Nantes au coeur de l’offensive masculiniste

Nantes au coeur de l’offensive masculiniste

« Cause des pères » ou offensive masculiniste ?

Ce weekend ont eu lieu à Nantes deux actions spectaculaires et coordonnées que les médias attribuent aux militants de la « cause des pères » et que nous qualifions de masculinistes (1). Cette occupation de grues par des militants d’associations masculinistes s’est déroulée quelques jours seulement avant la manifestation qu’ils organisaient à Nantes. Nul hasard. Cela s’inscrit bien dans une stratégie de lobbying bien ficelée. Il est grand temps de réagir pour stopper l’offensive et en finir avec la complaisance médiatique et politique à l’égard de ces hommes revanchards.

Vendredi 15 février 2013, Serge Charnay, un homme de 42 ans, monte sur une grue des anciens chantiers navals de Nantes, où il déploie une banderole sur laquelle on peut lire « Benoit, 2 ans sans papa ». Samedi 16 février, Nicolas Moreno, membre des associations de « droits des pères » SVP papa et SOS papa escalade lui-aussi une grue et déploie deux banderoles « pères en galère, pères solidaires » et « père un jour, père toujours ». Il descendra quelques heures plus tard, alors que Serge Charnay sera resté quatre jours sur son perchoir, après avoir tagué l’inscription « sauver nos enfants de la justice ». Ces deux pères estiment être privés de leurs enfants, victimes d’un pouvoir judiciaire qui détruirait les pères.
Derrière la « cause des pères » : le mouvement masculiniste(1).
Les revendications émises, les slogans utilisés et les associations mobilisées autour de ces événements ne laissent planer aucun doute : reprenant à l’identique les modes d’actions de l’organisation « Fathers 4 Justice » (2), la branche française du mouvement masculiniste effectue là ses premières actions spectaculaires. Le masculinisme est un mouvement organisé d’hommes hostiles à l’émancipation des femmes, souhaitant conserver leurs privilèges et leur position de pouvoir au sein de la société. Leurs thèmes de prédilection sont les droits des pères, les violences faîtes aux hommes et la crise de la masculinité. Les masculinistes estiment que les hommes sont victimes d’une société où les femmes auraient pris le pouvoir. Les actions de Nantes n’arrivent bien évidemment pas au hasard. Elles sont l’expression de la stratégie politique de ce mouvement. L’occupation des grues tombe quelques jours avant l’examen de la loi sur la résidence alternée, alors que les associations de pères divorcés pratiquent depuis des années un intense lobbying pour rendre celle-ci obligatoire. Par ailleurs, mercredi 20 février aura lieu, toujours à Nantes, une manifestation organisée par SVP papa. Les coups d’éclats de ce weekend permettent à cet événement plutôt confidentiel d’être amené sur le devant de la scène. Les masculinistes passent donc à l’offensive, médiatiquement et politiquement.
Les complaisances médiatique et institutionnelle
Ceux-ci rencontrent un énorme écho dans les médias nationaux, qui ont tous largement relayé les évènements de ce weekend. Les thèmes des « droits des pères », des « pères en colère » ou encore de « la cause des pères » se retrouvent ainsi propulsés à la une. Comme pour le colloque de SOS hommes battus il y a quelques mois, qui n’a rassemblé que quelques dizaines de personnes, la couverture médiatique est surdimensionnée. Cela nous prouve une fois de plus que les hommes qui se plaignent bénéficient instantanément d’un large soutien, sous couvert d’ « originalité ». Les actions ont aussi bénéficié d’un fort soutien institutionnel. Christian Galliard de Lavernée, préfet de Loire-Atlantique, a ainsi passé quelques coups de téléphone au président du Tribunal de Grande Instance pour s’assurer que le dossier de Serge Charnay bénéficierait d’une requête expresse. Le préfet a aussi indiqué qu’il ne ferait pas intervenir les forces de l’ordre. Des personnes en lutte contre la construction de l’aéroport de Notre-Dame Des Landes ou des féministes qui protesteraient contre les violences faîtes aux femmes auraient-elles bénéficié d’autant de mansuétude de la part de Monsieur Galliard de Lavernée ? Enfin, le premier ministre Jean-Marc Ayrault, attiré par tant d’agitation dans « sa » ville, a demandé aux ministres de la Justice et de la Famille de recevoir SOS Papa chose qui fût faite dès Lundi 18 février. Ces larges soutiens médiatiques et politiques, nous montrent de manière consternante que le masculinisme est bien une facette de l’idéologie ambiante.
Les réalités sociales sur l’implication des pères
En réponse, rappelons simplement quelques réalités sociales. Lorsque certains pères se plaignent que « dans 80% des séparations, c’est la mère qui obtient la garde des enfants », ils oublient de dire que cela est à la demande des deux parents. Autrement dit, l’écrasante majorité des pères divorcés s’accomodent très bien de ne pas avoir à s’occuper de leurs enfants (nombreux d’ailleurs sont les pères revendicateurs qui se « découvrent » pères au moment du divorce, après avoir été très peu impliqués dans l’éducation des enfants auparavant). Dans les cas restants, quand il y a litige, celui-ci porte sur le montant de la pension alimentaire, que les pères trouvent trop élevé. Rappelons aussi que la résidence alternée est loin d’être la solution idéale qu’on nous dépeint, en particulier dans le cas de pères violents ou incompétents. Quant à savoir si, au final, dans le nombre infimes de pères de bonne foi qui auraient pû être « lésés », la Justice a agi de manière injuste, c’est fort possible. C’est aussi le cas lorsque des femmes violées doivent démontrer que ce ne sont pas elles les coupables. Elles sont des dizaines de milliers en France, quand les pères mécontents représentent tout au plus quelques centaines de personnes. La justice est effectivement sexiste, comme le reste de la société. Mais n’inversons pas les rôles : la « cause des pères » est, avant tout, la réaffirmation du pouvoir des hommes sur les femmes, les enfants, et l’ensemble de cette société.
Serge Charnay et Nicolas Moreno : des cas d’école des pères revanchards.
A titre indicatif, même s’il n’est pas indispensable de s’arrêter sur chaque cas personnel, il est intéressant de se pencher sur l’histoire de ces deux « pères en colère ». Pourquoi n’ont-ils pas la garde de leurs enfants ? Qu’ont à dire leurs ex-compagnes ? Des questions que peu de monde a pris la peine de se poser jusqu’à maintenant… Serge Charnay avait perdu le droit de garde, le droit de visite ainsi que l’autorité parentale (fait rarissime) après avoir disparu pendant deux mois et demi avec son fils, suite à un enlèvement perpétré avec violence. Il a pour cela été condamné à quatre mois de prison ferme. Il demande aujourd’hui l’annulation pure et simple de ces diverses décisions de justice. Nicolas Moreno est un plutôt un habitué des actions militantes de « droits des pères » : après une grève de la faim de trois semaines devant le tribunal de Valence, il organisait avec SVP papa un rassemblement devant tribunal de Grenoble le jour du procès où, en appel, il demandait la garde principale de ses enfants. Accusé par son ex-compagne de violences conjugales et maltraitance (accusations qu’il récuse), il ne supporte pas le fait que celle-ci ait choisi de déménager loin de chez lui. Rappelons enfin que l’association SOS papa, qui soutient l’action de Serge Charnay, propose aux pères divorcés des conseils juridiques pour payer moins de pension alimentaire ou faire réviser les jugements, y compris pour les hommes reconnus coupables de violences sur leur ex-conjointe ou sur les enfants.
Contrer ce mouvement dangereux dès maintenant !
A travers les actions de ce weekend et l’écho tristement favorable qu’elles ont rencontré, nous avons affaire à une montée en puissance du mouvement masculiniste. Il n’est pas étonnant de constater que celle-ci s’effectue par le biais de la « cause des pères », qui constitue un cheval de Troie particulièrement efficace. Il est de notre devoir de répondre immédiatement à cette percée et de stopper les avancées de toute idéologie réactionnaire, ce à quoi nous nous employons déjà. Pour nous aider, merci de faire circuler largement ce communiqué.
Collectif Stop Masculinisme, mardi 19 février 2013.
(1) Pour des précisions sur le mouvement masculiniste que, pour des raisons de place et de compréhension nous ne développerons pas ici, lire les brochures « Contre le masculinisme, petit guide d’autodéfense intellectuelle », « Un mouvement contre les femmes. Identifier et combattre le masculinisme » ou encore « La percée de la mouvance masculiniste en Occident », disponibles sur le site http://lgbti.un-e.org. Lire aussi l’ouvrage de Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri « Le mouvement masculiniste au Québec, l’antiféminisme démasqué », aux éditions Remue-ménage, 2008.
(2) Organisation anglo-saxonne de « droits des pères » particulièrement virulente, dont un des modes d’actions favoris consiste à escalader et occuper des bâtiments publics.

Vu sur Indymedia Nantes, 21 février 2013