Les Dix Doigts serrent les poings
Deux producteurs de spectacles du Poitou-Charentes sont en passe de perdre leur licence, sans comprendre pourquoi après 16 ans, ils sont ainsi menacés.
Comme nous l’indiquions ces derniers jours, la compagnie poitevine les Dix Doigts a reçu une lettre du Préfet lui indiquant qu’il avait « décidé de suivre l’avis formulé à l’unanimité » par la commission consultative de la licence d’entrepreneur du spectacle. Un avis défavorable pour le renouvellement d’une licence reconduite tous les 3 ans depuis 16 ans, pour, indique la lettre « graves manquements aux obligations d’employeur (travail dissimulé, employeur de substitution) ». Il lui reste quelques jours pour « présenter ses observations » avant de recevoir l’avis définitif.
« Il n’y a pas eu de fraude »
Les Dix Doigts ont fait appel à une avocate parisienne qui « conteste le fait qu’on parle de graves manquements », rapporte Jean-Paul Colombo, le fondateur des Dix Doigts. « On est un peu désemparé. Nous pensons être de bonne foi, il n’y a pas eu de fraude […] Les 160 intermittents n’ont plus de structure. Qu’est-ce qu’on leur propose ? « C’est pas mon problème », m’a répondu ce haut responsable de Pôle Emploi lors de la commission. Ils veulent notre disparition sans se soucier des conséquences. Mais derrière ces artistes, il y a des familles. Nous sommes pris de vitesse, il faut que nous mettions rapidement en place une structure de remplacement. »
De son côté, Anne Guiriec, déléguée régionale du syndicat Sydcar-Synavi, « trouve scandaleux que le préfet indique « avis formulé à l’unanimité ». Notre représentant s’y était opposé et a proposé qu’on laisse six mois aux Dix Doigts pour se retourner. Ce qui a été refusé. Il y a eu un débat et, après coup, d’autres personnes ont indiqué qu’elles retiraient leur vote […] Nous vivons une grande contradiction : d’un côté, les tutelles nous demandent de mutualiser nos moyens, d’un autre, quand il y a un vrai collectif, comme Les Dix Doigts, où les artistes s’entraident, partagent un lieu de répétition, etc., on tape dessus ! »
« Que veulent-ils ? »
Par ailleurs, la société Sonotek, basée en Charente-Maritime a subi le même sort, suite à cette même commission du 15 décembre. Sonotek est une SARL depuis sa création il y a 16 ans, avec deux permanents, dont le gérant, Cyril Renard, et 800 contrats d’intermittents chaque année. « On me parle de code du travail. Je le respecte à 100 %, mais c’est Pôle Emploi qui change tout le temps les règles. C’est tordu ! Que veulent-ils ? Arrêter tous les producteurs ? N’importe quelle autre entreprise aurait la possibilité de se défendre, du temps pour se retourner. Nous, on nous empêche de travailler du jour au lendemain. Nous faisons 2,5 millions de chiffre d’affaires, dont la moitié revient à l’État. Si je me bats, c’est pour leur montrer tout l’argent que je ne leur donnerai plus ! Je ne sais pas s’ils font un bon calcul. »
Claudine Trougnou, directrice (par intérim) des Affaires culturelles (Drac) indique : « Ils ont huit jours pour utiliser leur droit de réponse. Qu’ils saisissent les instances qui les ont interpellés et qu’ils montrent les démarches qu’ils ont entreprises depuis huit jours, argumentent, corrigent leurs erreurs. La situation peut évoluer. Les membres de la commission sont prêts à les accompagner à se remettre d’aplomb, pour qu’ils reprennent une compagnie en état de marche. Nous sommes un service public et pouvons leur donner conseils. Ils peuvent aussi aller à la rencontre de la direction du travail… »
Nouvelle République, Marion Valière Loudiyi, 10 janvier 2012