Réforme pénale : la carotte des socialos
C’est en octobre 2013 que Christiane Taubira a présenté en Conseil des ministre un projet de loi “relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines”. Si la Garde des sceaux bénéficie dans l’opinion d’une image plutôt « progressiste », le journal L’Envolée tient à mettre les points sur les i : « Sa réforme n’a d’autre but que d’ajouter une peine supplémentaire à l’arsenal punitif existant. » Décryptage.
Cet article a été publié dans le numéro 371 de L’Envolée (novembre 2013), journal réalisé par des prisonniers ou des proches de prisonniers et annonçant clairement la couleur : à bas toutes les prisons !
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Contrairement à ce que balbutient timidement les associations, syndicats et autres organisations de gauche - Syndicat de la magistrature, LDH, Front de gauche et consorts -, le président Hollande ne fait que tenir ses promesses électorales en matière judiciaire. Rappelons en quelques points les grandes lignes de son « programme » : créer 5 000 postes en cinq ans pour la justice, la police et la gendarmerie ; permettre à un policier mis en examen de continuer à travailler – avec maintien de son salaire et de ses primes – en vertu de la présomption d’innocence ; poursuivre la refonte des services de renseignement initiée par Sarko en Direction centrale du Renseignement intérieur (DCRI) et SDIG (Information générale) ; supprimer les peines plancher appliquées depuis 2007 aux récidivistes et étendues en 2011 aux auteurs de certains délits de violences aggravées ; et enfin, exécution de toutes les peines prononcées, y compris par le biais d’alternatives à l’incarcération comme le bracelet électronique pour les courtes peines. Comme son prédécesseur, il avait prévenu avant sa victoire qu’il n’y aurait d’amnistie ni pour les prisonniers ni pour les délits routiers. Il avait aussi annoncé le doublement du nombre des centres éducatifs fermés pour les mineurs délinquants et promis le maintien de la rétention de sûreté – même si elle pose un problème juridique – pour « ne pas relâcher dans la nature sans surveillance des gens considérés comme des malades ». Le projet de construction de 24 000 places de prison supplémentaires montre bien que le gouvernement socialiste se tient à l’objectif de Sarkozy : 80 000 places de prison en 2017. Un point de son programme est tout de même passé à la trappe : celui qui prévoyait l’abrogation des dernières réformes sur la justice des mineurs, le retour aux tribunaux pour mineurs, l’atténuation de leur responsabilité et le primat de l’éducatif sur le répressif.
Droite ou gauche, il n’y a aucun changement, pas la moindre rupture avec la logique de l’enfermement, du tout-sécuritaire, du contrôle, de la surveillance et du fichage de masse. On ne peut se laisser abuser ni par les colloques consensuels sur les grands thèmes de la récidive ou du sens de la peine organisés par Taubira, ni par les cris d’orfraie de la droite et de l’extrême-droite dénonçant la politique laxiste d’un gouvernement qui voudrait vider les prisons et donner « le feu vert aux voyous ». Toute cette comédie ne suffit pas à masquer une continuité bien plus profonde : la nécessité d’encadrer, de réprimer tous ceux qui sont progressivement éjectés de cette société fondée sur l’argent, la production. La Garde des sceaux ne s’en cache pas : elle répond à ses détracteurs que son « projet de loi sur la prévention de la récidive et l’individualisation des peines a pour seul but de rendre le suivi des délinquants plus efficace, et donc de mieux assurer la sécurité des Français ». Et elle souligne « d’emblée que la réforme pénale ne réduit ni l’arsenal de peines que les tribunaux peuvent prononcer (peines d’emprisonnement ferme, peines d’emprisonnement avec sursis ou sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général, amendes, jours-amendes…), ni davantage le quantum de ces peines. » Sa réforme n’a d’autre but que d’ajouter une peine supplémentaire à l’arsenal punitif existant. Son effet sera de continuer à remplir les prisons tout en augmentant le nombre de personnes placées sous main de justice, sous la tutelle et le contrôle de l’État.
- Dessin publié dans le numéro 37 de L’Envolée
Quant au sketch qui oppose le méchant Valls à la gentille-Taubira-qui-a-les-mains-liées, avec ses grands sourires, c’est un autre numéro du même show, dans la grande tradition des interrogatoires bon flic-mauvais flic. Elle endosse un autre costume – l’uniforme de sa fonction – lorsqu’en catimini, loin des caméras, elle va féliciter les matons qui ont su réprimer un mouvement de prisonniers à Blois cet été, consoler les syndicats pénitentiaires qui pleurnichent sur le manque de moyens après l’évasion de Redoine Faïd, ou encore inaugurer la prison ultrasécuritaire de Condé-sur-Sarthe…
État des lieux, quelques chiffres
Entre 2001 et 2013, la population sous écrou (prison, semi-liberté, bracelet électronique) a augmenté de 70 % (de 47 000 à 80 700). En 2000, il y avait 186 000 personnes sous main de justice, contre 252 000 en 2013. Il y avait 3 personnes sous surveillance électronique en 2001, il y en a 11 475 aujourd’hui. La durée moyenne du placement sous écrou a augmenté régulièrement : de 4,4 mois en 1975 à 8,3 mois en 2007 et 10 mois en 2010. Les peines supérieures à vingt ans ont doublé, passant de 1 252 en 2000 à 2 291 en 2011. Le pourcentage de libérations conditionnelles a baissé de 17,5 % en 2001 à 13 % en 2013. Les semi-libertés sont passées de 6 481 en 2001 à 4 889 en 2011 (chiffres officiels : pourcentage par rapport au nombre moyen de condamnés). Chaque année, la France pulvérise son record de « surpopulation carcérale ».
S’il y a de plus en plus de prisonniers, c’est qu’il y a de plus en plus d’actes que le droit désigne comme des délits, et qu’ils sont punis plus lourdement. Ce qui était encore récemment passible de simples contraventions vaut aujourd’hui des peines de prison : provocation à la rébellion, outrage, conduite en état d’ivresse, intrusion dans une école, racolage sur la voie publique, mendicité agressive, occupation de halls d’immeubles… Des peines de plus de sept ans sont de plus en plus souvent prononcées pour des délits. À délit égal, aujourd’hui, les peines sont plus longues, surtout avec les circonstances aggravantes : récidive, association de malfaiteurs, bande organisée… Par contre, tout ce qui pouvait réduire le temps de la peine a quasiment disparu, les confusions de condamnations sont difficiles à obtenir, les sorties conditionnelles sont distribuées au compte-gouttes, les remises de peine annulées pour un oui, pour un non.
Comme il ne remet absolument pas en cause le système de l’enfermement, le pouvoir n’a qu’un problème : comment gérer la multiplication et l’allongement des peines au moindre coût et en évitant les remous à l’intérieur, sans renoncer à la sanction. Le tout récent projet de loi Taubira est le début de la mise en place d’un nouveau Code : celui de l’exécution des peines. Pour rendre effectives toutes les refontes successives du Code pénal, il était nécessaire d’en prévoir les applications concrètes : rien ne sert de condamner si la condamnation n’est pas effectuée. Il y aurait entre 80 000 et 100 000 peines en attente d’exécution, principalement des peines de moins de deux ans de prison : des dossiers en attente de traitement, des décisions contradictoires des administrations, etc. Le programme est clair : mettre de l’ordre dans tout ça, rendre effectives toutes les condamnations. Les 24 000 places de prison déjà prévues n’y suffiront pas, loin de là ; d’où la nécessité de développer les nouvelles formes d’enfermement aussi efficaces que les murs : la prison dehors.
Punir dedans et punir dehors
Taubira axe son projet de loi autour de la « prévention de la récidive ». Elle masque avec ses grandes déclarations lyriques les véritables causes sociales et économiques de la « délinquance ». En fait, comme l’écrit Hafed Benotman, « la récidive n’existe pas, c’est un terme juridique. Quand un homme ou une femme a un problème, elle pense qu’en passant à l’acte elle va le régler. Elle se fait arrêter, elle va en prison. La prison ne règle pas le problème, donc la personne retrouve ce problème en sortant. On n’est pas dans une récidive mais dans une continuité. La prison aggrave leurs peines, donc leur problème ». Pour la Garde des sceaux, en revanche, aucun lien entre le taux d’incarcération et celui du chômage, de la précarité. Tout est fondé sur une appréciation toute relative de la sécurité, et rien sur la véritable insécurité : celle de ne pas pouvoir se loger, de ne pas pouvoir se nourrir correctement, se soigner, se cultiver, se déplacer, etc. Les délinquants sont ceux qui dérangent l’ordre social et moral établi, et surtout pas ceux – petits militaires ou grands banquiers – qui exploitent, détournent, pillent et tuent pour assurer leur petit pouvoir et leurs grands profits. Pour Taubira, la « délinquance » n’a rien de politique, c’est une maladie qu’il convient de dépister et de traiter : évaluation, punition, rémission. Il a fallu forger un nouveau concept psycho-fumeux : la désistance, définie comme « tout ce qui amène un homme à renoncer à la délinquance », à se repentir, à se conformer. Il est donc prévu de mettre en place des structures privées ou publiques, dont le personnel devra calculer le taux de désistance du « délinquant » pour adapter la sanction à chaque cas.
- Dessin publié dans le numéro 37 de L’Envolée
Ce n’est pas un hasard si Taubira remet en avant le principe d’ « individualisation de la peine » : dehors comme dedans, chacun est responsable de sa propre misère. Si l’on est chômeur, c’est parce qu’on est désadapté ; si l’on est prisonnier, c’est parce qu’on est inadapté. Et pour s’en sortir, on doit avant tout compter sur soi-même, quitte à marcher sur les autres au passage : c’est ainsi qu’on apprend à être le gestionnaire de son « capital-vie ». Si l’on a bien intégré les règles du jeu, on pourra espérer avoir une carrière : un salaire, de l’avancement quand on est dehors, et des remises, des aménagements de peine quand on est dedans. Ces améliorations se calculent au mérite : maître-mot de la logique entrepreneuriale adaptée à l’individu. Même enfermé, celui-ci doit se percevoir comme un élément valorisable. Dedans, le pouvoir d’appréciation est laissé en grande partie à l’exécution des peines, c’est-à-dire aux juges d’application des peines et à leurs staffs du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Là encore, rien de nouveau, la notion de Plan d’exécution de peine date du gouvernement Jospin. Le projet reste le même : donner une dimension économique au temps de détention, fut-il un temps infini…
La conférence de consensus sur la prévention de la récidive
Taubira avait commencé par organiser un grand raout « convivial, innovant », « prêt à faire un pari sur l’intelligence collective ». S’y sont retrouvés magistrats, membres de l’administration pénitentiaire, élus, médecins, psychiatres, avocats, universitaires, juristes, fonctionnaires de police, anciens prisonniers passés à l’ennemi comme Yazid Kherfi… Mobilisation générale de tous les aspirants VRP susceptibles de devenir les communicants de cette vaste supercherie : « La prison du XXIe siècle ». Une répétition générale vide de sens, juste pour prendre la mesure des alliances que le pouvoir peut passer avec les acteurs – professionnels, concepteurs, penseurs autoproclamés… – du monde de la prison. Des prisonniers avaient été mis à contribution : après avoir travaillé collectivement dans plusieurs établissements pénitentiaires, ils ont profité d’une permission exceptionnelle pour venir parler de leurs conditions de détention et de ce qu’il faudrait changer pour que ce soit un peu moins pire. Ils ont rappelé que la récidive commençait par la vie en détention et répété ce que les prisonniers exigent depuis le début des années 1970 sans jamais pouvoir l’obtenir durablement, soit des revendications concernant les parloirs (durée, espace, respect des familles), le rapprochement familial, la nécessité de multiplier les unités de vie familiale (UVF), la suppression des quartiers d’isolement et des quartiers disciplinaires, une réelle prise en compte de la parole des détenus, des peines moins longues… Ils ont rappelé la nécessité de respecter le Code du travail en prison, de faciliter les études et l’accès aux formations diplômantes pour ceux qui le désirent ; et aussi, celle de donner des remises de peine, des permissions de sortie et des conditionnelles. Ils ont été applaudis, et immédiatement oubliés. Aucune de leurs paroles n’est restée dans le projet de loi. Au contraire, les derniers témoignages que nous avons reçus révèlent un durcissement de l’ensemble des conditions de détention.
- Dessin publié dans le numéro 37 de L’Envolée
Les trois axes du projet de loi
1. La césure pénale. « Sont supprimées les peines plancher2 et les révocations de plein droit du sursis simple ou du sursis avec mise à l’épreuve. La peine encourue par les récidivistes demeurera doublée par rapport à celle encourue par les non-récidivistes, et le juge conservera la possibilité de prononcer la révocation des sursis antérieurs par décision motivée si la situation le justifie. » Il instaure ensuite la césure du procès pénal : « Le tribunal pourra, après s’être prononcé sur la culpabilité (premier moment), ajourner la décision sur la condamnation afin qu’une enquête sur la personnalité et la situation sociale du condamné soit effectuée (deuxième moment). Le tribunal pourra ainsi statuer sur les dommages et intérêts des victimes dès le prononcé de la culpabilité et obtenir les éléments nécessaires pour déterminer la sanction la plus adéquate. Dans l’attente de cette enquête, il pourra placer en détention le condamné si cela est nécessaire. »
Commentaires. Rien ne change, si ce n’est que la décision revient aux juges, comme si ces gens-là étaient connus pour leur laxisme… Et puis, le fait que la récidive double la peine revient à appliquer une peine plancher. Enfin, à l’américaine, il s’agit maintenant de privilégier le remboursement des parties civiles. Autant dire que si tu es étranger et sans le sou, tu continues à aller en prison sans passer par la case départ.
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2. Il crée une nouvelle peine : la contrainte pénale. « Cette peine pourra être prononcée lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement maximale inférieure ou égale à cinq ans. Cette nouvelle peine n’est pas définie par rapport à une durée d’emprisonnement de référence. Elle ne se substitue pas aux peines existantes mais s’y ajoute, de sorte que les juges disposeront d’un nouvel outil de répression. Cette peine vise à soumettre la personne condamnée, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans qui est fixée par la juridiction, à des obligations ou interdictions justifiées par sa personnalité, les circonstances de l’infraction ou la nécessité de protéger les intérêts de la ou des victimes, ainsi qu’à des mesures d’assistance et de contrôle et à un suivi adapté à sa personnalité. Ces mesures, obligations et interdictions seront déterminées après évaluation de la personnalité de la personne condamnée par le service pénitentiaire d’insertion et de probation et par le juge de l’application des peines. Elles pourront être modifiées au cours de l’exécution de la peine au regard de l’évolution du condamné dont la situation sera réévaluée à intervalles réguliers et au moins une fois par an, par le service pénitentiaire d’insertion et de probation et le juge de l’application des peines. En cas d’inobservation par la personne condamnée des mesures, obligations et interdictions qui lui sont imposées ou de nouvelle condamnation pour délit, le juge de l’application des peines pourra renforcer l’intensité du suivi ou compléter les obligations ou interdictions auxquelles le condamné est astreint. Si nécessaire, le juge de l’application des peines pourra saisir un juge délégué, désigné par le président du tribunal, afin qu’il ordonne l’emprisonnement du condamné pour une durée qu’il fixera et qui ne pourra excéder la moitié de la durée de la peine de probation prononcée par le tribunal ni le maximum de la peine encourue. Cet emprisonnement pourra s’exécuter sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou de la surveillance électronique. L’objectif est de prononcer une peine de milieu ouvert réellement contraignante, évolutive et adaptée à la personnalité de la personne condamnée. »
Commentaires. La peine de tous les gens qui étaient en sursis – et n’avaient pas d’autres obligations que de ne pas commettre de nouveau délit – devait être trop clémente, puisqu’ils seront maintenant assujettis à des contraintes et des contrôles, avec toujours la prison pour horizon. La peine de probation pourra être supérieure au maximum de la peine encourue. Elle s’appliquera surtout à tous les gens qui commettent des délits tels que les délits routiers – souvent coutumiers de la récidive –, qui ont un travail et des revenus. Encore une fois, l’obligation principale, c’est de payer et de rembourser les parties civiles. Cahuzac a le profil du parfait condamné à la contrainte pénale… On voit apparaître aussi le même fonctionnement que pour l’ensemble des peines intramuros : évaluation de la personnalité, du mode de vie, des relations, des déplacements, des remboursements, du travail… Enfin et surtout, le projet de loi insiste lourdement sur le fait que cette contrainte pénale est un nouvel outil dans la panoplie des condamnations, et qu’elle ne vient en aucun cas se substituer à une autre peine. Taubira est plus répressive que Dati qui prévoyait dans la loi pénitentiaire de 2009 que le juge pouvait aménager les peines de moins de deux ans. Sa remplaçante a durci le dispositif en réduisant cette peine à un an pour les primaires et six mois pour les récidives lorsque le juge ne choisit pas la contrainte pénale. ça va permettre aux institutions judiciaires de multiplier les condamnations et de mettre sous tutelle une partie bien plus importante de la population, modèle américain oblige. Le nouvel arsenal des mesures probatoires est en cours de développement : obligations de soins, de travail, de suivis de stages en tout genre, interdictions de déplacements, de fréquentations, de lieux, etc.
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3. Il instaure un nouveau dispositif pour éviter les sorties de prison sans contrôle ni suivi. « La réforme introduit le principe d’un examen systématique de la situation de tous les condamnés qui ont exécuté les 2/3 de leur peine. S’agissant des longues peines (supérieures à cinq ans), la situation des condamnés sera obligatoirement examinée par le juge ou le tribunal de l’application des peines qui statuera après débat contradictoire sur l’octroi éventuel d’une libération conditionnelle. S’agissant des courtes peines (inférieures à cinq ans), la situation des personnes condamnées sera examinée par le juge de l’application des peines en commission de l’application des peines. Il pourra prononcer une mesure de libération sous contrainte qui s’exécutera sous le régime de la semi-liberté, du placement sous surveillance électronique, du placement à l’extérieur, ou de la libération conditionnelle, ou bien refuser la mesure par une décision motivée si elle n’apparaît pas possible au regard de la personnalité du condamné. »
Commentaires : Ce dispositif va permettre de perfectionner un fichage systématique, régulier et détaillé, basé sur les faits et gestes de l’ensemble des prisonniers pendant toute la durée de leur peine pour déterminer s’ils méritent un aménagement de peine, ou tout simplement des conditions de détention plus – ou moins – souples. Cela augmente les périodes de sûreté, puisque jusque-là les conditionnelles pour les primaires pouvaient être demandées dès la moitié de la peine ; désormais tout le monde devra attendre les 2/3 de la peine pour solliciter un aménagement… Gros progrès !
Oualou pour les longues peines
Digne héritière de Badinter qui avait remplacé la peine de mort par des peines jusqu’à la mort, Taubira a rapidement endossé un costume de fossoyeur. Non seulement elle ne remet pas du tout en cause la rétention de sûreté, mais elle n’imagine pas non plus changer quoi que ce soit au Code pénal pour réduire les temps de peine infligés par des tribunaux toujours plus sévères. Pourtant, lorsqu’elle était dans l’opposition, elle qualifiait de liberticides les lois qu’elle fait maintenant appliquer. Des peines infaisables : combien de prisonniers y perdent la tête, ou la vie ?
Tout ce qui est demandé aux prisonniers est mortifère : accepter une peine infinie, se nier soi-même, tout subir – les violences, le mépris, les humiliations, l’absurde, l’absence de liens, le vide pour des dizaines d’années. Cela fait maintenant un an et demi que Taubira occupe le poste de Garde des sceaux et la politique ministérielle d’aménagement des peines est plus que drastique. Les mêmes conclusions arrivent de toutes les centrales : impossible de sortir, même si l’on accepte de jouer le jeu – dangereux – du calcul et de la soumission imposé par l’administration pénitentiaire. La seule solution envisagée, c’est la construction de ces foutues centrales ultrasécuritaires où ils prévoient d’enfermer tous ceux qui leur posent problème. Jusqu’à ce qu’un accident survienne… Rien sur les revendications portées par les différents mouvements de prisonniers, rien sur les QI, les QD, les transferts, les parloirs… tout ce qui fait le quotidien des prisonniers enfermés dans des mouroirs.
Taubira partisane de moins de prison ? Elle devrait se réjouir quand un prisonnier lassé du rejet répétitif de ses demandes de conditionnelle finit par se l’octroyer lui-même – au risque de sa vie – en décidant de ne pas rentrer d’une permission ! Taubira la gentille devrait s’apitoyer sur les passages à tabac de prisonniers qui ont osé protesté contre l’absence d’aménagements de peine. Les mains liées ? Elle pourrait au moins répondre aux courriers que lui adressent ceux qui sont condamnés à mourir à petit feu dans les prisons qu’elle a sous sa responsabilité.