Liquidé, le Printemps vient d’entrer dans l’hiver
Le magasin est en liquidation jusqu’au 28 janvier avant de disparaître complètement du paysage. Hier, on s’y pressait pour y dénicher la bonne affaire.
Quand on est mort, y’a toujours plein de monde ! Ce mercredi matin, premier jour de la liquidation du Printemps, Cornélia est amère. Au bord des larmes, la vendeuse qui est aussi élue au comité d’entreprise voit déferler à sa caisse des centaines de clients, tous avides de faire des affaires. « Ils n’ont aucun sentiment délicat pour nous, rien ! », lâche-t-elle.
Tout à leur frénésie d’achat, clients et clientes se précipitent sur les rayonnages et dans les bacs. D’importants rabais sont pratiqués sur tout le magasin, 30, 40 % et plus. Même si les grandes marques se sont retirées dès samedi, cette affluence n’a pas de précédent. Quelques centaines de badauds ont fait l’ouverture des portes à 9 h 30. En fin de matinée, c’est carrément la cohue. On sature. Les vigiles filtrent les entrées tandis que les files d’attente s’allongent démesurément à proximité des caisses…
» Rien à faire de l’aspect humain »
Parfums, vêtements, électroménager, tout y passe. Les affaires sont les affaires. Chantale Choisy, secrétaire du CE, commente : « Samedi, on a reçu une lettre recommandée pour nos reclassements. Pas vraiment délicat de nous envoyer ça pour les fêtes ». D’ailleurs, elle et ses collègues n’ont guère le coeur à ça. « C’est vrai qu’il y a beaucoup de monde. Les gens sont là pour leur intérêt. Ils n’en ont rien à faire de l’aspect humain ! Je pense que les Poitevins n’envisagent pas encore le séisme que notre disparition va engendrer au niveau de Poitiers. C’est un désastre ! »
Au rez-de-chaussée, hommes, femmes et enfants continuent leurs emplettes. Certains ouvertement indifférents au drame social qui se noue sous leurs yeux. Devant une vendeuse qui répond à nos questions, une femme en fourrure lâche : « Ils n’avaient qu’à être plus aimables… »
Dehors, sur la place, on rencontre Dominique. Elle est venue voir. « Je n’ai pas acheté même s’il y a des prix intéressants. Je pense surtout aux femmes qui vont être au chômage. »
A ses côtés, un grand adolescent, portable collé à l’oreille, décrit la situation à son interlocuteur : « C’est bradé à mort ! Mais pas la peine de venir, c’est la guerre ! »
Éric, père de famille de Dissay, a profité de la liquidation pour faire quelques achats avec ses deux filles, Aurélie et Mélina : « On avait repéré des choses lundi, alors on en a profité. On a eu des choses à moins 30 et moins 50 % mais c’est quand même dommage. C’est malheureux pour la ville. Maintenant pour trouver certains articles, on ira à Tours… »
Ni fleurs ni couronnes
Le magasin n’avait pas connu pareille affluence depuis bien longtemps. Hier, le Printemps a fait le plein de clients pour son premier jour de liquidation. Dans un mois, celui qu’on appelait le vaisseau amiral du centre-ville aura sombré corps et biens. Au nom d’une stratégie de groupe, le MLB (mode, luxe et beauté) sans doute inadapté à la clientèle poitevine, quelque 47 salariés estampillés Printemps, autant pour les assimilés, vont devoir partir. Inéluctable, assène la direction. On pouvait encore éviter le naufrage, soutiennent les syndicats.
Hier, ils ont eu droit à un enterrement de première classe. Ni fleurs ni couronnes…
La ville a-t-elle tout fait pour sauver le magasin ?
Le fleuron commercial de l’hypercentre a-t-il reçu tous les soutiens possibles ? Au fil des jours qui ont suivi l’annonce de la fermeture, des salariés s’estimant « sacrifiés » ont déploré chez certains politiques le peu d’entrain à les soutenir.
Dans un communiqué envoyé à la presse il y a quelques jours, intitulé « La mairie aux côtés des salariés du Printemps », Alain Claeys, maire et président de Grand Poitiers, affirme avoir agi « en deux directions : sociales et économiques ». Il a ainsi rencontré le personnel et ses représentants « à cinq reprises » afin de leur apporter « le soutien de la ville et d’évoquer les solutions de reclassement ».
Quelles sont-elles ? Une convention de reclassement, à l’initiative de l’État et accompagnée par le service économique de Grand Poitiers a désigné un cabinet privé poitevin « chargé d’orienter les salariés vers un nouvel emploi ». Il faut y ajouter une convention de revitalisation du bassin économique que le Printemps quitte, à l’étude entre Grand Poitiers, l’État, la chambre de commerce et le Printemps, « qui comporte plusieurs pistes en matière de soutien à la création de nouvelles activités et d’aides à l’emploi ».
Enfin, en matière économique, la collectivité se dit également « à l’offensive » dans la recherche de nouveaux commerces pour le coeur de l’agglo, « à travers un démarchage direct d’enseignes ».
Nouvelle République, 29 décembre 2011