Chocolat
Dans un village du Limousin
y a une boutique un magasin
Qui fait épicerie, bistrot,
Librairie, forum de philo.
Sur un des murs de la cuisine
Y a un portrait de Bakounine
Et sur une étagère en bois
Quelques tablettes de chocolat
L’épicier garde le moral.
Jamais il ne crie au scandale
Quand un gamin passe par là
Pour lui gauler du chocolat.
Il n’en fait pas toute une affaire
Et quand vient l’heure de l’inventaire
Naturellement il inscrit
La tablette aux pertes et profits
Il n’a pas mis de caméras
De pièges, pour arrêter les bras
Des voleurs ni aucun chien-loup
Suivant un vigile partout.
Pas de mine antipersonnel
Pas de lâcher de gaz mortel !
Et s’il détecte un garnement
Il s’éloigne discrètement.
Quand le petit d’un vacancier
A rempli ses poches, l’épicier
N’a pas appelé la police
Pas fait une action en justice
Il n’a pas souhaité qu’au mitard
On aille boucler le moutard,
Mais un voisin mal embouché
Chez les gendarmes à tout craché.
Et au p’tit jour le lendemain
Sont entrés dans le magasin
Les chars, les paras, l’aviation
Et les barbus de la légion
En hurlant : « Mort au terroriste
Mort à l’épicier, l’anarchiste !
Mort à l’ennemi intérieur ! »
Ils l’ont bouclé dans sa demeure
Ils ont déchiré ses bouquins
Mis les scellés au magasin
Tabassé les quelques amis
Passés le voir à l’épicerie.
Quand il est parti menotté
Pour un séjour à la Santé
J’ai pensé comme les villageois
« Que de bruit pour du chocolat ! »
Blog de François Corbier, 16 décembre 2008