Sur le maintien de l’ordre

Qu’est ce que c’est… Le maintien de l’ordre ?

Une nouvelle rubrique sur tantquil! Un panorama international du maintien de l’ordre.

Cette rubrique  a pour objectif de faire une présentation rapide de ce qu’est le   « maintien de l’ordre », a l’échelle internationale.

En quoi consiste-il ? Quelles sont ses fonctions ? Comment évolue-t-il ? Le budget qui lui est consacré est il soumit au même impératif économique d’austérité que le reste des dépenses des états ? 

Comprendre les mécanismes du « maintien de l’ordre » est, dans cette période de crise et de (probables) affrontements qui s’ouvre, une nécessité. 

Il s’agit ainsi de démonter les discours qui le sous-tendent ( dissociation casseurs/bon manifestants, discours délirant sur les « agents provocateurs anarchistes infiltrés », les « faux étudiants », « faux lycéens », «  faux chômeurs », etc.).

Pour commencer une notion, sur ce qu’est le maintien de l’ordre.

En quoi consiste le « maintien de l’ordre » ?

Cette expression peut sonner comme un élément de novlangue néolibérale. En anglais, on traduit « maintien de l’ordre » par crowd control, c’est-à-dire contrôle des foules. Eh oui, ce terme signifie tout simplement le contrôle des foules par la violence des forces étatiques.

En effet, au cours de l’histoire, les foules ont pu menacer l’ordre social et le pouvoir étatique. Rien qu’en France, on pourra prendre l’exemple de la Révolution Française, de la Commune de 1871 ou encore de l’ensemble des grèves syndicalistes révolutionnaires dans les années 1900…

Jusqu’au début du vingtième siècle, l’Etat français n’avait pas de troupes dédiées spécifiquement à cette fonction. C’était donc l’armée qui était chargée de cette tâche. Les membres de foules étaient traités comme des armées ennemies, les militaires n’hésitant pas à tirer dans le tas comme Clémenceau a ordonné de le faire contre les grévistes de Courrières en 1906.

Au bout d’un moment, la sensibilité à la violence baissant, ce type d’intervention a été de plus en plus mal vu. Tout d’abord par la population, qui comprenait de plus en plus mal que l’on puisse tuer des gens parce qu’ils manifestent ou parce qu’ils sont grévistes. Il suffit de voir l’indignation mondiale suscitée par l’assassinat aux mains de la police de 34 mineurs le 16 aout à Marikana en Afrique du Sud.

Il est aussi mal vu par les militaires qui souvent sont des conscrits ouvriers ou paysans.

Et parfois ce type de massacre est tellement mal vu par la troupe, qu’elle refuse de tirer sur le peuple comme lors de la révolte des vignerons à Fourmies en 1907.

Face à cela, l’Etat, pour museler les foules qui menaçaient sa souveraineté, son pouvoir, a dû inventer une nouvelle méthode. C’est la naissance du « maintien de l’ordre ». Comme la répression aveugle et indiscriminée en tirant sur la foule est devenue dangereuse pour le pouvoir, la nouvelle doctrine sera plus subtile. Plus question de tuer. Les troupes de maintien de l’ordre vont recevoir un entrainement spécial, pour être à même d’exercer une violence limitée capable de disperser la foule mais sans pour autant causer un massacre. De même les armes s’adaptent. On passe du sabre et du fusil, rapidement mortels à diverses formes de matraques (« bidule », tonfa…) ou aux gaz lacrymogènes.

Le « maintien de l’ordre » n’est pas pour autant une avancée démocratique, qui permettrait de pacifier les conflits.

Il est seulement un moyen plus efficace de répression des foules qui menacent le pouvoir de l’Etat, car le pouvoir n’a pas à assumer le coût politique de tuer des manifestants.

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C’est quoi le maintien de l’ordre a la française?

Chaque force de police a ses particularités et ses méthodes. Par exemple les policiers anti-émeute hollandais utiliseront des petits boucliers ronds en osier alors que les français auront des boucliers carrés en plexiglas et les policiers allemands se passeront carrément de boucliers. Néanmoins, on peut dégager plusieurs grands modèles de maintien de l’ordre.

Nous nous intéressons ici au modèle français.

Le maintien del’ordre à la française nait en 1921 avec la création de la gendarmerie mobile.  Il est renforcé en 1945 par la création des CRS (compagnies républicaines de sécurité). Mais ce ne sera que dans les années 60 qu’un modèle particulier va émerger. Auparavant, la police se contentait de foncer dans le tas et taper à qui mieux sur les manifestants en essayant de les disperser. Cette tactique pouvait facilement se retourner contre les policiers si les manifestants étaient suffisamment déterminés. Ce fut le cas lorsque les ligues fascistes infligèrent une sévère correction à la police le 6 février 1934, manquant de peu de prendre le parlement, ou le 28 mai 1952 à l’occasion de la manifestation contre la venue du général Ridgway où  les communistes blessèrent plusieurs centaines de policiers.

Après la semaine des barricades à Alger en janvier 1960 marquée par le décès de 14 gendarmes mobiles en une seule manifestation, alors que la contestation dans la rue gagnait du terrain, puis explosa après mai 68, les forces de police inventèrent progressivement le modèle français de gestion des foules. Il consiste en deux volets.

Les deux volets du modèle français de gestion des foules:

Le premier est la « prévention ». Lors de l’évènement où la foule se réunit, les forces de police anti-émeutes ne se montrent que très peu, bien qu’étant en capacité d’intervenir quasi immédiatement. Ça ne veut pas dire que la police n’est pas présente mais juste que les policiers se font plus discrets. En effet, agents des renseignements généraux et policiers en civils sont présents de manière extensive dans la foule pour ficher et repérer « meneurs » et « fauteurs de trouble ». Cela permet ensuite des arrestations ciblées.

La « coproduction de l’ordre public ».

Cette prévention s’accompagne aussi de ce que la police appelle la « coproduction de l’ordre public ». En termes plus crus, cela veut dire que c’est souvent les organisateurs des manifestations qui vont faire le travail de la police pour étouffer les actes violents. C’est alors aux services d’ordres des organisateurs de manifestations de réprimer les manifestants qui pourraient sortir de la légalité ou être violents.

Malgré quelques syndicats qui vont dans le sens inverse, le service d’ordre de la CGT  en est le meilleur exemple. Il peut aller jusqu’à interpeller des « casseurs » pour les remettre à la police comme par exemple lors des manifestations contre le CPE à Lyon. Cette « coproduction » ou sous-traitance de travail de police fonctionne d’autant mieux que les services d’ordre « passent » beaucoup mieux que les CRS ou la BAC auprès des manifestants.

Le deuxième volet est la  répression. Lorsque les diverses mesures de « prévention » ne suffisent pas, celui-ci rentre en jeu. Ici aussi, la police adopte une stratégie indirecte mais extrêmement brutale. Les forces anti-émeutes cherchent à éviter le combat au corps à corps que ce soit en ligne ou en mêlée. Il est plus dangereux pour les policiers,  mais surtout risque de causer la mort de manifestants d’un coup de matraque mal placé (comme par exemple le 2 avril 2009 lors du G-20 de Londres). A la place, elles préfèrent la mise à distance des manifestants par le biais de gaz lacrymogènes (CS). Ceux-ci interdits dans de nombreux pays d’Europe, sont des gaz de combat non létaux qui servent à la police française pour faire reculer les foules et les disperser. Une fois une zone saturées de gaz,  les forces de l’ordre la prennent par une charge très disciplinée. Des grilles anti-émeutes empêchant le contact direct entre policiers et manifestants peuvent compléter ce dispositif. Les interpellations sont souvent effectuées par la BAC sur des manifestants repérés au préalable.

Pour résumer, le modèle français repose sur deux pivots : une part importante donnée à la prévention, consistant à éviter la confrontation et à sous-traiter le travail de police le plus possible aux organisateurs d’évènements publics. Le deuxième est répressif. Bien qu’extrêmement brutal, il repose paradoxalement sur la mise à distance des émeutiers par le biais de gaz lacrymogènes, tactique assez difficile à battre pour les manifestants…

Pour la peine,  en petit supplément, le fameux succès d’Annie Cordy.

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