A Washington, les seniors s’organisent pour éviter la maison de retraite
« Je veux rester chez moi », dit Ramon Gonzalez, 86 ans. Pour éviter la maison de retraite, les seniors de Capitol Hill, un quartier de Washington, se sont organisés en « village » d’entraide, une réponse originale au défi de l’arrivée massive des baby-boomers à la retraite.
M. Gonzalez, bel homme à l’oeil bleu et au cheveu blanc, marche avec difficulté « à cause des genoux ». Mais il n’est pas question pour lui de quitter la maison, pleine de livres d’art et de disques de jazz, qu’il habite depuis 48 ans dans ce quartier plein de charme, aux rangées de maisons victoriennes.
« J’aime mon indépendance, n’avoir de comptes à rendre à personne. Une maison de retraite, pas question », dit à l’AFP cet ancien traducteur de la Navy.
Il est membre de Capitol Hill Village, une association à but non lucratif née en 2007 et l’un des 66 « villages » existants (120 sont en cours de constitution) aux Etats-Unis, bâtis sur un modèle fondé à Boston en 2001.
Le principe, qui repose largement sur le dévouement de bénévoles, est de fournir aux retraités des services comme l’aide au transport, aux courses, aux petites réparations, la plupart gratuitement ou à tarifs négociés auprès de professionnels.
Il ne s’agit pas de fournir des soins médicaux mais d’aider les personnes à rester chez elles, sans les soucis rendus plus compliqués à regler à cause de l’âge, dit Katie McDonough, directrice et l’une des deux seules salariées à temps plein de l’association de Washington.
L’inscription coûte 530 dollars par an pour une personne, 800 pour un foyer, 100 ou 200 dollars pour les plus bas revenus. Les abonnements représentent en gros la moitié du budget, complété par des campagnes de dons.
Le « village », comme l’appellent ses 360 membres (dont 260 foyers) de Capitol Hill, assure une permanence téléphonique où on peut demander l’aide d’un des 215 bénévoles pour être amené chez un médecin, tondre sa pelouse ou remplir des papiers administratifs.
« Rendre ce qu’on me donne »
Il organise aussi des conférences, des sorties au théâtre, des dîners, des cours de gymnastique, détaille Pamela Causer, 68 ans, en pointant le catalogue des activités sur le site de l’association (capitolhillvillage.org) alors qu’elle assure une permanence au standard.
Car cette ancienne informaticienne, à Capitol Hill depuis 39 ans, est comme de nombreux membres, également bénévole. « Je n’aime pas trop les activités en groupe, mais quand on prend sa retraite, il faut rencontrer d’autres gens. Et puis, j’ai envie de rendre ce qu’on me donne », dit cette célibataire, « l’important, c’est de pouvoir rester dans sa maison à un moment où avec l’âge, on a de plus en plus de besoins ».
Judy Canning, 69 ans, est membre fondateur : « En Amérique, on ne peut compter aujourd’hui sur aucune aide dans tout ce qui est de l’ordre du social », dit-elle, « c’est très américain de se réunir à plusieurs et de dire, organisons-nous! ».
Evidemment, « en cas de maladie grave, on ne peut plus rester chez soi », concède-t-elle, « mais l’association permet d’y rester plus longtemps et peut-être d’y mourir », un souhait de plus en plus partagé.
Car le pays, comme d’autres, est confronté cette année à l’arrivée à l’âge de la retraite des premiers des 78 millions d’Américains « baby-boomers », nés lors de la vague de naissances de 1946 à 1964.
Pour Candace Baldwin, codirectrice de Village to Village Network qui coordonne les villages, le défi est « énorme ».
Selon l’organisation US Care, à partir de 2011 et pendant 20 ans, 10.000 personnes fêteront chaque jour leurs 65 ans. En 2030, un Américain sur 5 aura plus de 65 ans et 21 millions, soit quatre fois plus qu’aujourd’hui, en auront plus de 85.
Le mouvement des « villages » est « une étape logique de cette évolution », dit Candace Baldwin, une façon de « vieillir dans son quartier qui intéresse de plus en plus de gens ».
AFP, 21 décembre 2011