[Marseille] Roms : « une classe politique qui s’arc-boute sur une politique dissuasive de persécution »

L’errance sans fin des Roms à Marseille

Six mois après la promesse d’une table ronde, le dossier des Roms reste au point mort à Marseille: d’expulsion en expulsion, ils se retrouvent dans la précarité et l’errance faute de solution visant à leurs accueil et intégration, dénoncent des associations.

Des familles de Roms, installées le 2 décembre 2010 dans le quartier de la porte d'Aix à Marseille, faute de logement

Des familles de Roms, installées le 2 décembre 2010 dans le quartier de la porte d’Aix à Marseille, faute de logement
 

Lundi encore, des familles ont été délogées par la police d’un collège désaffecté de la Rose (13e arrondissement), une semaine à peine après avoir été chassées, pour certaines, de maigres terrains qu’elles occupaient dans des quartiers voisins.

« Ca suffit, dosta ! »: avant les fêtes, militants, élus, syndicalistes et citoyens sont venus crier leur indignation sous les fenêtres de la mairie. Lena, mère de quatre enfants, disait sa lassitude d’entendre sans cesse le même refrain: « Dégage, dégage, toujours dégage ».

« Aujourd’hui nous sommes traités avec autant de racisme que dans notre pays », confiait Ghitsa Iorga, trompettiste de la fanfare Vagabontu, depuis 10 ans à Marseille. « En France, on dit liberté, égalité, fraternité, en fait les chiens sont mieux accueillis que nous ! ».

Cendrine Labaume, coordinatrice chez Médecins du Monde, relève « une multiplication des sites précaires et délabrés », les squats et caravanes ayant progressivement cédé la place aux cabanes, abris de fortune et trottoirs ou pelouses.

Une « traque sans fin » dont plusieurs associations humanitaires demandent l’arrêt. « Comment faire le travail d’insertion, le suivi sanitaire et médical, si les Roms sont sans cesse déplacés ? », s’interroge Jean-Paul Kopp, représentant de Rencontres tsiganes.

Selon lui, « la situation s’est durcie depuis cet été » avec l’arrivée du nouveau préfet délégué à la sécurité, Alain Gardère, nommé fin août à Marseille après une série de faits-divers, dans un contexte d’animosité grandissante des habitants à l’égard de cette minorité. Il note aussi l’impact de l’arrêté anti-mendicité pris par la municipalité mi-octobre, visant à lutter « contre les comportements portant atteinte à l’ordre public ».

Mais ce trouble à l’ordre public est, selon une récente décision du TGI lui-même, « généré par l’impossibilité pour cette communauté de pouvoir s’implanter sur des terrains mis à leur disposition par la municipalité ou la communauté urbaine ».

Devant cette impasse, une table ronde avait été promise en août, le jour de l’expulsion d’une centaine de Roms de la porte d’Aix, à l’entrée de la ville. A ce jour, aucune date n’a encore été fixée. L’adjoint chargé de la lutte contre l’exclusion, Michel Bourgat, se dit « totalement partant, mais c’est à la préfecture de l’organiser ».

« Ce n’est pas à l’Etat de proposer des solutions », a réagi mercredi le préfet de région Hugues Parant, tout en rappelant que des familles avaient été « prises en charge dans un centre d’hébergement d’urgence » financé par l’Etat et la ville.

Plein d’espoir pour l’intégration des Roms lors de leur arrivée à Marseille dans les années 2000, le médecin Philippe Rodier, chargé d’une mission au sein de MdM, a vite déchanté.

Stigmatisant « une classe politique qui s’arc-boute sur une politique dissuasive de persécution », il estime que « rien n’est fait pour atténuer cette exclusion », à l’exception d’une initiative expérimentale menée par la préfecture en 2010 qui a octroyé à des Roms un titre de séjour temporaire. Le conseil régional soutient également un espace associatif accueillant dix familles, depuis cet été, à la Belle de Mai (3e).

Au-delà du cas marseillais, les associations appellent les pouvoirs publics à faire le « deuil de l’idée d’un retour ». Car les Roms, au nombre de 15.000 seulement en rance.json »>France et un millier à Marseille, restent envers et contre tout.

Selon M. Rodier, il ne faut pas attendre l’ouverture du marché du travail français aux Roumains et Bulgares, prévue fin 2013, pour leur permettre de vivre autrement qu’en mendiant et triant des déchets.

AFP, 12 janvier 2012