La LGV à Chardonchamp : » C’est Bagdad, quel gâchis «
Avec les travaux de déconstruction des dix maisons préemptées, le chantier LGV arrive vitesse grand V rue des Cosses. Les riverains sont sous le choc.
A cheval sur Poitiers et Migné, la rue des Cosses, à Chardonchamp, sera coupée en deux par la LGV. De part et d’autre de la future ligne, les habitants sont partis, les maisons offrent un spectacle de désolation en attendant d’être rasées.
Grande gueule, gros cœur, Jacques oscille entre colère et tristesse. « Il faut que cela se fasse mais au moins qu’ils respectent les choses et les gens. » Planté au milieu de la rue des Cosses, le gaillard ne sait pas s’il doit pleurer ou hurler. « C’est Bagdad, c’est horrible. Quelle tristesse, quel gâchis. »
« Voir ces équipements détruits, c’est triste »
Voilà un mois que le petit hameau de Chardonchamp a vu le chantier LGV arriver vitesse grand V. La dizaine de maisons préemptées est en cours de déconstruction en cette rue des Cosses écartelée entre les territoires des communes de Migné et Poitiers. On a, c’est vrai, l’impression que la guerre est passée là avec son cortège de soudards. C’est la façon dont le boulot a été fait qui met Jacques et d’autres habitants de Chardonchamp en émoi. « Ils ont commencé par casser les portes et les fenêtres. Puis les sanitaires et le chauffage. Ils ont bien le droit hein ! C’est à eux. Ils ont dédommagé très correctement les propriétaires. Rien à dire là-dessus. Mais voir tous ces matériaux quasi neufs, ces équipements en état de marche jetés à terre, détruits, c’est triste à notre époque. Les fenêtres, les chaudières, les baignoires auraient pu faire des heureux. Non, interdit de toucher ! Cela doit partir à la benne. Le gaspillage est terrible. Si ce n’est pas malheureux. J’ai un copain qui a demandé quelques tuiles pour son toit. Pas question, qu’on lui a dit ! » Pour éviter les pillages, du gardiennage a été mis en place le week-end ces dernières semaines. Les maisons nues sont là. Alignées des deux côtés de la petite route. Au beau milieu trône une bâtisse. « Le propriétaire, je le connais il ne veut pas partir. Et il ne partira pas. »
Tout un pan de vie
Le choc est réel pour l’enfant de Chardonchamp. « J’y passais mes vacances quand j’étais ado. J’y habite depuis 1974. Avant il y avait quatre entrées pour venir ici. On va se sentir de plus en plus à l’étroit. Tout va changer. » Les travaux de démolition doivent débuter courant mars. Les maisons vont être rasées pour faire place à la ligne à grande vitesse. « Le bruit, on s’y habituera. Pour le reste… » Avec ces quelques pans de mur, c’est tout un pan de la vie des habitants qui part en poussière.
Nouvelle République, Loïc Lejay, 27 février 2012