[Poitiers] Comment une loi divise plus que jamais les étudiants du travail social

NdPN : Hier vendredi, étudiant-e-s et formateurs-trices se sont rassemblé-e-s devant l’IRTS pour protester contre une loi en apparence sociale (tou-te-s les stagiaires doivent être rémunéré-e-s durant leurs stages), mais discriminatoire au sens où, compte tenu de l’obligation d’effectuer un stage, nombre d’étudiant-e-s sont menacé-e-s de ne plus pouvoir obtenir la validation de leur année. Evidemment, les institutions de l’Etat prétendent n’avoir pas assez de sous pour prendre à sa charge cette fameuse rémunération. Contraindre sans budgéter, discriminer de fait au nom de l’égalité sociale : voilà une belle illustration de la gauche  au pouvoir.

Voici un tract issu du collectif étudiant concernant la gratification des stagiaires. Il est suivi d’un article rédigé pour ce blog par une étudiante.  Lutte à suivre !

Appel à la mobilisation 

Nous venons à vous suite à la loi 2013-660 du 22 juillet 2013 : celle-ci stipule que tous les stages de deux mois ou plus doivent être rémunérés pour les stagiaires qui sont gratifiables. Le problème réside dans le fait que les institutions n’ont pas de ligne budgétaire pour cela. Il en résulte qu’actuellement les structures annulent les stages prévus les uns après les autres, dès lors que le stagiaire est gratifiable.
Jusque-là, les collectivités territoriales et la fonction publique hospitalière n’étaient pas obligées de gratifier les stagiaires. Mais depuis juillet, elles y sont aussi soumises.

Actuellement, à l’I.R.T.S. du Poitou-Charentes, 33 % des étudiants en formation d’Éducateurs de Jeunes Enfants sont concernés, dont 67 % en 1ère année.

MAIS tous les étudiants sont concernés, quel que soit le secteur d’activité.

Tous ceux qui devraient finir leur cursus cette année risquent de ne pas pouvoir être diplômés, faute d’avoir validé leurs heures de stage. Les autres risquent une impossibilité de poursuivre leur formation, faute de lieux d’accueil.

N’hésitez pas à inviter vos collègues de formation, vos connaissances et toute personne susceptible d’être concernée.

Vous pouvez aussi rejoindre le groupe « Collectif étudiant concernant la gratification des stagiaires » sur Facebook.

Poitiers, le 14 septembre 2013

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Comment une loi divise plus que jamais les étudiants du travail social

Je souhaite éclaircir la situation aberrante qui frappe nombre d’étudiants travailleurs sociaux, de la formation professionnelle et de l’université. Ma position est celle d’une étudiante éducatrice de jeunes enfants, de l’Institut Régional du Travail Social de Poitiers.

Formateurs et nous, étudiants, avons reçu un coup de massue cette semaine. En effet, un appel téléphonique du C.H.U. a mis le feu aux poudres en annonçant le blocage d’un stage d’une étudiante éducatrice de jeunes enfants, prévu fin septembre en pédiatrie.

Réunis d’urgence le jeudi 12 septembre par l’équipe des formateurs, nous – étudiants de toutes les filières du social – avons appris les enjeux de la loi 2013-660 du 22 juillet 2013. Elle stipule que « lorsque la durée de stage au sein d’une même entreprise, administration publique, assemblée parlementaire, assemblée consultative, association ou au sein de tout autre organisme d’accueil est supérieure à deux mois consécutifs (…), le ou les stages font l’objet d’une gratification versée mensuellement 1»

À travers cet appel à la mobilisation, nous dénonçons cette loi « d’égalité des chances », aberrante dans son application. Elle oblige, à partir de janvier 2014, les structures publiques et privées à gratifier les étudiants stagiaires concernés (436,05 € par mois pour 35 heures hebdomadaires). Bien évidemment, les établissements n’ont pas le budget nécessaire.

Cette loi conduit donc à une discrimination entre les étudiants bénéficiant d’une rémunération de la part de Pôle Emploi ou de la région (les non-gratifiables),  et ceux qui n’y ont pas accès (les gratifiables). Ces derniers se voient déjà, comme en témoignent de nombreux étudiants à l’échelle nationale, renvoyés de leurs lieux de stages parce qu’ils sont gratifiables.

En tant que non-gratifiable, je me sens tout de même menacée par cette loi. Futurs travailleurs sociaux, nous connaissons déjà les contradictions entre les décisions institutionnelles et nos valeurs. Comment ne pas se sentir écartelés entre la volonté d’être solidaire avec nos camarades, et le désir de poursuivre coûte que coûte une formation dans laquelle nous avons investi une part considérable de nos temps, énergie et argent ? Comme le souligne Elsa Melon, présidente de l’Association Nationale des Assistants de Service Social : « la précarité des étudiants en travail social s’est déjà largement renforcée depuis ces dix dernières années. Inutile de rappeler que les formations se déroulent sur trois années complètes à temps plein (alternance de la formation pratique et théorique sur un total de 3530 heures), ce qui rend quasiment impossible le cumul d’une activité professionnelle complémentaire ».

Tenus en laisse par Pôle Emploi pour ainsi dire, nombre d’entre les non-gratifiables s’inquiètent sur l’impact d’une grève ou d’un blocage des stages. Pas de présence en formation, pas de rémunération. Et quelle rémunération ! Tout juste de quoi se nourrir, se loger et payer les frais de formation.

Nous nous sentons divisés face à une loi égalitariste qui met en péril nos formations. Inutile de préciser que les stages sont cruciaux dans la validation des diplômes d’état (éduc’ spécialisé, éduc’ de jeunes enfants, assistants de service social etc.).

Vendredi 13 septembre, une partie des étudiants de l’I.R.T.S. ont exprimé leur désarroi en cris, slogans et chants au sein de l’institut, réclamant ce en quoi la direction de l’I.R.T.S est responsable : l’accès aux stages pour chaque étudiant. Ce même jour, la direction de l’I.R.T.S. de Poitiers s’est engagée auprès de l’équipe des formateurs et des étudiants à informer tous les lieux de stage de la loi et ses effets. Elle s’est également engagée à interpeller la Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale.

Sous le regard ébahi des formateurs et délégués des étudiants, la direction a annoncé avoir pris connaissance de cette loi en juin dernier. Les formateurs, chargés de la prospection des stages, ont été quant à eux informés fin août. Certains d’entre eux, comme dans d’autres régions, se sont positionnés pour un détournement de la loi. Autrement dit : ne pas informer le lieu de stage de son obligation de gratification. Or, une convention de stage peut être dénoncée et ne nous protège aucunement d’un renvoi pur et simple du stage.

À l’heure actuelle, nous nous mobilisons afin d’alerter le gouvernement sur cette situation qui met en péril l’avenir des professions du travail social. La responsable de la ludothèque des Couronneries nous a informés de la réunion d’urgence des responsables des lieux d’accueil Petite Enfance au Centre Communal d’Action Sociale de Poitiers, le lundi 16 septembre prochain. Nous attendons fébrilement la réaction de la D.R.J.S.C.S.

1Article L612-11 du Code de l’éducation, modifié par la loi n°2013-660 du 22 juillet 2013, article 27