Les conducteurs scolaires » n’en peuvent plus «
Alain Gautier a pris la tête de la révolte des conducteurs de la société Vortex qui emmènent au quotidien de jeunes handicapés à l’école.
Les hasards de vie ont fait d’un ingénieur commercial d’une grande entreprise pharmaceutique, un leader syndical à la tête d’une révolte de travailleurs précaires conduisant au quotidien de jeunes handicapés dans leur école spécialisée.
C’est l’histoire d’une rencontre avec un nouveau métier, de nouveaux collègues, un nouveau patron et de nouveaux petits « clients » si attachants. Le Poitevin Alain Gauthier a choisi de prendre un congé parental à la naissance de son troisième enfant. A l’échéance de trois années légales, il a repris une activité professionnelle il y a quatre ans. Un petit boulot dévolu aux gens de peu avec un maigre salaire (de 2.500 à 5.000 euros net annuel). Conducteur scolaire d’enfants des Clis (Classes pour l’insertion scolaire), il transporte au quotidien des mômes en difficulté scolaire souffrant d’autisme, dyslexie, troubles du comportement ou autre hyperactivité. L’ancien cadre supérieur s’est retrouvé plongé dans un nouvel univers impitoyable. « J’étais chouchouté, pourri gâté dans mon ancien métier. Aujourd’hui dans le transport, je découvre un truc effarant bien au-delà de ce que je pouvais imaginer. Mes collègues sont des gens vulnérables. Ce sont souvent des retraités ou des personnes assujettis au RSA. Le patron profite de leur désarroi, de leur misère, pour les tenir et les exploiter. Nous n’en pouvons plus. Nous étions tous isolés, j’ai voulu regrouper nos forces. Je me suis plongé dans la convention collective et j’ai découvert des choses incroyables. »
L’entreprise liée au conseil général jusqu’en juillet
L’entreprise Vortex est un des leaders du secteur en France. Basé à Lisses dans l’Essonne, ce transporteur spécialisé a remporté 20 des 80 marchés du conseil général qui lui a confié ce segment de service public jusqu’à la mi-juillet. « Un nouvel appel d’offres est déjà lancé », précise le service transport du Département. Le conflit social qui couvait est devenu ouvert. Le P-DG de Vortex Éric Heudicourt a été reçu à Poitiers la semaine dernière par le directeur des transports Jean-Luc Leberre. « Nous lui avons demandé de veiller à respecter ses engagements vis-à-vis des collectivités et de ses employés. » Connaissant une ascension fulgurante ces dernières années (la barre des 50 M€ de chiffres d’affaires pourrait être franchie lors de cet exercice), Vortex n’en est pas à ses premiers remous sociaux. Le dernier numéro du journal spécialisé à usage professionnel « Bus & car » consacrait un reportage au conflit qui a gagné l’agence de Marseille. Un mouvement qui ressemble bigrement à celui touche le Poitou aujourd’hui. Interviewé par nos confrères sur ses méthodes de management, Éric Heudicourt eut cette réponse ferme : « Nous ne sommes pas […] des esclavagistes du XXIe. C’est totalement faux. Mais nous ne ferons pas n’importe quoi pour acheter la paix sociale. »
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Préavis de grève
Devenu délégué national CFDT de Vortex, Alain Gauthier, qui a été lui aussi reçu la semaine dernière au conseil général, a « monté le son » histoire de faire entendre la voix de ses collègues de l’ex antenne d’Angers aujourd’hui mise en sommeil. « Notre collectif regroupe 40 chauffeurs de 7 départements. Le noyau dur est dans les Deux-Sèvres et la Vienne où 20 collègues nous ont rejoints. » Un préavis de grève pour le jeudi 24 mai a été envoyé mardi au PD-G de Vortex. Parmi les revendications, la fin de l’avance par les salariés des frais de carburants et la régularisation immédiates des avances dues ou encore le versement du salaire le 4 du mois. « Si les conducteurs mettent leur menace de grève à exécution, leur employeur est tenu d’assurer le service public de transport », indique le conseil général. Le collectif des conducteurs scolaires se réunit cet après-midi à Poitiers, à ce sujet.
Nouvelle République, Loïc Lejay, 19 mai 2012