[Poitiers] Avec Le Crédit Lyonnais, « demandez plus à votre banque »… sauf si vous êtes jeune et noir

NdPN : petit florilège des slogans du crédit lyonnais au cours de ces vingt dernières années : « Le pouvoir de dire oui » (Début des années 1990), « Votre banque vous doit des comptes » (1994), « Aujourd’hui, qui peut se passer d’une bonne banque ? » (2003)… celui de 2012, toujours en cours, mérite aussi qu’on s’y attarde : « Demandez plus à votre banque » (2012). Arrêter de discriminer les jeunes et les migrant-e-s, en voilà une idée !

 » Faut arrêter d’ouvrir des comptes aux Blacks à Poitiers « 

Les propos “ maladroits ” du directeur régional du Crédit Lyonnais en Poitou-Charentes, tenus en marge d’une réunion paritaire, ont ému la CGT.

Il faut arrêter d’ouvrir des comptes aux Blacks à Poitiers. La phrase a été lâchée par le directeur régional du Crédit Lyonnais (LCL) en Poitou-Charentes, Olivier Chasseriaud. C’était le 24 septembre dernier, en marge d’une réunion du CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Elle n’a pas été rapportée dans le compte rendu de la réunion. Mais elle a ému la représentante de la CGT, qui a alerté ses cadres.

«  Une expression tout à fait inappropriée  », reconnaît le directeur

En décembre, le délégué syndical national CGT, Jean-Philippe Lambs, s’est fendu d’un courrier au banquier poitevin pour lui demander des explications. La réponse est arrivée le 14 janvier. En préambule, Olivier Chasseriaud s’y dit personnellement étranger à toute forme de racisme et d’intolérance, mais confirme qu’il a employé « avec une totale maladresse, une expression tout à fait inappropriée ». Sur la forme, le directeur régional rappelle qu’il s’agissait « d’une discussion à bâtons rompus ». Sur le fond, il explique que la discussion portait sur l’ouverture de comptes bancaires aux étudiants étrangers qui ne restent que quelques mois sur le territoire français, ce qui représente « la majorité des ouvertures de comptes sur Poitiers ». Une situation qui lui pose une double problématique : « L’exposition au risque de contrepartie et l’impact en matière de PNB pour notre établissement ». Il ajoute que le fait que les étudiants d’origine africaine soient nombreux à Poitiers l’a conduit à prononcer cette phrase. Et assure « qu’elle ne recouvre aucune démarche discriminatoire de ma part ».

Une plainte au pénal ?

Joint au téléphone, l’intéressé n’a pas souhaité nous en dire plus : « On s’est expliqué, ça s’est solutionné. » Sauf que la CGT ne veut pas en rester là. Dans un tract diffusé auprès des salariés de LCL pour le Sud-Ouest, le syndicat remet en cause la politique commerciale de l’entreprise envers les étudiants. Le « dérapage du DR » ne serait que la conséquence d’une recherche toujours plus forte de profits : « S’il faut écarter les étudiants étrangers, alors il faut revoir les objectifs qui ont été donnés aux commerciaux. » Sur un autre terrain, à Poitiers, le secrétaire de la CGT du Crédit Lyonnais, Alain Bozier, compte quant à lui saisir le procureur de la République pour dénoncer « des propos discriminatoires ».

à chaud

La direction parisienne de LCL reconnaît « le propos maladroit » de son directeur régional. Chargé des relations avec la presse, Olivier Tassain explique le contexte : « Une agence du périmètre (NDLR : à Poitiers, donc) a été victime de plusieurs découverts qui n’ont pas été régularisés, sur des comptes d’étudiants étrangers qui avaient quitté la France. Aucune consigne discriminatoire n’a été donnée, mais nous avons décidé d’être plus attentifs aux ouvertures des comptes. Quand on ferme des comptes à perte, ça pénalise tous nos clients au final. »

en savoir plus

Peut-on refuser d’ouvrir un compte ?

La législation est claire. Toute banque peut refuser d’ouvrir un compte sans avoir à se justifier. En revanche, elle doit informer le demandeur de la possibilité de saisir la Banque de France pour bénéficier de la procédure « droit au compte ». La Banque de France peut ensuite contraindre un établissement bancaire à ouvrir un compte muni des services bancaires de base, notamment une carte à autorisation systématique.

Philippe Bonnet, Nouvelle République, 20 mai 2013