Une critique anarchiste de la démocratie
Nous nous proposons d’analyser la démocratie et ses définitions en cherchant à débusquer les structures d’oppression et de domination où qu’elles se trouvent et en mettant en cause leur légitimité et, advenant qu’elles ne peuvent se justifier – ce qu’elles ne peuvent faire que très rarement – en cherchant des façons de les éliminer. Et c’est bien çà aller vers et être dans l’anarchisme.
Définissons donc la démocratie autour de la volonté du peuple. Le peuple qui va introduire la notion de collectif, par rapport à l’individu premier sujet de l’oppression vécue ou du vécu de l’oppression, prémisse à la révolte vers l’aspiration « révolutionnaire » au changement anarchiste.
Prenons par exemple la source wikipédia,.
La démocratie est le régime politique dans lequel le peuple est souverain. La formule d’Abraham Lincoln, la démocratie est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », est l’une des définitions canoniques couramment reprise, comme dans la Constitution de 1958 de la Cinquième République française.
Le peuple renvoie à la notion plus restrictive de citoyens (la citoyenneté n’étant pas forcément donnée à toute la population). On notera qu’aujourd’hui encore, il n’existe pas de définition communément admise de ce qu’est ou doit être la démocratie.
Le premier élément de réflexion sera de savoir ce qu’est le peuple, et s’il existe une conscience populaire.
Le deuxième élément sera de réfléchir aux formes différentes de démocratie. Démocratie directe et démocratie indirecte ou représentative, délégataire. Mais aussi des formes dites mixtes comme la démocratie semi-directe par référence à l’usage plus ou moins important du référendum ou comme la démocratie participative par référence à l’information, à l’enquête et au contrôle plus ou moins important des décisions des représentants. Il peut aussi être fait état de système où le représentant est tiré au sort parmi le peuple. Ce fut le cas parfois dans la démocratie athénienne, c’est le cas aujourd’hui dans les cours d’assises pour le choix des jurés représentant le peuple.
Pour continuer dans les critiques, on pourra en distinguer deux types :
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celles extérieures visant à la critique de la définition de la démocratie commune aux différentes formes de démocratie ;
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celles internes au système, sur son fonctionnement, sur le fonctionnement des élections, plus spécifiques à la démocratie représentative.
Pour celles extérieures visant à la critique de la définition de la démocratie :
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fiction du peuple qui aurait des intérêts politiques convergents alors que l’égalité économique n’est pas réalisée, voire s’aggrave au sein d’une même population regroupant le renard et la poule dans un poulailler ;
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fiction de la liberté du choix dans un système où les moyens de la propagande sont détenus en majorité par les détenteurs du capital, une partie d’entre eux au moins ;
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limite du champ de la démocratie aux décisions politiques, laissant le champ immense de l’économie et de l’entreprise hors jeu démocratique, l’entreprise est dans son espace un régime autoritaire de pouvoir quasi absolu, sans droit de parole des travailleurs salariés sur leur travail, et une représentation syndicale acquise par la lutte mais aux pouvoirs limités et circonscrits à certains champs (santé au travail, salaire, arrêt de travail, expression, …) ;
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limite de l’égalité d’accès aux connaissances nécessaires pour établir une position « en toutes connaissances de cause », car limites de l’accès à la formation, à l’information, … ;
Et pour celles internes au système sur son fonctionnement, sur le fonctionnement des élections :
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limite de la démocratie représentative en ce sens que les représentants ont les pleins pouvoirs par rapport à leurs électeurs, une fois élus, absence de mandat impératif et de révocabilité ;
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limitation du corps électoral par définition : tous les citoyens ne sont pas électeurs, il y a des conditions (âge, nationalité, doits civiques, … voire sexe, imposition/cens) ;
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limitation du corps électoral par érosion : tous les citoyens « exclus » ne participent pas d’un droit qui les a déçus, leur choix ne leur semble pas présenté ;
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limitation de l’offre soumise au corps électoral par l’argent : toutes les propositions n’ont pas les moyens d’être représentées (parrainages, coûts d’une campagne, …) ;
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limitation par le suffrage : le suffrage majoritaire rend nul ou quasi nul l’intérêt pour les minorités, si ce n’est « se compter », le suffrage proportionnel connaît lui aussi bien souvent des seuils minimaux ;
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limitation par le suffrage : la non-prise en compte du vote blancs ou des votes nuls, ne permet pas à des expressions non proposées de s’exprimer ;
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limitation de la capacité à soumettre ses propositions en dehors du système des partis politiques, à la fois machine d’élaboration et filtre des propositions. Le processus d’émergence des propositions à adopter suit moins une voie ascendante de la base vers le représentant ou mandaté qu’une voie descendante de l’oligarchie, des lobbys, des leaders pour demander la validation par le peuple, (voir le rôle essentiel de la propagande, et les travaux de Noam Chomsky sur la fabrication du consentement) ;
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limitation par la représentation : représentation des territoires et rarement représentation des projets ;
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limitation par le poids marginal du projet : absence d’engagement sur les propositions du projet du candidat, impossibilité de mixer les propositions, fonctionnement programmatique (c’est tout ou rien), argumentation ad hominem, arguments de rhétoriques et peu de débats de sociétés ;
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limitation par l’opacité des décisions et des actions, absence de contrôle citoyen. En principe, les parlementaires peuvent sous certaines conditions contrôler l’exécutif qu’ils ont nommé ;
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limitation par le poids d’un homme dans le cas des régimes présidentiels rendant encore plus éloignés du peuple le système, régime proche des empires, même si plus limités dans le temps ;
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limitation par le tempo : les débats soumis sont souvent ceux entre deux échéances électorales alors que les problèmes de la collectivité varient entre l’immédiateté et la génération ;
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interrogation sur l’isoloir : comment un système basée sur le choix individuel peut-il rendre clandestine l’expression de ce choix ? comment ne se donnent-ils tous les moyens pour que chaque électeur puisse être fier de ses opinions, quitte à en changer, et être assuré que cela n’aura aucun impact sur le respect de ses droits élémentaires, …
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la démocratie à mains levées fait plus « peuple », mais comment se garantit-on alors des effets de foule et manipulations des groupes de pressions ?
Question : doit-on décider de tout pour tout le monde ? La conception républicaine d’une société fait que « le peuple » décide de tout ce qui est dit « public » pour tout le « peuple ». On peut en tant qu’anarchiste considérer, au contraire, que toute décision doit être prise par et seulement par les individus qui sont concernés, pensent pouvoir être concernés. Par exemple : pour des questions de transports seront concernés celles et ceux qui travaillent dans le transport ou son environnement (aménagement, entretien, …), celles et ceux qui sont ou peuvent être les usagers du transport, celles et ceux qui sans utiliser le transport en son impactés comme mes riverains.
En conclusion, l’anarchisme n’est pas vraiement démocrate mais encore moins républicain.
En annexes, des définitions, des citations, d’autres réflexions sur les décisions collectives
Blog du cercle libertaire Jean Barrué (FA 33), 31 décembre 2011
ndPN – pour (re)lire le tract du groupe Pavillon Noir sur la critique des élections* :
http://fa86.noblogs.org/?p=1219
* notre tract en PDF : http://fa86.noblogs.org/files/2011/12/tract-v3.pdf