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Ta gueule, Bernard Thibault

paru dans CQFD n°94 (novembre 2011), rubrique , par Sébastien Fontenelle
mis en ligne le 29 décembre 2011

J’étais là, peinard, en train de fumer une clope et de siroter un Coca, rien de vraiment brutal, quoi, et tout d’un coup je me suis dit, allez, zou, soyons fous, je vais carrément regarder le jité de France 3 – et sur qui je tombe, au jité de France 3 ?

Je tombe sur François Fillon, qui s’est fait le compassé faciès du gars qui vient t’entretenir du décès d’un(e) proch(e) pour nous annoncer que, la situation étant ce qu’elle est (criseuse comme c’est pas permis), va (encore) falloir qu’on se serre de quelques supplémentaires crans la ceinture (non, pas vous, mâme Bettencourt), à moins qu’on ne veuille faire faillite, comme des vulgaires Grec(que)s – et qu’il va donc augmenter la TVA sur tout (sauf sur les pâtes, le gars n’est pas non plus complètement nazi), et qu’il va, surtout, « accélérer l’application de la réforme des retraites de 2010 » (comme ils disent – fort bien – chez Le Nouvel Obs), et jusque là, tout va bien, je ne m’énerve pas : je veux dire que je ne m’énerve pas plus que d’habitude, quand j’hurle, de rage, par la fenêtre, qu’il serait quand même temps, putain de bordel de merde, qu’on réalise que ces gens-là nous font une guerre totale – de classe, d’accord, mais totale –, et qu’on les prenne enfin « aux cheveux », comme dans un bouquin de Jean-Luc Mélenchon, ne serait-ce que pour leur apprendre deux, trois règles de politesse élémentaire, du style, non, vous ne pouvez pas continuer à sauter à pieds joints sur la gueule des pauvres pour mieux nantir vos déjà nanti(e)s commanditaires.

Bref : je reste calme, mais voilà qu’apparaît Bernard Thibault – Charden, sans son vieux complice Jaune, de la CFDT, mais avec, toujours, ses extravagants veuches –, et voilà que Bernard Thibault déclare qu’il n’est pas du tout content de l’accélération de la réforme des retraites de 2010, qui l’avait déjà, par elle-même, et en son temps, grandement marri – et que si ça continue comme ça, François Fillon finira par instaurer la retraite à soixante-dix ans, « si on ne fait rien ».

C’est là – juste là, juste quand Bernard Thibault a lâché ce « si on ne fait rien » – que j’ai pour de bon pété un plomb, parce qu’en vrai, qu’est-ce qu’il a fait, Bernard Thibault, pour empêcher la réforme des retraites de 2010, dont il caquète aujourd’hui qu’elle l’a considérablement mécontenté ?

Rien, justement.

Il a obstinément refusé d’appeler à la grève générale – un truc un peu sérieux, qui aurait paralysé le pays jusqu’à ce que François Fillon retire son projet : il s’est contenté d’organiser, avec Jaune, de grotesques « journées de mobilisation », totalement inefficaces, et qui faisaient hurler de rire le gouvernement et le patronat, et qui faisaient pâmer l’édito-de-mes-couilles-cratie, où l’on trouvait délicieux que Bernard Thibault se montrât si raisonnable.

Il a fermé sa petite gueule, Bernard Thibault, quand le régime a réformé les retraites : il a laissé faire, préoccupé qu’il était de s’acheter une respectabilité.

Alors ce qu’il devrait maintenant faire, c’est qu’il devrait continuer à la fermer. À double tour.

 

 

 

 

 

 CQFD, 29 décembre 2011

Pacifisme ?

J’ai trop entendu de pacifistes dire que la violence ne faisait qu’engendrer la violence. Ce n’est manifestement pas vrai. La violence peut engendrer bien des choses. La violence peut engendrer la soumission, comme quand un maître bat son esclave ( certains peuvent finalement se révolter, dans ce cas la violence engendrera plus de violence ; mais certains se soumettent pour le reste de leur vie, et comme nous le voyons, certains vont même créer une religion ou une spiritualité qui tente de tourner leur soumission en vertu, comme nous le voyons également ; certains écriront et d’autres répèteront que la paix la plus désavantageuse est meilleure que la guerre la plus juste ; certains parleront de la nécessité d’aimer son oppresseur ; et certains diront heureux sont les dociles car ils posséderont ce qui restera de la terre). La violence peut engendrer un gain matériel, comme quand un voleur ou un capitaliste vole quelqu’un. La violence peut engendrer la violence, comme quand quelqu’un attaque quelqu’un d’autre qui riposte. La violence peut engendre une cessation de la violence, comme quand quelqu’un repousse ou tue un assaillant (et c’est totalement absurde et insultant de dire qu’une femme qui tue un violeur engendre plus de violence).

[…]

Derrick Jensen, Endgame part.2, traduction par Les Lucindas

Lire la suite ici : http://derrickjensenfr.blogspot.com/2011/12/pacifisme-part-2.html

La nationalisation des banques est fondamentalement une politique nationaliste (2009)

La nationalisation des banques est fondamentalement une politique nationaliste (2009)

Traduction par nos soins d’un article de Paddy Hackett, communiste irlandais, publié le 7 septembre 2009 sur Indymedia Ireland.

La nationalisation des banques dans l’économie d’un pays est fondamentalement une politique nationaliste. Le nationalisme et la nationalisation des banques sont une seule et même chose. C’est pourquoi le programme Eire Nua du Sinn Fein, si ma mémoire est bonne, pourrait volontiers appeler à la nationalisation des banques. Ce n’est pas une position communiste révolutionnaire.

Les communistes sont internationalistes et défendent la socialisation des forces productives sur une base mondiale. Par conséquent, ils ne défendent pas les solutions nationalistes aux problèmes mondiaux. Nationaliser les banques est une politique qui peut être réalisé dans le cadre du capitalisme. Ce n’est pas une politique communiste. La nationalisation des banques ne signifie pas nécessairement résoudre les problèmes de la classe ouvrière. Les banques peuvent être nationalisées et pourtant ne parviennent pas à satisfaire les besoins les plus élémentaires et évidents de la classe ouvrière. Les banques nationalisées peuvent être tout aussi impitoyables et sans merci dans leurs relations avec leurs clients issus de la classe ouvrière que toute banque privée. Il y a déjà eu des entreprises d’État dans la production qui ont échoué à satisfaire la classe ouvrière. Ceci parce que, comme toutes les entreprises capitalistes, elles sont assujetties à la loi de la valeur.

Même avec une nationalisation du système bancaire, les banques doivent encore observer les lois du capitalisme. Sinon, elles se retirent des affaires. Elles ne peuvent pas, simplement parce qu’elles sont nationalisées, transcender la loi de la valeur. Une banque nationalisée est même parfois la solution préférée de la bourgeoisie ou du moins d’une section de celui-ci. Les banques nationalisées sont toujours liées à la monnaie, au capital sous forme monétaire. De même, elles regroupent les opérations de crédit. Elles sont indissolublement basées sur la relation d’argent. Cette relation monétaire est elle-même basée sur la circulation des marchandises et en particulier la circulation du capital sous forme de matières premières. La circulation du capital marchandise est à son tour, enracinée dans le processus de valorisation. Ainsi le système bancaire implique le processus de la reproduction capitaliste.

Les banques d’État sous contrôle ouvrier, c’est un paradoxe. En raison de leur nature, les banques d’État ne peuvent jamais être authentiquement sous contrôle ouvrier. C’est comme dire que le capitalisme peut être sous contrôle ouvrier. Si les banques peuvent être soumises au contrôle démocratique de la classe ouvrière, le capitalisme le pourrait. Le communisme ne serait donc pas une nécessité historique. Le capital, par sa nature même, empêche son assujettissement au contrôle des travailleurs. Le trotskysme, avec le programme de transition de 1938, a fait de la nationalisation sous contrôle ouvrier une part importante de son programme. Le programme de transition de 1938 tente d’aller au-delà du cadre d’un programme minimum / maximum. Mais c’est un programme imparfait qui ne fait que renforcer la confusion au sein du mouvement ouvrier. Il peut y avoir que des programmes communiste.  Un programmes communiste consiste toujours à dire très clairement que le communisme est le but. Le communisme implique nécessairement une société sans Etat et sans classes.

Les communistes ne peuvent favoriser que les relations sociales communistes, qui sont, par définition, celles qui transcendent les rapports du capital: les relations bancaires, les relations d’argent et des relations de valeur en général. Les relations communistes se heurtent à l’existence de banques et de la valeur d’échange qu’elles expriment. Les relations communistes constituent l’antithèse des relations bancaires qu’elles soient privées ou publiques. Les premières sont des relations directement visibles alors que les autres sont des relations de la réification. Par conséquent les marchandises ne peuvent pas exister sous le communisme. Les produits ne peuvent pas prendre la forme de marchandises dans les rapports communistes. Ils sont juste des produits. En conséquence de l’argent et les banques sont superflus. Tout est produit et distribué conformément aux décisions démocratique de la communauté.

Même quelques figures de la gauche stalinienne et trotskyste sont conscientes que toute nationalisation des banques effectué par le gouvernement irlandais dans les conditions actuelles n’est pas la nationalisation au sens où Lénine et Trotsky l’entendaient. Certains appellent ça une nationalisation bidon. Dan La Botz le dit dans Monthly Review:

« Les nationalisations de banques dans la réalité, n’ont été habituellement qu’une simple étape dans les cycles d’expansion-récession de l’économie moderne, une période où l’État apporte son soutien à la finance pour traverser les moments difficiles, et une fois la situation rétablie, l’Etat les rend à ses propriétaires privés afin qu’ils puissent continuer à récolter les fruits de la richesse, plus les intérêts.  »

Je termine ce billet par une citation d’Engels:

« Mais on a vu récemment, depuis que Bismarck s’est lancé dans les étatisations, apparaître certain faux socialisme qui même, çà et là, a dégénéré en quelque servilité, et qui proclame socialiste sans autre forme de procès, toute étatisation, même celle de Bismarck. Évidemment, si l’étatisation du tabac était socialiste, Napoléon et Metternich compteraient parmi les fondateurs du socialisme. »

La Bataille Socialiste, traduit par Lucien

[Poitiers] Livraison web Epine Noire de noël 2011

Livraison web Epine Noire de noël 2011

Décembre 2011

Le numéro 0 de ce journal date de février 2011… À ce moment-là, des peuples, de l’autre côté de la Méditerranée, commençaient à ébranler l’ordre établi depuis bien trop longtemps. Cependant, tout est fait pour endiguer les élans d’émancipations populaires et révolutionnaires, depuis la région minière de Gafsa jusqu’à la place Tahrir, au Caire, en passant par la ville Benghazi. Et ce par tous les moyens : par des interventions militaires de puissances occidentales comme la France, ou par les élections qui scellent le mariage entre la domination du capital et de l’islam partidaire.

Cette période de frénésie consumériste aux Cordeliers, pour les fêtes de fin d’année, est marquée par la mainmise des bureaucrates de Bruxelles. Comme le disait Henri Lefebvre, « chaque bureaucratie aménage (s’aménage) son espace. Elle le jalonne, elle le marque. Il y a l’espace fiscal, l’espace administratif, l’espace juridique ».

Fini les séducteurs et le spectacle à la Berlusconi, voici venu le temps de l’austérité des cravates ! Et de deux injonctions : sauver la monnaie européenne et les banques de la crise, et mettre en place des gouvernements d’union nationale comme en Italie ou en Grèce – qui voit l’extrême droite au pouvoir aux côtés de la gauche de gestion. Parallèle sordide mais évocateur : ça rappelle la période de l’«union sacrée» d’avant la première boucherie mondiale, qui sonna le glas des luttes contre le capital pour un long moment. C’est, en quelque sorte une version moderne du sabre et du goupillon : la Police et l’Économie.
L’alliance de classes demandée par la bourgeoisie est remise en cause chaque jour – par exemple par les prolétaires chinois ; ou ici même, en Poitou-Charentes, par des salariés lorsqu’ils et elles voient des usines fermer, des emplois être supprimés (comme à Aubade, New Fabris, Valeo, à la Snecma ou aux Fonderies du Poitou).
Encore une fois seront évoqués et décortiqués ici les processus et dispositifs répressifs mis en œuvre contre toute tentative pour ne pas se résigner à cet ordre capitaliste et marchand qui n’hésite pas à parer de vert ses villes pour masquer la réalité de sa logique : le profit.

Noël ne sera pas, pour nous, placé sous le signe de la fête, mais pas non plus sous celui de la défaite. Que ce soit par rapport aux projets de rénovation urbaine « Cœur d’agglo » – au centre des stratégies du groupe Vinci – et de construction de la LGV ; contre l’enfermement ; ou contre le nucléaire, ce colosse de l’énergie mortifère qui induit une société avec une présence accrue de flics dans les rues et les transports publics (voir celle des CRS au marché de Noël à Poitiers).

En passant, une pensée aux inculpé-es de la guerre sociale en cours…

Bref, décidément, s’il était largement temps que sorte ce nouveau numéro, ce ne sera en tout cas jamais trop tard.

A consulter ici :

http://epinenoire.noblogs.org/files/2011/12/EN1_journal.pdf

L’Epine noire, 25 décembre 2011

[Washington] Petit pas vers une alternative pour les retraité-e-s ?

A Washington, les seniors s’organisent pour éviter la maison de retraite

« Je veux rester chez moi », dit Ramon Gonzalez, 86 ans. Pour éviter la maison de retraite, les seniors de Capitol Hill, un quartier de Washington, se sont organisés en « village » d’entraide, une réponse originale au défi de l’arrivée massive des baby-boomers à la retraite.

M. Gonzalez, bel homme à l’oeil bleu et au cheveu blanc, marche avec difficulté « à cause des genoux ». Mais il n’est pas question pour lui de quitter la maison, pleine de livres d’art et de disques de jazz, qu’il habite depuis 48 ans dans ce quartier plein de charme, aux rangées de maisons victoriennes.

« J’aime mon indépendance, n’avoir de comptes à rendre à personne. Une maison de retraite, pas question », dit à l’AFP cet ancien traducteur de la Navy.

Il est membre de Capitol Hill Village, une association à but non lucratif née en 2007 et l’un des 66 « villages » existants (120 sont en cours de constitution) aux Etats-Unis, bâtis sur un modèle fondé à Boston en 2001.

Le principe, qui repose largement sur le dévouement de bénévoles, est de fournir aux retraités des services comme l’aide au transport, aux courses, aux petites réparations, la plupart gratuitement ou à tarifs négociés auprès de professionnels.

Il ne s’agit pas de fournir des soins médicaux mais d’aider les personnes à rester chez elles, sans les soucis rendus plus compliqués à regler à cause de l’âge, dit Katie McDonough, directrice et l’une des deux seules salariées à temps plein de l’association de Washington.

L’inscription coûte 530 dollars par an pour une personne, 800 pour un foyer, 100 ou 200 dollars pour les plus bas revenus. Les abonnements représentent en gros la moitié du budget, complété par des campagnes de dons.

Le « village », comme l’appellent ses 360 membres (dont 260 foyers) de Capitol Hill, assure une permanence téléphonique où on peut demander l’aide d’un des 215 bénévoles pour être amené chez un médecin, tondre sa pelouse ou remplir des papiers administratifs.

« Rendre ce qu’on me donne »

Il organise aussi des conférences, des sorties au théâtre, des dîners, des cours de gymnastique, détaille Pamela Causer, 68 ans, en pointant le catalogue des activités sur le site de l’association (capitolhillvillage.org) alors qu’elle assure une permanence au standard.

Car cette ancienne informaticienne, à Capitol Hill depuis 39 ans, est comme de nombreux membres, également bénévole. « Je n’aime pas trop les activités en groupe, mais quand on prend sa retraite, il faut rencontrer d’autres gens. Et puis, j’ai envie de rendre ce qu’on me donne », dit cette célibataire, « l’important, c’est de pouvoir rester dans sa maison à un moment où avec l’âge, on a de plus en plus de besoins ».

Judy Canning, 69 ans, est membre fondateur : « En Amérique, on ne peut compter aujourd’hui sur aucune aide dans tout ce qui est de l’ordre du social », dit-elle, « c’est très américain de se réunir à plusieurs et de dire, organisons-nous! ».

Evidemment, « en cas de maladie grave, on ne peut plus rester chez soi », concède-t-elle, « mais l’association permet d’y rester plus longtemps et peut-être d’y mourir », un souhait de plus en plus partagé.

Car le pays, comme d’autres, est confronté cette année à l’arrivée à l’âge de la retraite des premiers des 78 millions d’Américains « baby-boomers », nés lors de la vague de naissances de 1946 à 1964.

Pour Candace Baldwin, codirectrice de Village to Village Network qui coordonne les villages, le défi est « énorme ».

Selon l’organisation US Care, à partir de 2011 et pendant 20 ans, 10.000 personnes fêteront chaque jour leurs 65 ans. En 2030, un Américain sur 5 aura plus de 65 ans et 21 millions, soit quatre fois plus qu’aujourd’hui, en auront plus de 85.

Le mouvement des « villages » est « une étape logique de cette évolution », dit Candace Baldwin, une façon de « vieillir dans son quartier qui intéresse de plus en plus de gens ».

AFP, 21 décembre 2011