Échec scolaire : la carte des zones à risque
Un élève résidant dans la campagne poitevine et un autre dans la riche banlieue de Poitiers n’ont pas les mêmes chances de réussir à l’école. Explications.
Non, l’école héritée de Napoléon et de Jules Ferry ne permet pas de gommer toutes les différences sociales. Une étude publiée au début de l’été par le ministère de l’Éducation nationale le prouve : il existe des zones où le risque d’échec scolaire est plus élevé qu’ailleurs. Et la qualité des enseignants affectés dans ces zones n’est pas en cause.
Sans surprise, le nord de la France, la banlieue parisienne et le pourtour méditerranéen sont les régions où se rencontre la plus forte densité de zones où le risque d’échec scolaire est dit très fort en raison d’une situation économique particulièrement dégradée, d’un éclatement de la cellule familiale et d’une forte proportion de la population souffrant de carences culturelles.
Un risque plutôt faible
Globalement, la Vienne appartient plutôt à la catégorie des départements où le risque est plutôt faible. Mais il existe de grandes disparités d’un canton à l’autre.
La couronne poitevine, élargie aux riches cantons qui l’entourent (en vert sur notre carte), connaît un risque d’échec scolaire jugé « très faible ». Cette vaste zone se caractérise par des taux de chômage relativement bas et un niveau culturel des familles généralement assez élevé.
La ville de Poitiers, comme d’ailleurs la ville de Châtellerault, ne sont pas tout à fait logées à la même enseigne : un habitat social important, synonyme de revenus modestes (le revenu médian, c’est-à-dire le revenu de la moitié la moins riche des familles, y est de l’ordre de 16.000 € par foyer), un taux de familles monoparentales supérieur à la moyenne accroissent sensiblement le risque d’échec.
Plus la famille est fragile, plus le risque d’échec est grand
D’une typologie radicalement différente, les cantons ruraux présentent également des taux de risque scolaire parfois élevés. L’étude pointe par exemple des cantons comme La Trimouille, L’Isle-Jourdain, Charroux ou Saint-Savin, peu peuplés, vieillissants, très pauvres (revenu médian inférieur à 14.000 €). Les habitants de la tranche d’âge 45-54 ans (parents ou grands-parents d’âge scolaire) sont pour 46 % d’entre eux dépourvus de tout diplôme. Et si le nombre de jeunes non-diplômés y est relativement faible, c’est simplement parce que les jeunes, diplômés ou non, quittent ces zones sans travail ni perspective.
Dans tout le nord de la Vienne et singulièrement à Châtellerault et dans le canton de Lencloître, la proportion de jeunes (15-24 ans) qui ne vont pas à l’école mais sont dépourvus du moindre diplôme, véritable révélateur de l’échec scolaire, est supérieure à la moyenne nationale.
Loudun victime de la précarité
Aucun canton urbain de la Vienne ne cumule des fragilités familiale, économique et culturelle rendant le risque d’échec très élevé, comme on peut en rencontrer beaucoup dans les zones fortement urbanisées. En revanche plusieurs cantons ruraux (en bleu sur notre carte) souffrent, surtout dans les petites communes, de « fragilité culturelle ». Nés dans des familles qui ont elles-mêmes peu tiré profit de leur scolarisation, un nombre important d’enfants et d’adolescents y souffrent du manque d’accès à des outils culturels tels que bibliothèques, salles de théâtre, écoles de musique… L’école, en dépit de ses efforts, ne peut pas toujours compenser ce déficit.
Seul dans sa catégorie, le canton de Loudun souffre avant tout, du point de vue de la réussite scolaire, de la précarité économique de ses habitants. Il est le seul où l’étude qualifie le risque d’échec scolaire de très fort.
En résumé, c’est là où le chômage et la précarité sont les plus prégnants que l’échec scolaire est également le plus douloureux. Ce n’est sans doute pas un scoop. Mais, comme le souligne Gérard Boudesseul, professeur à l’université de Caen et l’un des auteurs de cette étude, ce n’en est pas moins « très inquiétant ».
Les zones à risque d’échec scolaire dans la Vienne (infographie NR)