Fin de la trêve hivernale: les expulsions locatives peuvent reprendre
Les expulsions locatives reprennent à partir de jeudi après quatre mois de trêve hivernale, au grand dam d’associations qui veulent faire du mal-logement une priorité de la campagne électorale.
La trêve hivernale court du 1er novembre au 15 mars. Pendant cette période, les locataires ne peuvent se faire expulser, même si leurs propriétaires ont engagé une procédure judiciaire.
A l’approche du 15 mars, « c’est le retour de l’angoisse pour des milliers de familles », affirme Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l’association Droit au logement. Samedi, quelques milliers de personnes ont manifesté à Paris pour réclamer l’arrêt des expulsions sans solution de relogement.
« Il faut stopper cette méthode moyenâgeuse. Plus de 100.000 familles sont potentiellement expulsables. Nous ferons tout pour nous opposer aux expulsions, même physiquement », promet Serge Incerti-Formentini, président de la Confédération nationale du logement.
Mais le ministre délégué au Logement Benoist Apparu s’oppose à un moratoire des expulsions, qui, selon lui, « déresponsabilise » les locataires.
« L’expulsion, pour les propriétaires, ce n’est pas un plaisir », souligne Jean Perrin, président de l’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI). « Ca veut dire qu’ils ont au moins deux ans de loyers impayés qu’ils ne récupèreront quasiment jamais. Or tous ne roulent pas sur l’or et ils continuent à payer les charges ». L’UNPI demande la suppression de la moyenâgeuse hivernale. « Au Canada, il n’y en a pas. Les expulsions se font tout au long de l’année et les gens peuvent plus facilement se reloger. En France, une majorité des expulsés se retrouvent sur le marché du logement en même temps », explique M. Perrin.
Les associations espèrent qu’en cette année électorale, la fin de la moyenâgeuse ne sera pas suivie immédiatement d’expulsions.
Les expulsions par la force publique ont augmenté de 10,1% en 2010 (11.670 contre 10.597 en 2009), selon des calculs de l’AFP à partir de chiffres du ministère de l’Intérieur.
Mais « au-delà des interventions de la force publique, près de 50.000 ménages sont contraints de quitter leur logement », affirme la Fondation Abbé Pierre, car « la plupart n’attendent pas la visite de la police pour libérer les lieux », souvent en catimini.
En cause, l’explosion des loyers, « le surendettement de plus en plus important », selon Olivier Bernard, président de Médecins du Monde.
Tous, gouvernement compris, regrettent le manque de prévention en amont pour éviter ces expulsions toujours traumatisantes.
« On s’aperçoit des situations trop tardivement, au bout de plusieurs mois d’impayés, quand la procédure judiciaire est enclenchée », regrette Matthieu Angotti, de la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale (Fnars).
Le gouvernement a mis en place depuis 2009 des commissions de prévention des expulsions dans chaque département, mais « ce sont des coquilles vides », déplore la Fnars. Le ministre Apparu reconnaissait en octobre qu’elles ne sont pas encore toutes efficaces. « Pour un huissier de justice, l’expulsion est un échec », ajoute Jean-Daniel Lachkar, président de la Chambre nationale des huissiers de justice. « Les gens ont honte de dire qu’ils sont en difficulté, mais il faut qu’ils viennent nous voir dès que le jugement d’expulsion est prononcé, pour qu’on trouve des solutions, par des étalements de la dette ».
« Dès les premiers loyers impayés, il faut que locataires et propriétaires se rencontrent pour trouver une solution: soit un relogement amiable à des prix moins élevés, soit un apurement de la dette avec l’aide du Fonds de solidarité logement, des allocations familiales, etc. », ajoute le président de l’UNPI.
AFP, 15 mars 2012