[Poitiers] Cirque électoral, c’est parti…

Nous avions évité jusqu’ici d’évoquer ce consternant sujet des élections, désormais quotidien dans les médias locaux, car pour nous la lutte est quotidienne, et le monde ne se change pas en désignant des gens pour décider à notre place. D’autant plus quand il s’agit de mandats représentatifs, ayant carte blanche pour décider pendant une période fixe, et irrévocables. Mais face au déferlement de propagande électoraliste dans les médias et dans l’espace public, une petite mise au point s’impose.

Désigner quel candidat/e, pour quel programme qu’il/elle ne sera de toute façon pas tenu.e d’appliquer ?

Pour la droite libérale, les candidat.e.s en lice pour les municipales 2014 à Poitiers sont donc un prof de fac (PS rallié par le PCF), qui se flatte de porter plainte contre le moindre tag et de ne pas laisser passer un seul délit, et donc on n’évoquera pas une énième fois ici le sinistre bilan de gentrification de Poitiers ; toujours à droite, une profession libérale cadre sup UMP pour la vidéosurveillance dans les rues de Poitiers et d’autres propositions pathétiques telles qu’un festival des lumières ; un chef d’entreprise « centriste » lui aussi pour la vidéosurveillance, pour la promotion de cette fameuse « économie numérique » reléguant Big Brother au placard des ringards, et un projet fumeux de téléphérique urbain « Aerolis » ; et bien sûr, dans le rôle du FN bien nauséabond, un ancien flic à la retraite qui appelle à la « tolérance zéro » contre les « marginaux », entre autres indésirables (le « communautarisme » a bon dos…).

Quant aux listes que l’on peut encore qualifier de « gauche », des camarades auprès desquel.le.s nous luttons nous déclarent parfois qu’ils vont voter pour elles. Voyons cela. Nous avons donc un prof, qui se dit pour « la planification de la société » et qui se présente pour LO, un parti aspirant à la dictature « du » (sur le ?) prolétariat. Ce parti léniniste aux relents autoritaires n’a pourtant rien d’anticapitaliste : il se contente de parler de hausse de salaires, de taxation du capital et de publication des comptes d’entreprise… mais pas d’abolition du salariat ni de l’Etat, au pouvoir duquel il aspire.

Nous avons aussi une inspectrice des finances publiques pour une liste « rouges-verts » hétéroclite idéologiquement. Elle est adhérente à l’inénarrable organisation « écologiste » EELV toujours au gouvernement, dont on ne compte plus les renoncements dégueulasses. Candidate qui ne parle guère d’anticapitalisme, mais veut « redonner l’envie de voter et de lutter contre l’abstention ».

Mettre un bulletin dans l’urne dans le cadre d’un système représentativiste, c’est cautionner la dépossession politique, l’irrévocabilité des mandatés et le non-contrôle des mandats. Camarades, vous qui pour la plupart vous dites pour une « démocratie directe », acceptez-vous cela ? Pour nous, il n’est pas question de donner blanc seing à quiconque prétendrait nous représenter, ni de passer par l’intermédiaire d’une structure autoritaire accaparant les décisions. Ce n’est pas une question d’attitude « extrémiste », « puriste » ou « irréaliste » (nous avons l’habitude des qualificatifs sympathiques), mais de réalisme et de bon sens. Pour lutter contre la dépossession économique, le premier des gestes politiques est de ne pas cautionner la dépossession politique, ni la sienne… ni celle des autres. Camarades, voter n’est pas seulement inutile, voter ne valide pas seulement la dépossession et la déresponsabilisation collective qui sont au fondement du capitalisme. Voter, c’est donner du poids à la pseudo-légitimité du pouvoir politique, c’est cautionner l’asservissement de celles et ceux qui n’ont pas voté comme vous, et de celles et ceux qui comme nous se passeraient volontiers de  représentant.e.s et de chefs et en avons marre de nous faire réprimer la gueule par les élu.e.s « démocratiques » qui nous envoient leurs flics et leurs juges.

Le vote n’a jamais rien apporté dans l’histoire des droits sociaux. C’est peut-être triste de devoir encore rappeler cette évidence historique à des militant.e.s sincères, mais les droits sociaux n’ont été conquis que par les luttes débordant les partis et les bureaucraties syndicales, jamais dans l’enceinte de parlements nationaux ou locaux. Alternatives réelles et luttes contre toute forme de domination ont toujours passé, passent et passeront toujours par l’organisation autonome, libre et vivante des opprimé.e.s et exploité.e.s. Ici et maintenant, à rebours de toute prétention aussi grotesque que dangereuse des politiciens à gouverner, guider, diriger, planifier pour les autres. Ne représentons que nous-mêmes : nous n’avons besoin d’aucun.e élu.e pour nous organiser. Refusons à quiconque la pseudo-légitimité de nous plier à des décisions qui ne sont pas les nôtres.

Pas d’élu.e.s, des luttes !

Pavillon Noir, 10 janvier 2014