[86] Federal Mogul : « On est soi-disant les meilleurs fabricants et derrière ça, ils ferment le site. »

Luttant contre la fermeture du site, les salariés de Federal Mogul ont pendu un ouvrier factice. – (Photo Patrick Lavaud)

Peur sur l’automobile dans la Vienne

La fermeture annoncée de Federal Mogul, fin 2014, fait craindre aux salariés du secteur automobile de la Vienne le démantèlement de toute la filière.

Un salarié factice pendu à l’entrée du site de Federal Mogul, à Chasseneuil-du-Poitou, symbole d’une industrie automobile en pleine crise. « On ressent de la colère après tous les efforts faits. On est soi-disant les meilleurs fabricants et derrière ça, ils ferment le site. » Patrick Guernier, secrétaire du comité d’entreprise de Federal Mogul, ne décolère pas. La dernière usine de production de pistons de moteurs diesel en France, où il travaille, va fermer à la fin de l’année, laissant sur le carreau 241 salariés et leurs familles.
La direction justifie cette décision « par la baisse de prix imposée par les donneurs d’ordre, PSA et Renault, ce qui implique d’envoyer la fabrication dans les pays à bas coût », affirment les salariés dans un courrier adressé aux présidents de PSA et Renault. En ligne de mire, une délocalisation de l’usine « en Pologne et en Allemagne ».

 «  Les pouvoirs publics ne bougent pas. A un moment, ça va péter  »

Lundi 28 avril, les représentants de l’intersyndicale de Federal Mogul, reçus au ministère de l’Économie et du Redressement productif d’Arnaud Montebourg, ont obtenu de l’État la tenue d’une table ronde entre « les pouvoirs publics et la direction de l’entreprise pour connaître leur stratégie ».
Une annonce qui n’a pas apaisé les esprits : « Les pouvoirs publics ne se bougent pas. A un moment, ça va péter », glisse Patrick Guernier.
Catherine Giraud, secrétaire de l’Union départementale CGT, redoute l’engrenage : « J’ai peur que cette fermeture soit le démarrage d’une chaîne. » Et pour cause : Delphi Diesel, fabricant de pompes à injection qui compte 350 salariés – et qui en a déjà perdu 60 – est menacé par un nouveau plan social.
Elle cite également la Fonderie du Poitou Fonte à Ingrandes-sur-Vienne – 439 employés – et qui doit bientôt changer de propriétaire passant des mains de l’Italien Teksid à celles de Franco Zaccomer et Jérome Rubinstein, « sans plus de garanties ». Catherine Giraud rappelle alors que le secteur de l’automobile emploie « 3.500 salariés dans la Vienne et fait vivre trois fois plus de personnes de façon indirecte ».
Une fuite de l’industrie vers les pays à faible coût de production qui inquiète Claude Eidelstein, maire de Chasseneuil : « Les retombées économiques de l’usine sont importantes pour tous les secteurs. » Le maire dit « surveiller les propositions de reclassement ».
Franck Renard, de l’USTM-CGT, interpelle alors, de la colère dans la voix : « Mais reconversion dans quoi ? Dans l’aéronautique ? L’aéronautique ne sauvera pas le monde. Un pays sans industrie est un pays mort. »

bon à savoir

Le poids du secteur automobile

La crise grave que traverse le secteur en France frappe de plein fouet la Vienne où de nombreuses entreprises ne vivent que de la sous-traitance automobile. Un secteur qui emploie 3.500 salariés.
Le plus important de ces sous-traitants est le Suédois Autoliv-Isodelta, à Chiré-en-Montreuil, spécialisé dans la construction de volants. Le plus gros employeur privé du département emploie 650 personnes environ.
Il y a le groupe Federal Mogul (44.000 salariés dans le monde) et son site à Chasseneuil-du-Poitou, qui fabrique des pistons mais aussi Valéo (essuie-glaces, 550 salariés environ) et Magnetti-Marelli (tableaux de bord, plus de 500 personnes) à Châtellerault.
Tout au nord du département on trouve, à Ingrandes-sur-Vienne, les deux Fonderies du Poitou : Saint-Jean Industrie (390 personnes) qui fabrique des culasses et les Fonderies Fonte (440) des carters.

en savoir plus

Raffarin invite l’État à venir sur place

Installé à Chasseneuil-du-Poitou, le sénateur UMP de la Vienne, Jean-Pierre Raffarin, a rencontré à plusieurs reprises les salariés de Federal Mogul et leurs représentants.
Il y a quelques jours, il déclarait : « Quand on est actionnaire comme l’est l’État maintenant de PSA et déjà de Renault, il y a une solution à trouver… ». L’ancien Premier ministre attend surtout qu’un représentant de l’État puisse venir sur place « et engager ce que nous avons fait déjà dans le passé ».
Il évoquait ainsi l’action menée il y a maintenant plus de trois ans avec le gouvernement de François Fillon à propos de la crise aux Fonderies du Poitou : « Ce que nous avons engagé pour les Fonderies, je voudrais que cela soit engagé pour Federal Mogul », insistait-il. De nombreux autres élus de la Vienne sont également intervenus pour soutenir les salariés du site menacé.

Adrien Planchon, Nouvelle République, 4 mai 2014