L’attribution des « prix P.A.P.O.N » à des préfets et des fonctionnaires qui se seraient signalés par le nombre d’expulsions d’étrangers a provoqué aujourd’hui l’indignation des services de l’Etat. Ceux-ci ont très mal pris qu’on associe le nom de l’ancien haut fonctionnaire condamné pour son rôle dans la déportation des Juifs sous l’Occupation et celui de préfets actuels, et le ministère de l’Intérieur a prévenu qu’il soutiendrait toute action pénale qu’intenteraient des fonctionnaires ainsi défavorablement distingués.
Des « prix P.A.P.O.N » (pour « prix attribués pour obéissance notoire ») ont été décernés jeudi à Toulouse par diverses associations à trois préfets et à une fonctionnaire de la préfecture de Toulouse, responsable du bureau de l’asile et du contentieux des étrangers, pour leur « zèle » dans la lutte contre l’immigration irrégulière.
La place Beauvau « condamne avec la plus grande vigueur la comparaison ainsi faite entre l’action menée aujourd’hui par des préfets représentants de l’Etat et des actions commises pendant la Seconde Guerre mondiale qui ont valu à leur auteur une condamnation pour complicité de crimes contre l’humanité ». « Cette assimilation grossière et injurieuse et le recours à certains mots ainsi qu’à certains sous-entendus sont particulièrement choquants et le ministère soutiendra les actions pénales qui seront engagées par les préfets et les agents de l’Etat concernés », dit l’Intérieur.
Pour sa part, le préfet de la Haute-Garonne, Henri-Michel Comet, « s’indigne des propos tenus. Ils portent atteinte tant aux personnes qui travaillent à la préfecture qu’à la mémoire des victimes de la déportation ». En 2010, la préfecture a délivré 40.000 titres de séjour, dont près de la moitié (19.000) pour une première demande, a-t-il souligné dans un communiqué.
Sur 1.875 mesures de refus d’un titre de séjour, 700 seulement ont abouti à une décision d’éloignement, et la moitié des personnes concernées ont quitté la France « volontairement », a-t-il dit. Par ailleurs, 1.400 des refus ont été soumis au juge (soit 16,5% de plus qu’en 2009), qui a confirmé la décision du préfet dans 80% des cas, a-t-il dit.
« Les fonctionnaires de la préfecture assument leur tâche avec humanité et dans le respect de la dignité des personnes », a-t-il assuré. Les « prix P.A.P.O.N » ont été créés par l’Association pour l’art et l’expression libres (AAEL), avec le soutien d’un collectif réunissant entre autres la Cimade ou le Réseau Education sans frontières 31.
Maurice Papon, ex-secrétaire général de la préfecture de Gironde sous l’Occupation, a été condamné pour complicité de crimes contre l’humanité en 1998. Il a également été mis en cause dans la répression de la manifestation pro-FLN du 17 octobre 1961 à Paris qui, selon les estimations d’historiens, a fait plusieurs dizaines de morts alors qu’il était préfet de police.
lefigaro.fr (avec la complicité bienveillante de l’AFP) – 09/09/2011