Histoires de binouze

NdPN : attention buveurs et buveuses, votre budget binouze va grimper ! L’occasion de rappeler l’histoire du contrôle politique de la bière par l’Etat : au moyen-âge, chaque communauté paysanne brasse sa bière, dont les secrets sont transmis parmi les femmes. Bien souvent, aucune trace de houblon : les herbes brassées sont sauvages… et souvent stimulantes, aphrodisiaques, voire quelque peu hallucinogènes ! L’occasion de perpétuer les liens sociaux, à travers des traditions riches de fête et de vivre-ensemble. Ce sont les moines qui développèrent l’usage intensif du houblon, une plante sédative qui, consommée à haute dose, abrutit et endort les réflexes. Face aux révoltes paysannes d’une part, et dans le souci d’autre part d’assurer un monopole aux abbayes qui brassent le houblon, ainsi que de frapper d’impôt une activité jusque là autonome, les Etats (la Bourgogne, la Bavière, puis de nombreux autres) promulguent des décrets sur la pureté de la bière, imposant le houblon comme ingrédient essentiel de ce breuvage populaire. Il sera désormais plus facile d’abrutir les gens au lieu de les voir boire des potions magiques. Et aussi de prélever de nouvelles taxes, sur des monocultures de houblon imposées et surveillées par les pouvoirs religieux et seigneuriaux. Les enjeux sont donc importants. Les femmes perpétuant la tradition de la bière de gruit dans leurs petits chaudrons sont les premières victimes de la répression : traquées, diabolisées et persécutées… par les bras armé de l’Eglise inquisitoriale et de l’Etat. L’image de la « sorcière » brassant un truc bizarre dans sa marmite, ça ne vous rappelle rien ? Visiblement, la longue histoire de taxation retombant sur producteurs et consommateurs continue de nos jours… une proposition pour cette nouvelle année de racket ? Soyons plus sobres en alcool (pas le choix !), mais ivres de révolte !

 

Taxe sur la bière : le demi sous pression

Avec le relèvement au 1 er  janvier de la taxe d’accise payée par les brasseurs,  le prix du demi va faire un bond de 5 à 40 centimes dans les mois à venir.

Avec un bénéfice attendu de 480 millions d’euros, la loi de financement 2013 de la Sécurité sociale a vu l’augmentation au 1er janvier de la taxe sur la bière. La mesure porte sur un relèvement des droits d’accise, payés par les brasseurs en fonction du volume de bière produit et de leur degré d’alcoolémie. Jusque-là compris entre 1.38 et 2.75 € aux 100 litres, ils feraient un bond de 160 %.

«  C’est encore le consommateur qui va payer  »

« C’est encore une taxe injuste et qui prouve que nos dirigeants n’ont aucune réalité du terrain, commente Pascal Pouilly, gérant de la brasserie de Bellefois à Neuville-de-Poitou. Une fois de plus, les petites entreprises qui se battent, réalisent des investissements et tentent de favoriser l’emploi ne sont pas respectées. Et au final, c’est encore le consommateur qui va payer. Nous avons déjà imputé cette hausse sur les factures de nos livraisons depuis le début de l’année et avons augmenté le demi au bar de 10 centimes et la bouteille de 15 centimes. » Même son de cloche dans les bars et cafés poitevins. « Actuellement, nous vendons le demi 2.60 € mais avec l’augmentation des charges et de cette taxe d’accise, je pense qu’il passera autour des 3 € à l’occasion du changement de notre carte en mars prochain », confie Pierre Mulot, gérant du Café de la Paix. Pour Wilfer, serveur au bistrot Le Gil, il est encore trop tôt pour connaître le montant de la hausse du prix de la bière : « Ce sera fonction de nos fournisseurs, mais il est certain qu’il y aura une augmentation dans les mois à venir ». « 2012 a été une très mauvaise année alors cette hausse n’est pas la bienvenue. Malgré tout, j’espère pouvoir en limiter les effets, mais le demi que je propose actuellement à 2.30 € va très prochainement prendre quelques centimes », assure François Kampmann, gérant du Café des Arts. Quant à Franck Borgeais, responsable de La Serrurerie, il s’insurge : « Trop c’est trop. En plus des charges qui ne cessent d’augmenter et des heures supplémentaires qui ne sont plus défiscalisées, la hausse de cette taxe, et donc du prix de la bière va encore nous pénaliser, en entraînant une baisse de la consommation. Et au final, c’est encore le client qui va payer au risque de moins fréquenter nos établissements. »

Delphine Léger, Nouvelle République, 6 janvier 2013