NdPN : Compte-rendu des compagnons du 56 :
Cyclo anti THT en prélude au week-end de la résistance du Chefresne (Cotentin)
Une ligne THT (Très Haute Tension) est prévue pour évacuer l’électricité du futur EPR, afin de noyer l’Europe du Sud et la Méditerranée par l’énergie nucléaire, et chasser les autres sources d’énergie, en maintenant les populations sous ce joug centralisé. Une lutte passée, en Catalogne, concernait un autre tronçon de cette autoroute d’énergie nucléaire… Cet équipement s’accompagne d’expulsion et de répression par une administration dictatoriale directement aux ordres de RTE (Réseau transport d’électricité, filiale d’EDF). Le cyclo anti-THT est initié par un groupe informel de jeunes anarchistes rennais et mayennais ; il veut soutenir les opposants à la ligne THT, sensibiliser les gens à cette lutte par des inscriptions (tags), des débats, des projections, des distributions de tracts et des échanges le long du parcours ; le vélo en fût le moyen (très) pratique, convivial et symbolique. Nous étions en autonomie ( tentes, nourriture, etc, etc…). L’appel au rassemblement du Chefresne fut le but principal de notre manifestation. Le samedi 17 Juin, rendez-vous à Beaulieu-sur-Oudon, en Mayenne, pour le départ du cyclo anti-THT. Nous sommes 7, accueillis chez des opposants à la ligne THT. Le lendemain, de nombreux cyclistes nous accompagnent, en plus des voitures de gendarmerie et de son hélicoptère : comme quoi le nucléaire n’est pas neutre en CO2 ! Les jours suivants, nous roulions à environ une quinzaine de cyclistes, toujours escortés par la gendarmerie ! Je passe sur les péripéties qui furent notre vie quotidienne passionnante. Je note le peu d’engagement pratique actuel des gens, en-dehors des opposants déclarés ; mais, l’encouragement et l’approbation que nous reçûmes tout au long du parcours devrait inquiéter les nucléocrates. Nous arrivâmes au camp le jeudi 21 en fin d’après-midi. Le camp était déjà installé. La gendarmerie aussi. Le lendemain, le cyclo anti-THT se dissout dans les différentes activités du camp.
En voiture jusqu’au Chefresne, samedi 22 juin
Arrivés sur le coup de midi au « bourg » de Chefresne samedi 22 juin, à chercher où se trouve le camp, nous croisons une camionnette avec des militants et militante anti aéroport de Notre-dame-des-landes. On se suit jusqu’au bois occupé par les opposants, avec les cabanes dans les arbres… par où doit passer la ligne à Très haute tension… ce qui signifie que le bois sera rasé. Les 400 000 volts prévus d’être transportés par la ligne venant du réacteur nucléaire EPR (si ce projet ruineux et dangereux aboutit…) dégageront un rayonnement électrique néfaste aux espèces animales (y compris aux humains donc) à proximité. On reprend la route jusqu’au camp. Premier contrôle policier : identité et papiers du véhicule. A l’intersection suivante : second contrôle (des fois que leurs collègues auraient mal fait leur travail peut-être ?)… Le récipissé, remis par la police pour limiter les contrôles systématiques, annoncé par le gouvernement, n’est pas encore en place vraisemblablement… Il semble qu’un policier nous filme durant toute l’opération…
La vie dans le camp de la résistance
L’arrivée au camp de la résistance est beaucoup plus sympatique. Nous sommes accueillis avec le sourire, on nous indique où nous garer, l’organisation spatiale du camp, on nous remet un petit document informatif avec des conseils pratiques pour bien réussir une manifestation. Coup de bol, il reste à manger auprès de la cantine schmrutz : repas bio vegan succulent (comme à chaque fois !) à prix libre. A chacun sa vaisselle ensuite, dans l’esprit d’autogestion. Tout le week-end, nos cuisinières, cuisiniers et boulangers assureront de quoi nous sustenter du petit déjeuner au dîner, à la mode 100 % végétale ! Outre l’espace cuisine, sur ce camp de grandes tentes ou chapiteaux permettent aux gens de se rassembler : sont installés un espace lecture avec de nombreuses brochures (à prix libre toujours), une buvette à petits prix (pas mauvais le cidre et le jus de pommes normands !), la tente de l’équipe médicale (medical team), un lieu où se ressourcer en cas de coup de blues… et les toilettes sèches habilement placées. Un tableau donne la chronologie des rendez-vous du week-end, les heures des discussions débats. (Voir le programme sur ce site http://valognesstopcastor.noblogs.org/1087). Près d’un demi millier de personnes vivent sur ce camp. Les discussions et rencontres spontanées ou organisées s’enchaînent. L’après-midi du samedi a pour thème « la convergence des luttes » (anti nucléaire, anti aéroport, anti lignes à grande vitesse… etc.). Comment défendre un territoire, lieu de vie, face aux projets délirants de l’Etat et du capitalisme qui n’ont en pensée que le développement (de leur puissance) faisant fi des conséquences sociales et écologiques ? Quels liens les militant-e-s peuvent construire avec les populations locales ? Comment poser les problèmes en termes de société à reconstruire sur de nouvelles bases ? Quels moyens donnés à la lutte ? etc… Beaucoup de questions qui cherchent encore des réponses. Pour certains, une catastrophe nucléaire étant sans commune mesure par son pouvoir de dévastation et d’implications sanitaires, sociales et écologiques, par rapport à tous les autres risques industriels, la priorité est d’arrêter au plus vite (« immédiatement ») cette horreur. D’autres estiment que pour s’en sortir, il faut remettre en cause la société (société capitaliste de croissance) qui a permis l’élaboration de telles industries… D’autres réunions permettent de préparer les manifs du lendemain, jour des actions contre les pylônes de la future ligne THT… Régulièrement, à proximité du camp, passent une fourgonnette de la police ou de la gendarmerie. Un hélicoptère survole le camp, filmant et photographiant tout ce qu’il peut. Les fichiers vont pouvoir être mis à jour… Même la nuit, ce moustique géant tournera au-dessus du camp à trois reprises… Les réserves de fioul de l’Etat doivent être bien remplies…
Le dimanche, les manifestations… et la répression
Dimanche, réveil sous la pluie. Elle ne cessera pas de la journée ! Grrrmmmlll… Une grande assemblée générale accorde les objectifs et fonctionnements de chaque groupe de manifestant-e-s. Nous étions dans le groupe 1, avec en banderole de tête « nucléaire : arrêt immédiat ». Les cirés et les bottes sont de sortie… Des flics filment le défilé… Au bout d’1 km, notre liberté de circuler et de manifester est entravée par un barrage de police. Nous progressons lentement, certain-e-s particulièrement dangereux (!) chantent des chansons antinucléaires (souvent des détournements de morceaux existants)… et, sans sommation, une première salve de lacrymogènes nous arrête ! Après la dispersion des fumées, nous reprenons la marche, nouveaux tirs de lacrymos. Nous nous interrogeons sur la marche à suivre. Au loin, résonnent des détonations où nous savons que les copines et les copains doivent se rendre. On pense à eux et elles avec un certain effroi… Un appel du camp nous informe que ça sent le roussi et qu’il est préférable de rentrer. Nous laissons une voiture de pompiers passer récupérer des blessés. On se demande ce qu’il se passe. De retour au camp, on nous raconte la violence des flics lors de l’affrontement, blessant une personne grièvement à l’oeil. Au mépris de toute considération pour le blessé, la maréchaussée ne voulait même pas laisser passer le véhicule de secours des pompiers ! Il a fallu l’intervention d’une journaliste allemande pour que cela se résolve. On voit donc déjà le changement : après la Sarkozie, place à la Hollandie ! Le donneur d’ordre, c’est bien l’Etat, Manuel Valls encore une fois a mis ses bottes de Guéant !
Témoignage sur le cortège pylônes :
Le cortège composé de jeunes et de quelques moins jeunes a aussi quitté le camp à 10 h en prenant la direction opposée à la manif vers le pylône 220 sur le haut de la butte. Après avoir fait 200 mètres, illes étaient visibles du camp à 100 mètres. Face à eux une douzaine de flics les ont immédiatement arrosés de grenades lacrymogènes. Le vent était à ce moment favorable mais malgré la pluie fine les gaz s’élevaient. Le cortège s’est regroupé et a de nouveau essuyé des tirs de lacrymos avec un vent qui était défavorable. Plusieurs grenades assourdissantes ont été envoyées par les « chiens policiers ». Ca commençait à ressembler à un champ de bataille… Après un deuxième regroupement, le cortège est reparti en courant sur le groupe de tireurs. L’affrontement fut bref et d’une violence extrême. Le cortège voulant absolument passer pour aller au pylône. C’est là que furent blessés 6 activistes dont deux aux yeux… Le repli vers le camp se déroula de façon très ordonnée. Les blessés furent pris immédiatement en charge par l’équipe médicale dirigée par un médecin… « Les chiens policiers » vinrent aux abords immédiats du camp. Le face à face était très tendu. Il est clair que si les flics étaient entrés dans le camp la situation aurait basculé. La mission des flics était d’empêcher toute jonction entre les différents groupes situés plus loin au bois du Chefresne et plus loin au village (les habitants et habitantes et des soutiens). A noter que les pompiers furent bloqués par les flics qui voulaient les accompagner dans le camp… Des instants précieux furent ainsi perdus… Ce mardi un activiste blessé aux yeux était toujours à l’hôpital. La conclusion, c’est que ce cortège a fait preuve d’une bravoure face à la violence policière. Les maîtres ont changé, Hollande a remplacé Sarkozy, et Valls a remplacé Guéant. Les chiens policiers sont les mêmes, le pli sarkoziste est pris. Les méthodes ne changeront pas mais la répression ne nous fera pas céder.
La Préfecture de la Manche s’est exprimée brillament à propos de ce week-end : « Quand on regarde les plaques d’immatriculation on voit que beaucoup de voitures ne viennent pas de la région, ce qui laisse penser que les gens viennent « dans le but de déstabiliser les forces de l’ordre et de lutter peut-être pas contre la THT mais contre l’ordre établi » :
Sans doute ignore-t-elle que le nucléaire est un danger planétaire dont les effets sanitaires traversent frontières et océans. Ainsi, par définition, tout le monde étant concerné, tout opposant est donc à part entière un « local » face au péril nucléaire, fondé à s’exprimer et manifester…
Nous, groupe libertaire Lochu – Ferrer et fédération anarchiste 56, tenons à dénoncer fermement la violence de l’Etat et à exprimer toute notre solidarité avec les victimes des violences policières (certains, « légèrement blessés », ont reçu des éclats de grenades dans les jambes !) et avec toutes et tous les résistant-e-s à la ligne THT.
Hormis cette répression disproportionnée, le camp peut être vu comme une étape de la lutte antinucléaire. Il a permis des rencontres, renforcé des liens. Au retour : deux contrôles de police à nouveau avec (mini) fouille du véhicule pour savoir si nous ne transportions pas d’explosifs ! Les flics ont de l’imagination… Il faut bien qu’ils se justifient leur fonction pour sauver leur conscience de défenseurs de l’ordre inique établi, que l’on peut qualifier, du point de vue de la justice sociale et écologique, comme un grand désordre !
Groupe libertaire Lochu-Ferrer (Fédération Anarchiste 56), 26 juin 2012