[Poitiers] Le flic se serait bien suicidé à cause des méthodes de son supérieur

NdPN : pour rappel, voir cet article d’Emmanuel Coupaye, paru dans la Nouvelle République le 11 décembre 2010. Il aura fallu dix ans pour que le dossier commence à bouger… il en faudra sans doute plus encore pour que les victimes de certaines méthodes de la police soient aussi reconnues !

Poitiers: un policier poussé au suicide à cause du service

Le rapporteur public du tribunal administratif de Poitiers vient de conclure qu’il existait bel et bien un lien entre le service et le suicide d’un brigadier de police à son domicile en juillet 2004. Il se plaignait des méthodes de management de son chef d’alors, un commissaire parti depuis de Poitiers. La reconnaissance de ce lien entre le service et le suicide est rarissime. C’est un expert médical qui l’a établi. Le tribunal rendra sa décision dans quinze jours.

Dépêche Nouvelle République, 7 mai 2014

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Mise à jour 8 mai 2014 :

Policier poussé au suicide : la voie de la reconnaissance

Poitiers. La décision est très attendue : le tribunal administratif doit dire si un policier a bien été poussé au suicide à cause de ses conditions de travail.

Un premier pas. C’est comme ça que les policiers le vivent. « Cette histoire avait chamboulé du monde. C’est bien que la justice puisse reconnaître ce que nous vivons », confie un fonctionnaire poitevin.

Le tribunal administratif de Poitiers se penchait hier sur le suicide d’un policier à son domicile en juillet 2004. Faut-il l’imputer aux conditions de travail comme la veuve du brigadier Philippe Berthod le répète depuis dix ans ?

 «  Dix ans pour en arriver à une évidence !  »

Oui, selon le rapporteur public du tribunal administratif. Qui s’appuie pour sa démonstration sur l’avis rendu par un expert qui avait enfin pu accéder à des documents médicaux réclamés depuis si longtemps (voir par ailleurs).
L’expert est formel : il y a bien un lien entre le service et le suicide. Le policier n’était pas dépressif avant sa mutation non désirée dans un service qui ne lui convenait pas. Il vivait mal les propos de son chef d’alors, le commissaire Gaillard, sur son efficacité et sur ses arrêts maladie répétés. L’expert note qu’ils sont « réactionnels » à la situation vécue et que la dégradation de l’état de santé psychologique du policier est apparue après sa mutation. Et, surtout, qu’il n’avait aucun autre problème : ni financier, ni personnel.
Cet avis médical, le préfet bordelais en charge de la commission de réforme s’était assis dessus en octobre 2012. Il notait, une fois de plus, que le lien devait être exclusif entre le suicide et le service pour qu’il soit reconnu.
Le rapporteur public estime que c’est faux. Il suffit qu’il soit déterminant. C’est le cas, et, pour lui, l’Administration a commis une erreur d’appréciation en ne reconnaissant pas la souffrance au travail du policier.
Dès lors, il demande l’annulation de la décision prise en octobre 2012 et la revalorisation de la rente accordée à la veuve de Philippe Berthot.
« Il aura fallu dix années de procédure pour en arriver à cette évidence qui sautait aux yeux », réagit Me François Gaborit. « Le rapporteur dit ce que je dis depuis le début », enchaîne Christine Berthod. « Maintenant, je suis sur la défensive. J’attends de connaître la décision. Mais, aujourd’hui, c’est une nouvelle étape. »
Le tribunal rendra sa décision dans quinze jours. Une décision rarissime scrutée de toutes parts tant elle est chargée de symboles et d’évolutions potentielles.
Mais, ce ne sera qu’une étape de plus. Car, si la responsabilité du service était reconnue dans le suicide du policier, il y a fort à parier que le Conseil d’État en serait saisi.

 Le ministère de l’Intérieur n’était pas représenté à l’audience dont il avait demandé le report par fax, mardi soir, à 19 h 52.

repères

Les syndicats policiers :  » Enfin ! « 

Le climat détestable qui régnait en 2004 au commissariat de Poitiers avait suscité la rédaction de tracts au vitriol. Dix ans après, les représentants syndicaux n’ont pas oublié. Ils saluent tous le courage et la volonté de la veuve de Philippe Berthod. « La procédure actuelle, si elle aboutit », relève Christelle Touchet d’Alliance Police Nationale, « elle revient au combat engagé par la famille et les organisations syndicale [NdPN : sic]. Ce qu’à [NdPN : sic] fait sa veuve est énorme. Nous sommes satisfaits de l’avis rendu par le rapporteur public et que la situation des policiers soit enfin reconnu [NdPN : sic] comme chez France Télécom ou Renault. »
« C’est dommage qu’il ait fallu tant de temps et d’énergie dépensée pour en arriver là. Il y a toujours une protection de la hiérarchie dans ces cas-là. On ne veut pas reconnaître les vraies raisons du suicide », ajoute Alain Pissard d’Unité SGP Police FO. « On se réjouit pour la mémoire de Philippe et pour sa famille. »
Trois policiers se sont suicidés dans la Vienne depuis deux ans.

Emmanuel Coupaye, Nouvelle République, 8 mai 2014