L’adjudant filmait dans les douches et sous les jupes
St-Maixent. Il prenait des photos sous les jupes à la sortie de l’école et filmait dans les douches de la caserne. L’adjudant voyeur de l’Ensoa a été condamné.
Il s’en passait de belles au sein de la caserne de l’École nationale des sous-officiers de l’Armée de Terre (Ensoa) de Saint-Maixent l’École.
Hier, l’audience militaire qui se tient une fois par an devant le tribunal correctionnel de Poitiers jugeait un adjudant voyeur aux pratiques bien curieuses. Le bon père de famille de 37 ans devait s’expliquer sur son goût pour les films en caméra cachée. Notamment quand il venait chercher ses enfants à l’école Saint-André.
Dans le journal
Dans son journal favori, bien dissimulé, l’adjudant Christian Pasquier, tenait un stylo caméra avec lequel il filmait sous les jupes des jeunes femmes. « Par curiosité », expliquera-t-il aux gendarmes. Son manège repéré, c’est toute la pelote de ses films qui se déroule devant les enquêteurs de la brigade de recherches de Niort. Des films, des photos, des données personnelles… l’adjudant en charge de la formation militaire et tactique depuis 2005 à l’Ensoa en a capté des tonnes. Si une trentaine de victimes sont recensées sur une période de trois ans entre juin 2008 et juin 2011 dans le dossier jugé hier, leur nombre réel semble bien plus important. A mesure que les gendarmes progressent dans leur enquête, ils se rendent compte que le sous-officier ne s’est pas contenté de filmer à l’école et dans des grandes surfaces.
Les photos atterrissent sur un site porno
L’as de la caméra stylo a aussi sévi dans la caserne où il exerce. Des vidéos ont été tournées sous les douches et dans les vestiaires des femmes. De nombreuses photos sexy ont aussi été récupérées de manière frauduleuse par le militaire. La formation était dispensée via des outils informatiques. Et les cours copiés sur des clés USB à la demande. Des clés contenant parfois des fichiers qu’il aurait certes mieux valu ne pas laisser.
Logiciel espion
Mais le formateur de l’Ensoa allait beaucoup plus loin. Il avait acheté un logiciel spécialisé dans la récupération de mots de passe des ordinateurs. Une fois ces derniers en sa possession, il s’introduisait dans les ordinateurs des jeunes femmes et récupérait des photos. Certaines se sont retrouvées sur le site porno « photo perso sexy » sous la rubrique « On s’éclate à Saint-Maixent » ! « Je ne sais pas qui les a diffusées. Ce n’est pas moi », assure Christian, qui n’est pas poursuivi pour ces faits-là. A la barre, il s’excuse, dit avoir pris conscience du côté puéril de tout cela. « J’ai réalisé quand j’étais devant les gendarmes et lors de la perquisition. J’ai fait n’importe quoi. » Une dizaine de victimes seulement étaient présentes hier à l’audience. L’expertise psychologique n’a rien révélé de dangereux dans la personnalité du militaire qui maintenant a été envoyé gérer le planning des séances de tirs du campde Caylus dans le Tarn-et-Garonne. Le procureur relève le côté « préoccupant » d’un homme par ailleurs bien noté qui avait prémédité ses actes. Il réclame six mois de prison avec sursis et l’obligation de soins et d’indemnisation. « Il a fait ça par bêtise », martèle son avocat, Me Comte. « On lui reproche d’avoir piraté des clés USB où on laisse quand même de drôles de documents. En plus, avec Internet, il n’y a plus vraiment de vie privée. »
Casier vierge
L’avocat tente de plaider en faveur d’un travail d’intérêt général. Le tribunal suit les réquisitions du parquet : six mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve. Il doit suivre des soins et indemniser les sept parties civiles à hauteur de 6.500 € au total. Et son casier restera vierge de cette condamnation. Au grand dam de ses victimes.
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» J’ai été violée dans mon intimité et lui, il a été couvert. Il ne devrait plus être militaire «
A l’annonce du délibéré, la parole s’est libérée un peu plus. Outrées, dégoûtées. Les femmes victimes des agissements de l’ancien formateur de l’Ensoa de Saint-Maixent sont ressorties très amères de l’audience d’hier. « Je ne comprends pas la décision rendue par rapport à ce qui a été infligé à un jeune qui avait fait un refus d’obéir », note l’une. « J’ai travaillé dans le domaine de la discipline », enchaîne une autre. « Il a pris 40 jours d’arrêt, tout de suite. Comme ça, il n’y a pas eu d’autre sanction derrière. Il n’y a pas eu de conseil d’enquête en interne. C’est juste resté au niveau de l’Armée de Terre, ça aurait pu remonter au ministre avec un blâme. Rien. On a le sentiment qu’il a été couvert. Moi, j’ai été violée dans mon intimité, filmée à mon insu. Il ne devrait plus être militaire. » « Il ne devrait plus être dans l’armée », relève un père de famille. Sa fille se trouvait à l’Ensoa sous les ordres de l’adjudant jugé hier. « Pendant les séances de sport, nous étions huit filles. Il nous demandait d’enlever nos tee-shirts ! Pour récompenser, il donnait des photos pornos. Bien sûr, c’était des filles dessus. Je me suis sentie rabaissée. Il avait copié plein de choses sur mon disque dur. Des documents qui concernaient toute la famille. Il avait même fait un dossier à notre nom ! Des militaires ont été virés pour moins que ça. »
Nouvelle République, 3 Octobre 2012