Contre l’éducation marchande et autoritaire !

Mettre nos enfants dans les mains des entreprises

Le saint président l’a dit : il va falloir continuer à réformer l’école. Et que met-il derrière tout cela (lui et ses penseurs) ? Et bien toujours la même logique : celle d’une école de la compétition doublée d’un système éducatif dévoué au monde du travail. Fin de l’émancipation du plus grand nombre, nous passons à l’étape du dressage.

Bien entendu, tout cela est tou­jours amené par de bons mots. Ils vont nous parler « d’auto­no­mie » (pour ne pas dire dépen­dance au privé), de « d’effet de syner­gie » dans un pur style mana­gé­rial, devenu norme dans nos socié­tés. Tout est pré­senté comme une oppor­tu­nité pour nos enfants, l’avenir du pays, la gran­deur de la France (à grand coup de clas­se­ments divers ayant pour but la guerre du savoir, au lieu de son par­tage).

Alors après avoir détruit l’uni­ver­sité (en la livrant au privé, en créant encore et tou­jours plus de dis­cri­mi­na­tions entre les enfants les plus riches et les plus pau­vres), c’est main­te­nant aux lycées et au col­lège unique que les libé­raux veu­lent s’atta­quer (pas qu’UMP que ce soit clair, lisez les notes des cercle de pensée « de gauche », comme Terra Nova, pour voir que l’idée est plus répan­due qu’on ne le pense).

Il y a du fric à se faire pour le privé. Après avoir réussi le tour de force de faire du PPP (Partenariat Public Privé) pour les pri­sons, c’est à nos « chères têtes blon­des » que s’atta­que le sec­teur privé. Mais cela ne suf­fi­sait pas ! Il faut que notre sys­tème éducatif devienne le lieu non de l’émancipation, mais du for­ma­tage pour le monde de l’entre­prise.

Car qu’est-ce que visent réel­le­ment les poten­tats au pou­voir si ce n’est flat­ter encore et tou­jours ceux qui les ont aidé à arri­ver là ? Le rêve c’est les USA et le passé. Les USA pour le sys­tème « dit au mérite » (autre­ment dit à la nais­sance, au fric, plus qu’autre chose) et le passé pour l’idée de reve­nir aux « écoles de métiers ». Aux ouvriers et à leurs enfants la joie des « nou­vel­les for­ma­tions ouvriè­res » (sur­tout dans l’aide à la per­sonne aujourd’hui) et aux cadres / cadre sup et leurs enfants la joie de la repro­duc­tion sociale.

Car, si le sys­tème éducatif fran­çais tel qu’il existe (exis­tait devrions nous dire) était lar­ge­ment cri­ti­qua­ble, il avait au moins le mérite d’offrir l’oppor­tu­nité d’une base com­mune, d’un vivre ensem­ble (à amé­lio­rer, certes) et d’ouvrir une réelle pers­pec­tive d’émancipation (qu’il aurait fallu aug­men­ter, certes) par son côté « touche à tout ».

Seulement, depuis plus de 30 ans main­te­nant, métho­di­que­ment, tout est détri­coté. De la carte sco­laire qui est vidée de son but pre­mier (la mixité sociale), en pas­sant par l’Université qui se retrouve dépen­dante des fonds privés (pour la recher­che comme pour les moyens d’ensei­gne­ments) pour sur­vi­vre, en ajou­tant l’appren­tis­sage dont l’âge d’entrée a été dimi­nué au profit de filiè­res direc­tes, véri­ta­ble enfer­me­ment dans un métier.

Tout est mis en place pour une reprise en main par le « monde de l’entre­prise » du sys­tème sco­laire. Dans un seul et unique but : un retour en arrière fort, une obli­ga­tion de dépen­dre du monde de l’entre­prise.

Car là où le chô­mage a joué son rôle « régu­la­teur des luttes » espéré par le patro­nat ces der­niè­res années, il ne suffit plus. Et c’est bien pour tenter de pal­lier à un sou­lè­ve­ment d’ampleur que les liens entre « métiers » et « for­ma­tion éducative » sont res­ser­rés.

Imaginez demain l’uni­ver­sité Auchan, l’école pri­maire MacDonald, etc… Retour aux « écoles pro­fes­sion­nel­les » comme les écoles Renault ou Michelin du passé. Enfermement du tra­vailleur dans le moule patro­nal, inca­pa­cité d’en sortir et de faire contre­poids. Acquis de base limité au métier, pour une exé­cu­tion plus facile et rapide. Robotisation de l’humain.

Bien entendu, cer­tains par­lent des forces syn­di­ca­les qui pour­raient s’oppo­ser à cela, retrou­ver leurs rôles avant tout émancipateurs. Peut-être, mais en com­bien de temps ? Et sur quelle base, quels moyens, dans une société ou la capa­cité d’émancipation se rap­pro­chera de zéro de plus en plus (on ne demande même plus de savoir lire, mais de savoir exé­cu­ter aujourd’hui). La télé­vi­sion a lobo­to­misé les esprits en quel­ques années, ima­gine-t’on réel­le­ment que la fin de la lec­ture aidera en plus ?

Au final, la des­truc­tion de l’école « répu­bli­caine », même si elle pou­vait être un but quel­que part pour aller vers une école plus liber­taire, se fait aujourd’hui vers l’excès (l’extrême) inverse. En tuant le peu de col­lec­tif que l’école offrait, les tenants du libé­ra­lisme économique (capi­ta­lisme) sont par­ve­nus à faire de l’école ce qu’elle ne doit pas être : un énorme centre d’appren­tis­sage pro­fes­sion­nel. Avec en plus une pro­pen­sion très élevé à la repro­duc­tion sociale, pro­pen­sion qui n’ira pas en s’arran­geant.

Alors bien entendu, il nous faut, tous, être aux côtés de ceux qui lut­tent (et donc lutter) pour sauver l’école. Tout en gar­dant en mémoire que ce n’est qu’une étape pour aller ensuite vers une autre école, plus émancipatrice et ouverte.

Sans quoi, nos enfants ris­quent de vivre la fameuse révo­lu­tion inter­net et des tech­ni­ques de com­mu­ni­ca­tion de la pire façon qu’il soit : en étant eux-mêmes trans­for­més en simple donnée d’un jeu comp­ta­ble entre mul­ti­na­tio­na­les.

PS : volontairement, ce texte se concentre sur l’école. Il est évident que la misère va aussi en augmentant, et que les laissés-pour-compte du système servent avant tout le système lui-même, en tant que repoussoirs. Avec comme phrase clef : « Estime-toi heureux d’avoir du travail, toi au moins t’es pas à la rue / au chômage ».

Rebellyon, 13 janvier 2012

Une réflexion sur « Contre l’éducation marchande et autoritaire ! »

  1. Quelle différence entre la « nouvelle école capitaliste » et l’ancienne école capitaliste ? On serait sensé apprendre ici, nous dit-on, que l’école n’aurait plus pour but de transmettre des savoirs, mais ça n’a jamais été le cas. On continue de rêver de l’école pour simplement continuer à se lever le matin pour aller bosser, les uns pour garder les gosses, les autres pour ne pas les avoir dans les pattes au boulot. On y fabrique des marchandises sur pattes depuis le début, mais il ne faut pas le dire trop fort, ça démoralise.

    Alors qu’on dit que, cette fois, c’en est trop, le capitalisme va trop loin ! On veut bien produire des marchandises sur pattes, mais on ne veut pas recevoir d’ordre des capitalistes (identifiés comme tels), on veut faire ça à notre façon, sans avoir à recevoir des conseils … Mais quelle autonomie a jamais eu l’école par rapport au capitalisme ? Est-ce qu’il y aurait besoin d’école dans une société non capitaliste ?

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