerait bien leur rappeler la signification du mot capitalisme, car elles ne semblent pas bien au courant de la société où elles vivent. On a ainsi droit à un couplet contre la « mondialisation libérale », une tarte à la crème aussi bien partagée par le PS et l’UMP que par le PCF et le FN, propice au confusionnisme le plus dangereux (voir le dernier autocollant à la mode de l’extrême-droite fascisante à Poitiers, contre « le mondialisme »). Quant à évoquer la « peur de la montée du FN », bonjour la subversivité… le clou du spectacle confusionniste consistant à poser devant la statue de Jeanne d’Arc (une célèbre icône de la féministe… Marine Le Pen ?). Par ailleurs, s’arrêter à une critique du seul FN, n’est-ce pas une façon d’éviter de critiquer l’autoritarisme et le racisme des politiques de gauche comme de droite au gouvernement, et donc, de les cautionner ? Dénoncer le FN, bien évidemment, mais d’une façon aussi confuse, ça ne fait rien avancer.
La lutte contre la domination masculine et la lutte contre le racisme sont indissociables de la lutte contre le capitalisme et l’Etat. Nombre de féministes le savent et luttent déjà dans cette optique, à Poitiers comme ailleurs. Nous ne nous étendrons donc pas plus sur la critique des Femen. D’autres l’ont déjà fait, nous renvoyons à ces articles divers :
NdPN : Si l’espoir fait vivre, si la situation sociale suscite des engagements militants sincères, un peu d’histoire sociale et de clarté politique ne font pas de mal, histoire de s’épargner déception, perte de temps et d’énergie militantes dans des impasses éculées. Entre l’alliance avec une bureaucratie PCF forte d’une histoire remarquablement constante de trahisons politiques et sociales, et celle avec une direction d’EELV qui tente avec un zèle assez admirable de rattraper son retard sur le PCF en la matière, l’espoir quelque peu naïf de nombreux.ses militant.e.s de base du Front de gauche de constituer un « pôle d’attraction ouvert » semble être confronté à la réalité banale des stratégies de pouvoir inhérentes aux partis représentativistes. Si le but est d’en finir avec les inégalités politiques, économiques et sociales, mieux vaut fuir comme la peste les écueils archiconnus d’inconséquences telles que la fin du pouvoir par la « conquête du pouvoir », la fin du capitalisme par sa « régulation », la fin des discriminations par le « droit » au sein d’institutions étatistes et bourgeoises. L’émancipation des opprimé.e.s, des exploité.e.s et des discriminé.e.s passe par l’organisation de leur autonomie et leurs luttes, et non par ces chimères pathétiques rabâchées depuis des lustres par la gauche, ayant déjà plus qu’amplement démontré non seulement leur impuissance, mais aussi leur nocivité dans les luttes sociales.
Les candidats aux sénatoriales Gisèle Jean et Patrick Coronas, présentés sous la bannière Front de gauche, ont créé une polémique. Décryptage.
Cela ressemble à une déclaration de guerre, pour ceux qui s’en réclament, lorsque Gisèle Jean et Patrick Coronas, candidats aux sénatoriales, annoncent : « Nous avons été candidats pour le Front de Gauche et nous le serons à nouveau… » La réponse n’a pas tardé : « C’est scandaleux, c’est une manipulation et le Front de gauche départemental n’avait pas besoin de ça », réagit Jacques Arfeuillère (*), chargé de communication au Parti de Gauche (PG). Et il n’est pas le seul à monter au front : « Pour le Parti communiste français, le Front de gauche est un instrument, pour nous c’est un projet d’avenir », précise Séverine Lenhard, co-secrétaire du PG. Son homologue, Christian Morisset (**) assure que « jamais nous n’aurions accepté d’être représentés par quelqu’un qui a passé un accord politique avec le Parti socialiste pour les élections municipales à Poitiers de mars 2014 ».
Petit rappel pour comprendre la fracture : en juin dernier, le Front de gauche (PG, PCF, et Ensemble) rencontre EE-LV pour une liste commune à la gauche du PS dans le cadre des élections sénatoriales. Le Parti communiste français refuse cette union à cause de la présence Verts. Les négociations échouent.
« Il n’y a pas de candidatures Front de gauche aux sénatoriales dans la Vienne », répètent à l’envi les responsables du Parti de gauche. D’autant moins que deux candidatures seront présentées, vendredi, lors d’une conférence de presse : « Nous annoncerons une liste commune Parti de gauche et Europe Ecologie-Les Verts », promet Jacques Arfeuillère. Avec l’ambition de porter un message politique : « Nous nous exprimerons contre les politiques anti-austérité, contre une réforme territoriale antidémocratique, pour une autre république », explique l’élu poitevin. Ajoutant : « Comment ne pas penser alors qu’il y aurait donc, au sein du Front de Gauche, deux conceptions bien différentes entre ceux qui utilisent l’étiquette à des fins électorales et ceux qui cherchent obstinément à faire de celui-ci un pôle d’attraction ouvert. La première est suicidaire. Un démenti et une mise au point publique des candidats sont nécessaires. »
(*) Jacques Arfeuillère, (PG) conseil municipal, conseiller communautaire à Poitiers. (**) Jean-Luc Morisset, conseiller municipal d’opposition à Chauvigny.
Didier Monteil, Nouvelle République, 11 septembre 2014
NdPN : faut-il encore émettre des commentaires sur la « justice » bourgeoise ? à chaque chronique judiciaire, la même banalité du mépris de classe, la même rage devant ce système judiciaire d’Etat fait pour protéger les riches et les puissants, et écraser toujours plus les pauvres.
On comparera surtout, à titre d’exemple « qui confine au grotesque », le traitement et le réquisitoire du parquet dans cette affaire (six mois de prison ferme pour un « vol » de quelques centaines d’euros… contre une personne vivant dans la misère avec 200 euros par trimestre), avec la demande du parquet concernant, il y a quelques jours à peine, l’ex-notable De Bony (18 mois de prison… avec sursis, pour un « détournement » de 440.000 euros, de la part d’un notable ayant déjà un salaire de base de 10.000 euros mensuels).
On passera aussi sur le vocabulaire employé dans un cas et dans l’autre par les journalistes… Il y a de quoi vomir mais à force, on s’habituerait presque à la nausée : les pauvres apprennent à serrer les dents.
Finalement, l’histoire se termine avec du « TIG ». En l’occurrence, cent vingt euros de travail obligatoire non rémunéré (ni plus ni moins que la définition de l’esclavage) au prétexte hypocrite d’un « intérêt général » défini par les pouvoirs ; et avec une amende pour « dommages et intérêts », versée à des policiers au motif bien connu de l' »outrage », en guise de bonus banalisé de fin de mois. Il faudrait peut-être songer à créer une rubrique supplémentaire à la fin des fiches de paye, concernant la rémunération des prolétaires en uniforme bleu marine.
Le jour où capitalisme et Etat s’effondreront, souhaitons seulement aux législateurs, aux juges, aux policiers et aux directeurs de prisons de courir vite, très vite : les anciens opprimés ont une mémoire, et ne manifesteront pas forcément, en rendant leur justice, la même civilité hypocrite que les notables en costumes, robes et uniformes… ils ne partageront peut-être pas non plus notre idéal anarchiste d’une justice débarrassée de la punition.
Poitiers. Confronté à des conditions d’existence précaires après trente ans d’errance et quinze années de galère, un pauvre hère vit de rapine.
Le temps est lourd et le silence pesant dans la salle d’audience désertée. A la barre, un homme éclate en sanglots alors que le président du tribunal évoque sa misérable vie. « Voulez-vous qu’on arrête là ce récit s’il est trop difficile à entendre ? » « Non monsieur, continuez. ». « Vous êtes donc arrivé en France en 1999 alors que vous aviez 15 ans. Votre père est décédé, vous avez été élevé par votre grand-mère. Vous n’avez pas revu votre mère depuis très longtemps. » « Oui, trop longtemps. » Maître Émilie Hay rajoute une touche de gris à ce sombre tableau. « Mon client ne peut plus payer le loyer du studio insalubre qui lui sert de logement. » La situation administrative du Guinéen confine au grotesque. Son conseil rappelle que depuis qu’il a « malencontreusement passé son passeport à la machine à laver » il n’arrive plus à obtenir le titre de séjour indispensable pour travailler. Il n’a pas accès aux droits sociaux et doit (sur) vivre avec moins de 200 euros… Par trimestre. « Si je vole, ce n’est par plaisir. C’est pour manger. »
C’est un bon père d’un jeune garçon de nationalité française. Il ne peut donc être contraint de quitter le territoire.. « Si vous le condamnez à de la prison ferme, ce sera fini pour lui, plaide Maître Hay. Il n’obtiendra pas de titre séjour. N’en faites pas un ni-ni (ni expulsable, ni régularisable). »
Le pauvre hère est accusé d’avoir volé 280 € et des tickets restaurants dans un camion de chantier. C’était le 8 juillet dans le quartier de Chilvert. Surpris par sa victime, il avait fui en dérobant un vélo. Les policiers l’avaient retrouvé caché derrière un arbre dans un jardin de la rue Saint-Jacqaues. L’interpellation s’était mal passée. En sus des vols reconnus, il doit répondre menaces de mort et outrages à personnes dépositaires de l’autorité publique. « J’étais paniqué. Je me suis énervé. Je m’excuse sincèrement auprès des policiers que j’ai insultés et des gens que j’ai volés. » Les trois policiers, constitués partie civile, réclament chacun 500 €. Le ministère public demande six mois de prison. Ferme. Le tribunal donne une dernière chance à celui qui n’en a jamais eu : il est condamné à 140 heures de travail d’intérêt général. Les policiers recevront 100 € de dommages et intérêts.