Archives de catégorie : Okupa y resiste

[Syrie] A Damas, le régime ouvre le feu sur des milliers de manifestants

Syrie: tirs sur des milliers de manifestants près du centre de Damas

Les forces de sécurité syriennes ont tiré samedi sur des milliers de personnes participant à des funérailles dans le quartier de Mazzé, à Damas, le premier rassemblement de cette ampleur tout près du coeur de la capitale depuis le début de la révolte en mars 2011.

Capture d'écran d'une vidéo diffusée sur YouTube montrant des manifestants portant le cercueil d'une victime de la répression syrienne, le 18 février 2012 à Damas dans le quartier de Mazzé

Capture d’écran d’une vidéo diffusée sur YouTube montrant des manifestants portant le cercueil d’une victime de la répression syrienne, le 18 février 2012 à Damas dans le quartier de Mazzé

Dans le même temps, le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Zhai Jun a appelé le régime, l’opposition et les rebelles, à « cesser immédiatement les violences », à l’issue d’un entretien avec le président Bachar al-Assad.

Un manifestant a été tué et plusieurs autres blessés à Mazzé, un quartier stratégique du centre-ouest de Damas, dans les funérailles de manifestants tués la veille dans le même quartier, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

« Les funérailles se sont transformées en manifestation à Mazzé. C’est le rassemblement massif le plus proche de la Place des Omeyyades », la célèbre place du centre-ville, a affirmé à l’AFP Rami Abdel Rahmane, chef de l’OSDH.

« C’est la première fois que des manifestations revêtent une telle ampleur jusqu’au centre de Damas », a déclaré à l’AFP Mohammad Chami, porte-parole des militants dans la province de Damas.

Selon lui, les funérailles ont rassemblé « 15.000 personnes », malgré la menace des services de sécurité et la neige qui tombait samedi sur Damas.

Il a évoqué des « tirs nourris » contre les manifestants. « Après les tirs, les gens se sont cachés là où ils le pouvaient », a-t-il ajouté.

« La télévision d’Etat n’a pas couvert les faits alors qu’ils se déroulaient à quelques pas » de ses locaux, a-t-il précisé.

Surplombé par le palais présidentiel, le quartier de Mazzé abrite de nombreuses ambassades, des bâtiments gouvernementaux et des services de sécurité.

Une campagne de perquisitions et d’arrestations était en cours dans le quartier, selon l’OSDH.

Vendredi, des manifestations inédites avaient secoué le quartier avant d’être réprimées par les forces de sécurité, faisant au moins quatre morts, selon l’OSDH.

La capitale était jusqu’à présent plus habituée aux rassemblements massifs de partisans du régime du président Assad.

Cinq civils ont été tués au total samedi dans la répression, selon l’OSDH.

Face à cette contestation qui prend de l’ampleur et à la poursuite de l’offensive du régime contre les villes rebelles, le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Zhai Jun, a appelé « le gouvernement, l’opposition et les hommes armés à arrêter immédiatement les actes de violences », estimant que le calme devait revenir « le plus rapidement possible ».

Avec Moscou, Pékin a bloqué à deux reprises des résolutions à l’ONU condamnant la répression en Syrie, qui a fait des milliers de morts depuis mars 2011, selon des militants des droits de l’Homme.

Avant sa visite, l’émissaire avait rappelé que son pays n’approuverait « pas une intervention armée en Syrie, ni l’avènement par la force d’un soi-disant +changement de régime+ ».

Samedi, M. Assad a dit « apprécier la position de la Chine » et répété que les événements en Syrie visaient selon lui « à diviser ce pays, à porter un coup à sa position géopolitique et à son rôle historique dans la région ».

La veille, il avait à nouveau évoqué des réformes, tout en prévenant qu’elles ne pourraient se faire qu’avec un retour au calme.

Les autorités syriennes ont prévu un référendum le 26 février sur un projet de nouvelle Constitution supprimant l’hégémonie du parti Baas, mais l’opposition et les militants pro-démocratie ont annoncé leur volonté de boycotter le scrutin qualifié de « plaisanterie » par Washington.

L’émissaire chinois a toutefois souhaité samedi que le référendum, de même que les élections législatives prévues trois mois plus tard, « se déroulent sans obstacle ».

Mais vendredi, les milliers de manifestants mobilisés à travers le pays ont réclamé plus que des réformes, scandant « Dégage! » à l’adresse du président Assad ou encore « Nous ne plierons pas face aux chars et aux canons ».

Relativement peu touchée par la révolte, la ville d’Alep Nord) a également vu des manifestants mobilisés, aux cris de « liberté pour toujours, que tu le veuilles ou non Bachar ».

Selon la chaîne américaine NBC, qui cite des responsables américains de la Défense, un « bon nombre » de drones militaires et des services de renseignement américains opèrent au-dessus de la Syrie pour suivre les attaques des militaires contre l’opposition et les civils.

La situation est particulièrement critique à Homs (centre), qui a connu vendredi le plus violent pilonnage depuis deux semaines, aggravant la crise humanitaire dans plusieurs quartiers qui, selon les militants, manquent de vivres ou de matériel médical et peinent à communiquer avec Le Monde extérieur.

Le site suédois Bambuser, qui permet de diffuser de vidéos par téléphone portable, a annoncé samedi qu’il était bloqué en Syrie depuis l’envoi jeudi d’images sur un bombardement à Homs.

AFP, 18 février 2012

[Notre-Dame des Landes] Rencontres en mars contre l’artificialisation des terres

WE rencontres Artificialisation des sols et défense des terres agricoles

Invitation aux collectifs et groupes en lutte contre l’artificialisation des terres

ARTIFICIALISATION DES SOLS ET PRESERVATION DES TERRES AGRICOLES MUTUALISONS NOS EXPERIENCES ET NOS LUTTES !

Notre Dame des Landes (44)

Du 9 au 11 mars 2012 à Notre Dame des Landes (44)

Cette rencontre aura pour objectif de favoriser la connexion, les échanges entre différentes luttes locales et des pratiques de chacune. Elle est donc réservée en priorité aux structures en action ou à celles qui l’ont été. Elle se veut être également un espace de mise en réseau pour mieux comprendre les enjeux liés à nos luttes, les faire sortir de leur situation locale, découvrir la diversité des pratiques qui y sont liées, penser les convergences et nous renforcer dans nos combats respectifs.

Les attaques sur le foncier agricole sont toujours plus préoccupantes. Des quelques macro-projets d’aménagement du territoire (LGV, autoroutes, lignes THT…) très voraces en terre auxinnombrables petits projets de bétonnage de quelques hectares, ce sont chaque année plus de 70000 hectares de terres qui sont saccagées en France. Au-delà des politiques d’affichage toujours plus vertes, des municipalités avec leur PLU(Plan Local d’Urbanisme) jusqu’à l’Etat et son Grenelle de l’environnement, les décideurs donnent raison au béton : les zones artisanales, industrielles et commerciales et les grandes infrastructures telles que les LGV, les lignes THT et autre aéroport grignotent un peu plus chaque jour l’espace rural.

Tout ce bétonnage résulte des mêmes logiques : il est nécessaire à l’expansion du capitalisme, basé sur l’accroissement perpétuel des activités et des flux économiques, la privatisation des ressources, le contrôle de l’espace et des individus. Le bétonnage est présenté comme indispensable, quitte à invoquer encore et toujours la crise et faire du chantage à l’emploi, pour les faire accepter.

Face à ces attaques, des luttes s’organisent : ici on se bat contre l’installation d’un énième hypermarché ; ailleurs, un collectif de jardiniers urbains occupe une friche maraichère destinée à l’écobéton d’un nouveau quartier « durable » ; là-bas, des paysan-ne-s, villageois et citadins résistent contre une nouvelle LGV ou un aéroport pour garder leurs terres, pendant que d’autres les occupent pour y développer une activité maraichère… Les pratiques sont diverses, de la lutte juridique à l’occupation de terres, de la manifestation publique au coup d’éclat médiatique, du lobbying institutionnel jusqu’au sabotage.

Lutter contre le béton, c’est bien sûr préserver une ressource naturelle non renouvelable primordiale au maintien d’un potentiel nourricier. Mais ces luttes sont au carrefour de bien d’autres enjeux sur lesquels s’unir, croiser des problématiques et penser des stratégies communes : c’est se battre pour l’accès à la terre, rendu difficile – entre autre – du fait de la spéculation qu’entraine cette pression foncière. C’est remettre adicalement en question le système agricole, les modes de production et plus généralement l’industrie agroalimentaire. C’est défendre des terres pour l’agriculture paysanne mais aussi des terres pour des jardins familiaux ou collectifs en ville nécessaires pour satisfaire un droit légitime à l’autoproduction.

Infos pratiques :

La rencontre aura lieu dans une salle de la commune de Notre-Dame-des-Landes. L’hébergement se fera chez l’habitant-e, sur la zone menacées par l’aéroport et aux alentours Quatre repas sont prévus pendant le week-end (vendredi soir ; samedi midi et soir ; dimanche midi). La rencontre étant autofinancée, une participation sera demandée pour rembourser les frais engagés. Un montant indicatif entre 20 et 40 euros est proposé, sachant qu’il sera possible de s’arranger pour les petites bourses.

Afin de faciliter l’organisation du week-end, nous avons opté pour un système de pré-inscription. Merci d’annoncer par mail (voir ci dessous) de votre venue ainsi que quelques informations supplémentaires : moment d’arrivée, le nombre de repas que vous prendrez, a quelle titre vous venez (collectif/association en lutte, objet de cette lutte)…

Courriel pour les préinscriptions :

convergence-terresnourricieres**_AT_**mailoo.org (remplacer le **_AT_** par @) préprogramme sur :

http://reclaimthefields.org/artificialisation-des-sols-et-preservation-des-terres-agricoles-mutualisons-nos-experiences-et-nos-l

Liste des signataires au 31 janvier 2012 :

Confédération paysanne, CADE (Collectif des Associations de Défense de l’Environnement Pays basque et Sud des Landes), Relocalisons, ACIPA (Association Citoyenne Intercommunale des Populations concernées par le projet d’Aéroport de Notre Dame des Landes), Collectif ACCRiL (Association de Coordination des Citoyens et des Riverains Landais), Collectif CCN-TGV (Collectif Contre les Nuisances du TGV de Chasseneuil du Poitou et de Migné-Auxances), CRI (Coordination Riverains Impactés – LGV Poitiers Limoges), Soleil Vert de Chaptelat, Association Corbières, Parti Pour La Décroissance

Indymedia Paris, 17 février 2012

[Grèce] Des grévistes lancent leur propre journal autogéré

Nous publions, sous forme de tribune, la « Tribune Libre » de Moissis Litsis, dirigeant du mouvement greviste des 800 travailleurs et travailleuses du grand quotidien grec Eleftherotypia (Liberté de la presse). Cet article a été publié le 15 février, dans sa version française, sur le site Europe Solidaire Sans Frontières (ESSF), qui nous a autorisé à la reproduire.

Ça y est ! C’est fait ! Les travailleurs d’Eleftherotypia, un des plus grands et plus prestigieux quotidiens grecs, vont de l’avant dans la grande entreprise de l’édition de leur propre journal, « Les Travailleurs à Eleftherotypia » !

Depuis le mercredi 15 février, les kiosques dans tout le pays affichent à côté des journaux habituels un journal de plus, écrit par ses propres salariés. Un journal qui ne cherche pas seulement à mettre en évidence la lutte des travailleurs de Eleftherotypia, mais qui veut aussi être un journal d’information complète, spécialement en cette période si critique pour la Grèce.

Les 800 travailleurs et travailleuses à l’entreprise X. K. Tegopoulos, qui édite le journal Eleftherotypia, des journalistes aux techniciens, des nettoyeuses aux employés et aux concierges, sont en grève reconductible depuis le 22 décembre 2011 puisque le patron ne leur verse plus leurs salaires depuis août passé !

Les travailleurs de Eleftherotypia, voyant que le patron demande l’application de l’article 99 du code des mises en faillite, en vue de se protéger de ses créanciers, en réalité ses salariés auxquels il doit un total d’environ 7 millions d’euros en salaires impayés (!), ont décidé parallèlement aux mobilisations et aux actions en justice de faire paraître leur propre journal. Un journal distribué par les agences de la presse dans tout le pays, pour le prix de 1 euro (contre le 1,30 euro qui est le prix habituel des autres journaux), avec comme objectif de soutenir la caisse de grève.

Etant impayés depuis sept mois, les travailleurs et travailleuses de Eleftherotypia sont soutenus par un mouvement de solidarité des diverses collectivités ou même des citoyens isolés qui font des dons en argent ou en espèces (nourriture, couvertures, etc). Avec l’édition de leur propre journal et l’argent de sa vente, ils pourront soutenir financièrement leur grève sans qu’il y ait la moindre médiation de personne : En somme, ils avancent dans une sorte d’autogestion.

Le journal a été confectionné dans un atelier ami, dans une ambiance qui rappelait l’édition d’un journal clandestin, puisque la direction, dès qu’elle a appris que les journalistes vont de l’avant dans leur entreprise d’édition, a coupé d’abord le chauffage, ensuite le système employé par les rédacteurs pour écrire leurs articles et enfin, elle a fermé l’atelier lui-même, bien que pour l’instant l’accès aux bureaux du journal reste libre. Eleftherotypia des Travailleurs a été imprimé dans une imprimerie étrangère à l’entreprise avec l’appui des syndicats des salariés de la presse, parce que les travailleurs de sa propre imprimerie hésitaient à occuper leur lieu de travail.

La direction qui a peur de l’impact de l’édition autogestionnaire du journal, menace de recourir à des actions en justice, elle intimide en menaçant de licencier les membres du comité de rédaction qui ont été élus tout a fait démocratiquement par l’assemblée générale des grévistes. Cependant, le public grec, et pas seulement les lecteurs de Eleftherotypia, attendait avec grand intérêt sa parution – on a été submergé par les messages encourageant les journalistes à éditer seuls le journal – puisque la dictature des marchés est couplée de la dictature des médias qui rendent opaque la réalité grecque. S’il n’y avait pas le climat consensuel cultivé par la plupart des médias en 2010, avec l’argument qu’il n’y avait pas d’alternative quand le gouvernement Papandreou signait le premier Mémorandum dont l’échec patent est reconnu maintenant par tout le monde, on aurait peut être vu le peuple grec se révolter plus tôt pour renverser une politique catastrophique pour toute l’Europe.

Le cas d’Eleftherotypia n’est pas unique. Des dizaines d’entreprises du secteur privé ont cessé depuis longtemps de payer leurs salariés, et leurs actionnaires les ont virtuellement abandonnées en attendant des jours meilleurs… Dans la presse, la situation est même pire. A cause de la crise, les banques ne prêtent plus aux entreprises tandis que les patrons ne veulent pas payer de leur poche, préférant avoir recours à l’article 99 –il y au moins 100 sociétés cotées en bourse qui l’ont déjà fait- afin de gagner du temps en vue de l’éventuelle faillite grecque et de sa probable sortie de la zone euro.

Elefthrotypia a été créée en 1975 comme un « journal de ses rédacteurs » dans la période de radicalisation qui a suivi la chute de la dictature en 1974. Aujourd’hui, dans une époque marquée par la nouvelle « dictature des créanciers » internationaux, les travailleurs et les travailleuses d’Eleftherotypia ont l’ambition de devenir l’exemple lumineux d’une information totalement différente, en résistant à la « terreur » tant du patronat que des barons des médias, qui ne voudraient absolument pas voir les travailleurs prendre en main le sort de l’information.

Moissis Litsis

Moisis Litsis est rédacteur économique, membre du Comité de Rédaction d’ « Eleftherotypia des Travailleurs », membre suppléant du Conseil d’Administration du syndicat grec des Journalistes (ESHEA).

Acrimed, Moissis Litsis, 18 février 2012

[Fleuré – 86] Le charcutier victime de la machine judiciaire est prêt à ressortir sa caravane

 » Je suis prêt à ressortir la caravane « 

Le combat judiciaire de Michel et Laurent Plat dure depuis plusieurs années. Le combat judiciaire de Michel et Laurent Plat dure depuis plusieurs années. – (Photo archives).

Comme un retour à la case départ. Le 30 mars prochain, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Poitiers dira si oui ou non il autorise la vente aux enchères des biens de Michel et Laurent Plat. Le père et le fils pourraient se retrouver comme il y a un an, quand l’ex-entrepreneur avait posé sa caravane sur le parking de l’église de Fleuré et entamé une grève de la faim pour protester contre le sort judiciaire qui lui était fait.

200 hectares agricoles

Les biens du père et du fils (200 ha de terres agricoles, leurs maisons et l’atelier de charcuterie) sont saisis depuis 2004, quand Michel Plat avait déposé le bilan de son entreprise de charcuterie jusqu’ici florissante, en réponse à un redressement fiscal de 276.000 euros qu’il estimait injustifié. La machine judiciaire était lancée, nonobstant le fait que le redressement fiscal avait été ramené à des proportions dix fois moindres. Depuis cette date, Michel Plat est en bagarre avec la mandataire judiciaire chargée de son cas. « Elle veut à tout prix vendre nos biens aux enchères, qui partiront pour une bouchée de pain, alors qu’on demande à ce qu’ils soient mis en vente à l’amiable, afin qu’on en tire un prix normal », résume Michel Plat, qui avait obtenu ce dispositif à l’époque de sa grève de la faim.

«  Un peu de temps  »

Quelques mois plus tard, la mandataire judiciaire revient donc à la charge, estimant que le délai pour traiter ce dossier a dépassé toutes les attentes. « Elle brûle les étapes, estime Michel Plat. On a des propositions de reprise, mais il nous faut encore un peu de temps pour les finaliser. » L’ancien entrepreneur ne veut rien lâcher : « Je suis prêt à ressortir la caravane et à recommencer une grève de la faim. »

Nouvelle république, Philippe Bonnet, 18 février 2012

[Vietnam] Grogne paysanne contre les expropriations

Vietnam: la tension monte autour des expropriations de terres

Les expropriations de terres sont sources de tensions depuis des décennies au Vietnam, mais la température est brusquement montée d’un cran depuis qu’un paysan s’est barricadé dans sa maison, avec mines et arme à feu, pour tenir tête aux forces de l’ordre.

Les ruines de la ferme du pisciculteur Doan Van Vuon, dans le distrcit de Tien Lang au Vietnam, le 10 février 2012

Doan Van Vuon et sa famille ont blessé quatre policiers et deux soldats dans des affrontements en janvier, depuis lesquels il est détenu avec trois autres personnes.

Mais ce rarissime acte de rébellion lui a apporté le soutien qu’il espérait le moins: l’autoritaire Premier ministre du régime communiste.

La semaine dernière, Nguyen Tan Dung a en effet promis des sanctions contre des responsables locaux corrompus, jugeant « illégale » l’éviction forcée du pisciculteur et la Destruction de sa maison.

La preuve, selon les experts, que le pouvoir redoute le caractère explosif du dossier, dont on trouve des avatars dans toutes les provinces du pays et derrière lequel fleurit la corruption et l’abus de pouvoir.

Le régime a entamé à la fin des années 80 une difficile transition vers l’économie de marché. Et depuis 1993, les Vietnamiens ont le droit d’acquérir pour vingt ans un « droit d’usage de la terre », qui demeure de facto propriété de l’Etat.

Des millions de paysans sont depuis, comme Vuon, à la merci des responsables locaux, qui peuvent récupérer des terrains au nom du très vague « intérêt public », puissant terreau pour la distribution d’enveloppes bien remplies.

Le dossier du pisciculteur de Haiphong Nord) constitue le « paradigme de tout ce qui ne va pas avec le système foncier » vietnamien, estime David Brown, diplomate américain à la retraite et spécialiste de la région.

Plus de 70% des plaintes déposées contre les pouvoirs locaux dans le pays sont liés à des litiges fonciers, et la crise ne peut qu’empirer en 2013, lorsque des millions de baux vont arriver à terme.

« Ce dossier est fondamentalement une question de survie pour le régime », ajoute-t-il.

Ni un amendement constitutionnel qui légaliserait la propriété privée de la terre, ni une refonte profonde du droit foncier ne sont envisageables à court terme, relève de son côté Carl Thayer, expert du Vietnam à l’université de New South Wales en Australie.

« Il s’agit là d’un dossier explosif qui peut diviser le pays. On n’imagine pas beaucoup de gens prendre les armes mais il y a eu des incidents violents, des bureaux de districts brûlés, des gens qui se déplacent en groupe à Hanoï ».

En 1997, des dizaines de milliers de personnes avaient manifesté dans la province de Thai Binh Nord) après un scandale foncier. Des commissariats de police avaient été attaqués et des bâtiments publics incendiés. Un souvenir « qui pèsera dans l’esprit de tout le monde », assure le chercheur.

Ces dernières années, de nombreuses manifestations ont été organisées dans les grandes villes du pays sur des dossiers similaires. En 2007, ils étaient des milliers à Ho Chi Minh-Ville (ex-Saïgon, sud) à dénoncer la saisie de terres pour faire place à un centre commercial.

Nguyen Tan Dung a admis vendredi que la législation était « vague, parfois même contradictoire ». Il a demandé à la justice d’accorder des circonstances atténuantes à Vuon qui, selon des sources officielles locales, récupérera son terrain.

En attendant, deux fonctionnaires locaux ont été démis de leurs fonctions mais les villageois sont en colère. « Les autorités avaient tort mais c’est la famille de Vuon qui est accusée, » relève une paysanne de 50 ans résumant, sous couvert de l’anonymat, l’opinion générale.

Un voisin espère que la cour saura être magnanime. »Vuon n’avait rien à perdre. Et vraiment, nous sommes tous dans la même situation. Pourquoi l’ont-ils traité comme ça ? ».

AFP, 17 février 2012