NdPN : nous relatons ici deux textes dénonçant l’attitude de l’ACIPA après les affrontements de lundi sur la ZAD. Pour les propos incriminés, voir les deux premiers articles de la presse bourgeoise sur ce lien. En résumé, les uns accusent les autres de diviser le mouvement, et réciproquement. Nous ne les renvoyons pas dos à dos : les divergences sont bien réelles et elles sont profondes, et les propos de J. Durand sont inacceptables. Néanmoins, plutôt que de se poser la question de savoir qui divise, devrait peut-être se poser la question de savoir à qui cette division profite. Ainsi que le propose le second texte, il s’agit de lutter avec ces divergences, mais autrement qu’en suscitant la division.
Contre l’Acipa, la CHC et son monde héliporté
Après plus de quatre mois d’occupation militaire du carrefour de la Saulce, le départ des gendarmes mobiles dans la nuit du vendredi 12 avril laissait espérer la fin de ce checkpoint permanent en centre-ZAD. Pendant le week-end, des individu-es ont mis en place des chicanes pour empêcher le retour prévisible des gendarmes. Le lundi matin, les forces répressives ont attaquées le carrefour, blessant une quinzaine de personnes à coups de grenades offensives et de flashballs. Le jour même, une dizaine de rassemblements de solidarité ont eu lieu partout en France [« Suite aux violents affrontements de lundi entre les forces de l’ordre et opposants à l’aéroport de NDDL, une dizaine de personnes se sont réunis à 18h devant la préfecture à Lons. 4 policiers et 1 RG étaient également là (…) » – Mailing du collectif Jura Nddl « Sauvons l’avenir, sauvons nos terres », NdJL]. Le président de l’Acipa, Julien Durand, a choisi de se dissocier totalement de cette action en publiant un communiqué accusateur [« L’ACIPA et l’ADECA regrettent que des tranchées aient été creusées sur la seule route encore utilisable normalement, offrant un prétexte à l’affrontement et entraînant l’escalade de la violence de part et d’autre. » (communiqué du 15 avril 2013)] et à travers des déclarations dans la presse [L’ACIPA condamne ces « comportements violents et inutiles qui vont entraver l’amorce de dialogue qui se dessinait avec les pouvoirs publics » (Libération, 15 avril 2013)]. Celui qui a fait son beurre médiatique et politique à l’automne 2012 sur l’expulsion des squatteurs et toutes les résistances qui s’en sont suivies, prévoit désormais l’abandon du projet et cherche à négocier avec l’État. Pour rendre ce rôle légitime et préparer un soi-disant retour à la normale, il doit taper plus fort que la préfecture. Il reprend les arguments policiers à son compte en niant l’occupation militaire qui rend impossible la vie des habitant-es de la ZAD et en présentant quelques chicanes comme une entrave à la libre circulation des capitaux agricoles.
Il faut en finir avec ce mythe des opposant-es historiques et du respect qui leur serait dû. Pendant plus de trente ans, ils et elles n’ont connu-es qu’échec sur échec. Nous ne reconnaissons aucun droit d’aînesse sur la ZAD. Depuis l’arrivée des squatteuses et des squatteurs, la lutte a changé de nature : il ne s’agit plus de s’opposer uniquement à la construction d’un aéroport pour préserver quelques hectares de terres agricoles polluées par les pesticides et les engrais chimiques, mais de se réapproprier collectivement les terres, les maisons, et tenter de libérer ce territoire de l’emprise étatique et de la propriété privée.
L’Acipa et les autres bureaucrates souhaitent organiser une chaîne humaine pour « enterrer le projet ». Mais ce qu’ils souhaitent vraiment enterrer, ce n’est pas le projet mais tout ce qui a pu émerger dans la lutte et qui s’éloigne de leur vision normalisée de la vie. La chaîne humaine, nous l’avons déjà faite spontanément le 17 novembre et elle a permis la construction de la Chat-teigne. Les récupérateurs déploient, quant à eux, toute une usine à gaz pour organiser leur grand projet inutile et imposé de Chaîne Humaine Citoyenne (CHC). À la manière d’une grande entreprise centralisatrice et rentable, elle donne des directives, liste les slogans autorisés [D’autant plus qu’ils sont imbéciles et enfermés dans une rationalité économique pro-capitaliste (par exemple : « Fragilisation de l’usine Airbus Bouguenais »)], planifie la fabrication de panneaux à partir d’un site pilote et contrôle leur diffusion en instaurant une procédure bureaucratique : toute implantation doit avoir l’aval du Comité central.
Dans leur délire spectaculaire, ils ont décidés de louer avec l’argent des dons, un hélicoptère pour les journalistes après avoir même projeté d’utiliser des drones pour produire des images de leur rassemblement. Pour une fois que l’hélicoptère de la gendarmerie ne survolera sans doute pas la ZAD, on aura le droit à celui des bureaucrates. Lorsque des individu-es se sont publiquement opposé-es à l’hélicoptère, il leur a été répondu, dans une langue de bois politicarde que le projet était déjà trop avancé et qu’il était trop tard pour revenir dessus.
Contre les bureaucrates, la pacification et la récupération, Déchaînons-nous !
Contre la CHC, 17 avril 2013
Vu sur le Jura Libertaire, 18 avril 2013
Combien de blessés faudra-t-il encore ?
Suite aux affrontements de lundi, Julien Durand, lors d’un entretien avec un journaliste de Libération ( http://www.liberation.fr/terre/2013/04/15/les-opposants…96465 ) crée un clivage de plus entre divers types d’opposants à l’aéroport. Les classifiant au passage pour créer une dichotomie entre légitimes et non-légitimes.
Pire, il accuse, ceux qui se défendent face aux violences policières dont les méfaits ne sont plus à démontrer, de vouloir nuire à la lutte : « C’est de la provocation ! Une petite équipe de manipulateurs tente de faire dégénérer le mouvement d’opposition ! ».
Par ailleurs, avec une mauvaise foi inacceptable, il oublie l’opération Yes chicanes ! et tout le travail de ceux qui tiennent les routes pour que les riverains puissent circuler au mieux tout en protégeant la zone : « Les opposants historiques ont alors tenté d’expliquer que cette route, la seule restant en circulation libre dans la ZAD, est indispensable au travail des riverains et des paysans. «Manipulés par quelques agitateurs irresponsables, ils n’ont rien voulu entendre», déplore le porte-parole. »
Quels opposants historiques ? Qu’est-ce que cela veut dire « opposants historiques » ? Ceux des opposants qui subissent depuis des années les violences des gendarmes mobiles perdent-ils leur ancienneté lorsqu’ils se défendent ?
En outre, cette route n’est pas en « circulation libre » puisque le carrefour est constamment occupé par les forces de l’ordre depuis novembre 2012. Forces de l’ordre qui appliquent des ordres qu’eux-mêmes ne sont pas capables d’expliquer tant ils sont ineptes.
Quel est ce jeu opéré par Julien Durand, un jeu de communication pour tirer la couverture à soi et valoriser sa position tout en crachant sur ceux, qui au mépris des risques de blessures, d’arrestations arbitraires protègent « son territoire », la lutte. C’est utiliser certains occupants comme chair à canon et simultanément, se dégager de tout risque de conséquences. C’est obscène.
Si personne n’avait résisté lors des affrontements de novembre, Julien Durand pourrait-il encore aujourd’hui parler de cette lutte, être encore en lutte ?
Faut-il rappeler à Julien Durand la longue liste de blessés sur la zone ? Faut-il rappeler que lutter contre l’aéroport et son monde, c’est lutter contre les violences policières, l’usage de ces armes dites non-létales dont l’État français fait désormais un commerce florissant qui s’exporte partout dans le monde ?
Il parle en son nom, sous couvert de son statut de porte-parole de l’Acipa pour légitimer sa parole. N’est-ce pas, justement, de la manipulation ?
L’intelligence de la lutte n’est pas la création de dissensions entre diverses modalités d’opposition. Et pourtant, trop souvent, certains font ce jeu du clivage sans reconnaître l’importance de chacun, sans reconnaître comme les différences des uns et des autres sont riches pour répondre à l’arbitraire de l’État sur tous les fronts.
Julien Durand veut-il que nous soyons blessés pour lui, veut-il que nous soyons emprisonnés pour lui ? Veut-il que nous nous couchions devant les gendarmes mobiles pour lui ? Veut-il faire le jeu de l’État qui diabolise les opposants en les désignant comme « professionnels de la violence », « terroristes » et autres qualificatifs ineptes ?
Il n’est pas question de dichotomie entre résistance pacifique ou pas, il est question de défense, de sauvegarde. Combien de blessés faudra-t-il encore pour que lui, qui ne vit pas chaque jour en subissant les provocations policières, les humiliations, comprenne que la résistance peut prendre plusieurs formes ? Combien d’éclats de grenades dans les chairs de ceux qui luttent à ses côtés faudra-t-il pour qu’il comprenne qu’il y a une différence notoire entre défense et attaque ?
Il n’est pas question de faire le jeu des forces de l’ordre qui font perpétuellement cette puérile inter-accusation cherchant qui a commencé, mais seulement de comprendre que la violence d’État est inacceptable.
Vu sur Indymedia Nantes, 17 avril 2013