Allô ? Non mais allô quoi. T’es ministre de l’intérieur et tu connais pas la loi ?

Allô ? Non mais allô quoi. T’es ministre de l’intérieur et tu connais pas la loi ?

Allô ? Allô ? Vous me recevez ? T’es ministre de l’intérieur et tu connais pas la loi ?  C’est comme si je te dis, heu… T’es socialiste et tu pourchasses les pauvres, non mais allô, quoi !  [1]

Dans un entre­tien accordé au Figaro le 14 mars 2013, Manuel Valls affirme : « La situa­tion, deve­nue into­lé­ra­ble, ne peut per­du­rer :  il faut faire res­pec­ter la loi en déman­te­lant le maxi­mum de camps de Roms insa­lu­bres… » [2]

En dési­gnant expres­sé­ment des per­son­nes par leur ori­gine eth­ni­que, le minis­tre de l’inté­rieur viole un prin­cipe fon­da­men­tal de la cons­ti­tu­tion fran­çaise. Ce n’est pas moi qui le dit, ni Nabila,  c’est la plus haute juri­dic­tion admi­nis­tra­tive fran­çaise. En mars 2011, le Conseil d’Etat avait en effet annulé la cir­cu­laire du 5 août 2010 qui ordon­nait aux pré­fets d’enga­ger une « démar­che sys­té­ma­ti­que de déman­tè­le­ments des cam­pe­ments, en prio­rité ceux des Roms ».

« Le Conseil d’État a annulé ce texte, en se fon­dant sur l’arti­cle 1er de la Constitution, qui pose le prin­cipe d’égalité devant la loi. Il a jugé que l’objec­tif, invo­qué par le minis­tre, de pro­tec­tion du droit de pro­priété et de pré­ven­tion des attein­tes à la salu­brité, la sécu­rité et la tran­quillité publi­ques, ne l’auto­ri­sait pas à mettre en œuvre, en méconnais­sance du prin­cipe d’égalité devant la loi, une poli­ti­que d’évacuation des cam­pe­ments illi­ci­tes dési­gnant spé­cia­le­ment cer­tains de leurs occu­pants en raison de leur ori­gine eth­ni­que. » [3] Allô, Monsieur, Valls, vous me rece­vez ? c’est illé­gal, I-LLE-GAL.  En France, on n’a pas le droit de dési­gner une mino­rité eth­ni­que et de dire ou d’écrire qu’on va cibler sa poli­ti­que contre cette mino­rité. Vous com­pre­nez ? Allô ? Allô ?

A l’époque de la cir­cu­laire eth­ni­que contre les Roms, un can­di­dat socia­liste à la Présidence de la République nommé François Hollande décla­rait dans l’émission C poli­ti­que sur France 5 qu’elle était « à la fois immo­rale et illé­gale ». « Elle est immo­rale parce qu’une com­mu­nauté est stig­ma­ti­sée en tant que telle » et elle « est illé­gale parce que c’est une dis­cri­mi­na­tion » en infrac­tion avec la Convention euro­péenne des droits de l’Homme. Il avait même ajouté : « Qu’en plus on veuille en faire une opé­ra­tion de com­mu­ni­ca­tion, ça dépasse tout ce que l’on pou­vait connaî­tre jusqu’à récem­ment dans la concep­tion de la République ». [4]

Harlem Désir, aujourd’hui pre­mier secré­taire du Parti Socialiste avait quant à lui demandé à la Commission Européenne : « d’enga­ger une pro­cé­dure d’infrac­tion à l’encontre du gou­ver­ne­ment fran­çais pour que ces­sent le trai­te­ment indi­gne et la stig­ma­ti­sa­tion inac­cep­ta­ble des citoyens euro­péens que sont les Roms ».

Allô ? Allô ? Où êtes-vous Monsieur Hollande ? Quelle est votre concep­tion de la République aujourd’hui ? Où êtes-vous Monsieur Désir ? Où sont-ils tous ces socia­lis­tes qui pous­saient des cris d’orfraie sous Sarkozy ? Vérité en deçà des élections, men­songe au delà ?

Même l’Europe s’était indi­gnée, avec le fameux « enough is enough » de Viviane Reding qui rap­pe­lait que cette poli­ti­que était digne des moments les plus som­bres de notre his­toire.  Manuel Baroso lui-même, Président de la Commission Européenne, avait déclaré : « Le res­pect de la dignité humaine, c’est une valeur sacrée pour l’Union Européenne »

Le mot « Rom » signi­fie « être humain » en romani.  Les Roms en France ne sont pas consi­dé­rés comme des êtres humains. Ils sont consi­dé­rés comme des chiens qu’on jette à coups de pieds, de matra­que et de gaz lacry­mo­gène d’un camp vers l’autre. [5]

Un docu­ment res­ti­tue par­fai­te­ment l’ambiance d’une expul­sion. On y cons­tate la détresse des per­son­nes expul­sées, le regard vide des enfants perdus qui ne com­pren­nent pas, la dis­pro­por­tion totale des moyens mis en œuvre avec la pré­sence mas­sive de poli­ciers, armés et équipés de gaz lacry­mo­gène contre des famil­les dont la moitié des mem­bres sont des enfants. On peut res­sen­tir les secondes qui durent des minu­tes, les minu­tes qui durent des heures et le temps qui s’écoule au ralenti.  Toute une vie à recons­truire avec pour simple bagage son enfant dans un bras et son cabas dans l’autre. Cela se passe en France socia­liste, en 2013, à Vigneux, dans l’Essonne. Ce n’est que le début d’une longue série.  La France est en train de deve­nir la honte de l’Europe dans le trai­te­ment raciste et dis­cri­mi­na­toire qu’elle inflige à la mino­rité eth­ni­que la plus impor­tante d’Europe pour des rai­sons pure­ment électoralistes. _
Vigneux-sur-Seine, 11 mars 2013 : http://youtu.be/DdoS2Sd4v_8.