Fin du plan grand froid dans la Vienne, et alors ?
Douze jours après que « la ministre du Logement Cécile Duflot a réaffirmé qu’aucune personne hébergée dans un centre d’urgence ne serait remise à la rue le 31 mars, moment où prend fin le plan hivernal (Duflot ne veut pas remettre les sans-abri à la rue Libération 5 mars 2013) nous avons encore eu la désagréable surprise de lire un communiqué de désinformation préfectorale qui cherche à justifier la remise à la rue illégale des personnes hébergées ces derniers jours. Voir : La fin du plan grand froid dans la Vienne NR 17/03/2013.
Franchement, si les lois étaient respectées, il ne serait pas utile de communiquer sur la « fin du plan grand froid dans la Vienne ». En effet, la loi ne prévoit-elle pas que « Dans chaque département est mis en place, sous l’autorité du représentant de l’Etat, un dispositif de veille sociale chargé d’accueillir les personnes sans abri ou en détresse, de procéder à une première évaluation de leur situation médicale, psychique et sociale et de les orienter vers les structures ou services qu’appelle leur état » (Article L345-2 du Code de l’action sociale et des familles) ? La loi ne prévoit-elle pas que « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence. Cet hébergement d’urgence doit lui permettre, dans des conditions d’accueil conformes à la dignité de la personne humaine, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l’hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d’hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d’être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l’aide justifiée par son état, notamment un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier » (Article L345-2-2 du Code de l’action sociale et des familles) ?
A moins que ce qui est sous entendu c’est que, si les personnes sont à la rue c’est parce qu’elles le veulent bien, où qu’elles ne sont pas informées des possibilités de l’hébergement d’urgence…. C’est ce que laisserait penser la suite de la propagande préfectorale : « Le numéro gratuit 115, reste accessible toute la nuit, et est en mesure de répondre aux demandes de conseil et d’orientation concernant toute personne se trouvant sans abri pour la nuit. »
Or, s’il est vrai que le numéro gratuit 115, reste accessible toute la nuit, il est SEULEMENT en mesure de répondre aux demandes de conseil et d’orientation concernant toute personne se trouvant sans abri pour la nuit, et n’y répond EFFECTIVEMENT que rarement. D’autre part il est écrit que le 115l est : « en mesure de répondre aux demandes de CONSEIL et d’ORIENTATION ». Or, lorsqu’on téléphone au 115, la loi prévoit dans un premier temps l’ACCUEIL et l’HEBERGEMENT. Les conseils et l’orientation c’est pour après, dans un second temps, lorsqu’on est au chaud et qu’on a mangé. Il en est de même lorsque la préfecture parle d’« IDENTIFIER les personnes se trouvant en difficulté », c’est nécessaire mais ce n’est pas suffisant. Il faut aussi les PRENDRE EN CHARGE.
Nous aimerions que la préfecture nous informe du taux de réponses négatives du 115 de la Vienne. En attendant, la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réadaptation sociale) qui a publié son « Baromètre hivernal du 115 – janvier 2013 » précise que « Les résultats du Baromètre 115 hivernal de la FNARS pour le mois de janvier 2013 montrent que les personnes sans-abri sont de plus en plus nombreuses à appeler le 115 et que les moyens déployés pour les héberger ne sont toujours pas à la hauteur des besoins ». Poitiers serait-elle la seule ville en France qui y échapperait ? Malheureusement non. Car nous apprenons sur la carte de la page 5 du rapport qu’en janvier dans le département de la Vienne entre 40% et 59% des demandes n’ont pas donné lieu à un hébergement pour « Absence de places disponibles »…
Quelques dossiers que le Dal86 a suivis :
– La première fois que des militants du DAL86 ont assisté à un appel au 115 c’était le 9 avril 2012. Le standardiste du 115 à répété plusieurs fois que « sur Poitiers il n’y a aucune solution ». VOIR – Le 22 décembre dernier au milieu de l’après-midi. Il s’agissait de trois familles, une mère et sa fille de 13 ans, un couple avec un enfant de 9 mois et un autre couple dont la femme de 18 ans était enceinte de 3 mois. La personne du standard du 115 a pris leurs noms et leur a dit qu’il n’y avait pas de place. L’un des militants du DAL86 a alors pris le téléphone et a insisté en appuyant sur le fait qu’il y avait un enfant de 9 mois, un autre de 13 ans et une femme enceinte qui étaient à la rue. La personne du standard du 115 a alors répondu qu’elle allait se renseigner et qu’il fallait rappeler dans une heure. Quand les personnes ont rappelé, la personne du standard du 115 leur a dit qu’il y avait des places mais à 20 km de Poitiers…Ils sont en passe d’être expulsés de la maison dans laquelle ils sont entrés pour se protéger. – David V. est un sans logis qui a été hébergé par le 115 la nuit de samedi 19 à dimanche 20 janvier à l’hôtel Ibis à Beaulieu et la nuit de dimanche 20 à lundi 21 janvier à l’hôtel Terminus à la gare. Lundi 21 janvier il a appelé le 115 qui lui a dit qu’il n’y avait plus de plan grand froid et que donc il n’aurait pas d’hébergement. M. du Tourniquet a même pris le téléphone et a insisté. Mais le 115 n’a rien voulu savoir. Quelques heures après S. du Relais Charbonnier à téléphoné et a insisté mais ce fût là aussi en vain. Ensuite, David V. a téléphoné au 115 entre 14h et 15h mardi 22, mercredi 23 et jeudi 24, et à 16h43 samedi 26 et ça a été très bref : on lui a dit qu’il n’y avait pas de place. David V. est aujourd’hui toujours à la rue. – Nous avons assisté à un appel téléphonique au 115 et l’avons enregistré, le mardi 19 février 2013, d’un couple avec une petite fille de 4 ans à la rue depuis 9 mois, et pouvons attester du refus de l’accueil d’urgence pour les héberger. Le standardiste du 115 a été très clair : « non, non il n’y a pas de place à Poitiers […] il y a plus de place déjà et puis il faut pas trop y compter, il n’y a que 3 places qui tournent pour les hommes donc on ne rajoutera pas de familles. Pour l’instant sur Poitiers on ne mettra pas de familles ». Et quand le père de famille a insisté en disant qu’il avait une petite fille de quatre ans, on lui a répondu « Moi je n’ai rien à vous proposer sur Poitiers [..] même quand il y a des enfants, ici il n’y a pas de budget, il n’y a pas de budget pour l’hôtel sauf s’il fait très très très froid, il y a un budget mais il n’y a pas de budget aujourd’hui... ». Cette famille avec sa petite fille est toujours à la rue.
– Nous avons assisté aux appels téléphoniques au 115, samedi 2 mars 2013 et dimanche 3 mars, d’un père de famille séparé qui est à la rue depuis quatre ans. Nous les avons enregistrés et pouvons attester du refus de l’accueil d’urgence pour l’héberger. Le standardiste du 115 lui a dit samedi 2 mars: « aujourd’hui j’ai pas de place, faut nous rappeler demain ». Et lorsqu’un des membres du DAL a retéléphoné le standardiste du 115 lui a répondu qu’il n’y avait pas de place ni pour ce monsieur ni pour personne d’autre. Et dimanche 3 mars : « non il n’y a pas de place ». Cette personne a obtenu un hébergement seulement les vendredi 8 mars et samedi 9 mars pour être virée les 10 et 11, puis être reprise le 13 et le 14, puis être encore viré les 15 et 16, puis être reprise le 17.
Or, d’après la loi du 25 mars 2009, toute personne hébergée doit l’être jusqu’à son relogement « toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir […] y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite » (Article L345-2-3 du Code de l’action sociale et des familles). Et il commence à y avoir une jurisprudence. En référé liberté, le tribunal administratif de Paris a rendu vendredi 11 janvier en fin d’après midi, un jugement, ordonnant au Préfet de région Ile de France, de reprendre le financement de l’hébergement hôtelier d’un père de famille et ses trois enfants, pour lesquels le 115 du Val d’Oise avait suspendu le financement depuis 3 jours. Selon le Tribunal, “… cette prise en charge ayant cessé … l’État a ainsi porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de Mr B. de se maintenir comme il en avait exprimé le souhait, dans une structure d’hébergement d’urgence … Le tribunal ordonne donc : “Il est enjoint au Préfet de région Ile-de-France et de Paris, de proposer une orientation à Mr M.B. Dans un délai de quinze jours, à compter de la notification de l’ordonnance, au sens des dispositions de l’article L. 345-2-3 du code de l’action sociale et des familles.” VOIR
Les personnes hébergées ces derniers jours aurait dû bénéficier d’« une première évaluation médicale, psychique et sociale » et d’une première orientation « vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de leur apporter l’aide justifiée par leur état, notamment un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier ». Non seulement cela n’a pas été fait mais ces personnes sont de nouveau à la rue. Plus que réaffirmer « qu’aucune personne hébergée dans un centre d’urgence ne serait remise à la rue le 31 mars », Cécile Duflot ne devrait-elle se préoccuper prioritairement des personnes qui ont été cet hiver, et qui sont encore aujourd’hui, refusées par le 115 ou qui ont été hébergées et qui ont été remises à la rue ?
Il faut que l’État arrête de chercher à se donner bonne conscience en déclenchant des plans grand froid et se donne les moyens de respecter les lois qu’il s’est donné à lui-même. C’est-à-dire de mettre en place un véritable service d’hébergement et de logement comme la loi le stipule.
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Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h et tous les mardis soirs de 17h à 18h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers
Vu sur DAL 86, 18 mars 2013