Archives de catégorie : Okupa y resiste

[Syrie] La répression s’intensifie, manifs prévues aujourd’hui

Syrie: le régime impitoyable envers Homs malgré le vote à l’ONU

Le régime syrien s’acharnait vendredi contre la ville rebelle de Homs, cible des bombardements les plus violents depuis deux semaines selon des militants, faisant fi d’un vote à l’Assemblée générale de l’ONU condamnant la répression.

Capture d'écran de YouTube montrant des bombardements sur le quartier résidentiel de Baba Amr à Homs, dans le centre de la Syrie, le 17 février 2012

Capture d’écran de YouTube montrant des bombardements sur le quartier résidentiel de Baba Amr à Homs, dans le centre de la Syrie, le 17 février 2012

Dans le même temps, les militants pro-démocratie s’apprêtaient à manifester, évoquant une « nouvelle étape » dans leurs actions face à la répression de la révolte qui a fauché la vie à plus de 6.000 personnes depuis mars 2011.

« C’est incroyable, c’est d’une violence extrême, on n’a jamais connu ça. C’est en moyenne quatre roquettes tirées par minute », a affirmé à l’AFP Hadi Abdallah, membre de la Commission générale de la révolution syrienne à Homs.

Ce pilonnage sans précédent intervient au lendemain de l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU à une écrasante majorité, malgré l’opposition de Moscou et Pékin, d’une résolution dénonçant la répression en Syrie et soutenant un plan arabe appelant au départ du président Bachar al-Assad.

« Le vote envoie un message clair et sans équivoque de la communauté internationale à la Syrie, (appelant) à mettre immédiatement un terme aux attaques brutales contre des innocents », a commenté Amnesty International.

Mais le régime reste implacable: en plus du bombardement incessant de Homs, l’armée a pris d’assaut d’autres villes rebelles et arrêté jeudi à Damas d’éminents militants, comme le journaliste Mazen Darwich et la blogueuse Razan Ghazzawi.

Les combats entre l’armée régulière et les déserteurs de l’Armée syrienne libre (ASL) ne connaissent pas non plus de répit et un soldat est mort vendredi à Deir Ezzor (est). Un civil a par ailleurs été abattu à un barrage dans cette province.

Plus de 40 personnes avaient péri jeudi dans les violences, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), qui a évoqué le « massacre » de 19 personnes, dont 11 membres d’une famille élargie, lors d’un assaut des forces de sécurité dans la province d’Idleb (nord-ouest).

Les opposants, eux, ont promis une nouvelle mobilisation face à un régime obstiné à étouffer la contestation, et en solidarité avec Homs, « ville en détresse ».

« Nous ne resterons pas les Bras croisés face aux attaques des gangs de la sécurité et des +chabbiha+ (milices civiles du régime). Dès aujourd’hui, nous allons leur rendre la pareille », ont-ils écrit sur leur page Facebook « Syrian Revolution 2011.

Une centaine de personnes ont participé à une manifestation inédite près de l’ambassade d’Iran à Damas, promettant de « se venger » du président Assad, dont Téhéran est un important allié, selon une vidéo diffusée par des militants.

« Il y a des milliers de gens à Homs isolés du monde entier, c’est un crime de guerre », a affirmé Hadi Abdallah, alors que Homs connaît une crise humanitaire. Plusieurs quartiers manquent de vivres et peinent à communiquer avec Le Monde extérieur en raison des coupures des communications et d’internet.

La résolution de l’Assemblée générale exige du gouvernement syrien qu’il mette fin à ses attaques contre sa population civile, soutient les efforts de la Ligue arabe pour assurer une transition démocratique à Damas et recommande la nomination d’un envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie.

Mais ce texte a une portée essentiellement symbolique, l’Assemblée étant un organe consultatif sans droit de veto, contrairement au Conseil de sécurité où les résolution condamnant Damas ont été bloquées par Moscou et Pékin.

Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, qui s’est déjà déclaré opposé à un « changement de régime amené par la force », effectue vendredi une visite en Syrie.

Le Premier ministre mauritanien Moulaye Ould Mohamed Laghdaf est également attendu en Syrie, où il doit remettre un message au président pour l’inciter à « collaborer avec la Ligue arabe ».

Les Européens, de leur côté, connaissent des divergences et l’UE pourrait de fait revoir ses ambitions de durcir les sanctions contre le régime syrien, selon des sources diplomatiques.

Jeudi, les opposants syriens ont rejeté en bloc un projet de nouvelle Constitution proposé par le régime, et appelé à boycotter le référendum prévu le 26 février.

Le texte ouvre la voie au multipartisme en mettant fin à la primauté du parti Baas au pouvoir depuis près de 50 ans, mais cette revendication est dépassée pour l’opposition qui réclame avant toute chose le départ de M. Assad.

Damas « doit d’abord arrêter de tuer ses propres citoyens », avant d’engager un référendum, a déclaré le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, tout en appelant également l’opposition à « mettre un terme aux violences ».

AFP, 17 février 2012

Mise à jour : un nouvel article rendant compte des manifs (et de la répression) :

Syrie: les manifestants défient le régime jusqu’à Damas et Alep

Plusieurs quartiers de Damas et Alep, deuxième ville de Syrie, étaient secoués vendredi par des manifestations inédites, se joignant aux dizaines de milliers de personnes à travers le pays pour réclamer la chute du régime, qui s’acharnait contre la ville rebelle de Homs.

Des Syriens manifestent contre le régime dans la ville de Idlib (nord), le 17 février 2012

Des Syriens manifestent contre le régime dans la ville de Idlib (nord), le 17 février 2012

Aux cris de « Dégage! », adressés au président Bachar al-Assad, les manifestants ont bravé la répression du régime, qualifiée d' »atroce » vendredi par le président français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique David Cameron et condamnée la veille par l’Assemblée générale de l’ONU.

Mais les forces du régime ont à nouveau tiré sur les manifestants en ce « Vendredi de la résistance populaire », faisant au moins un mort et une dizaine de blessés dans le quartier de Mazzé, dans l’ouest de la capitale, selon une ONG syrienne.

« C’est la première fois que les manifestations s’étendent aux quartiers chics », a affirmé à l’AFP Moaz Chami, des Comités locaux de coordination –qui chapeautent la contestation sur le terrain–, sans préciser le nombre de manifestants.

Relativement peu touchée par la révolte, la ville d’Alep Nord) a également été mobilisée dans au moins 12 quartiers, ainsi qu’en province. « Liberté pour toujours, que tu le veuilles ou pas Bachar », criaient les habitants dans la localité de Kallassa.

« Nous ne cèderons pas face aux chars et aux canons », « Nous avons le peuple, ils ont l’armée », scandaient des manifestants dans la province d’Idleb (nord-ouest) qui a connu des manifestations massives, à l’instar de la province de Deraa (sud), où une personne a été tuée par des tirs.

Les militants anti-régime avaient appelé à cette mobilisation évoquant une « nouvelle étape » dans leur action face à la répression de la révolte qui a coûté la vie à plusieurs milliers de personnes depuis mars 2011.

Au total, les violences ont fait 16 morts vendredi, dont cinq civils morts dans le quartier de Baba Amr à Homs (centre), touché par le bombardement le plus violent depuis deux semaines, selon des militants sur place.

« C’est d’une violence extrême, on n’a jamais connu ça. C’est en moyenne quatre roquettes tirées par minute », a affirmé à l’AFP Hadi Abdallah, membre de la Commission générale de la révolution syrienne.

« Il y a eu 1.800 blessés en deux semaines », a rapporté le docteur al-Hazzouri à Baba Amr, joint par l’AFP via Skype, évoquant des blessés « qui souffrent en attendant la mort ».

Des militants dénoncent régulièrement une crise humanitaire à Homs, dont plusieurs quartiers manquent de vivres et d’aide médicale et peinent à communiquer avec Le Monde extérieur.

Le nouveau pilonnage de Baba Amr intervient au lendemain de l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU à une écrasante majorité d’une résolution dénonçant la répression et soutenant un plan arabe appelant au départ du président Assad.

Mais ce texte a une portée essentiellement symbolique, les membres l’Assemblée ne disposant pas du droit de veto comme ceux du Conseil de sécurité, où Moscou et Pékin, alliées de Damas, ont bloqué déjà deux résolutions.

« Nous n’accepterons pas qu’un dictateur puisse massacrer son peuple », a rappelé le président Nicolas Sarkozy lors d’une conférence de presse à Paris avec M. Cameron qui a appelé à « mettre au maximum Bachar al-Assad sous pression (…) pour qu’il arrête la boucherie actuellement en cours ».

Mais à Damas, quelques jours après l’annonce d’un référendum la semaine prochaine sur un projet de nouvelle Constitution ouvrant la voie au multipartisme, M. Assad parlait toujours de réformes, qui doivent être concomitantes avec « le retour au calme », a-t-il dit au Premier ministre mauritanien Moulaye Ould Mohamed Laghdaf.

M. Laghdaf était à Damas pour inviter le président syrien à « collaborer avec la Ligue arabe ». Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, opposé à un « changement de régime amené par la force », est également attendu vendredi en Syrie.

Dans le même temps, des divergences apparaissaient au sein de l’Union européenne qui pourrait revoir ses ambitions de durcir les sanctions contre le régime, selon des sources diplomatiques.

Au Caire, des centaines d’Egyptiens et de Syriens ont réclamé l’expulsion de l’ambassadeur syrien lors d’une manifestation.

Par ailleurs, un journaliste du New York Times, Anthony Shadid, prix Pulitzer, est décédé jeudi, apparemment des suites d’une crise d’asthme, déclenchée par les chevaux de ses guides, lors d’un reportage clandestin en Syrie, a annoncé le quotidien américain.

AFP, 17 février 2012

[Le Blanc] Action coup-de-poing (suite)

Une chasse au Trésor pour l’hôpital du Blanc

Le Blanc (Indre). La série d’actions coup-de-poing annoncée par le comité de défense du centre hospitalier du Blanc a débuté hier devant la trésorerie. Les organisateurs ont voulu marquer à leur façon le dernier jour du versement du tiers prévisionnel. « Pas de maternité et de chirurgie ? Pas d’impôts ! » : le slogan affiché sur une immense banderole a fait florès, au point que les habitants du quartier n’ont pas hésité à encourager les manifestants et à leur apporter du café. En début de matinée, des bottes de paille et des chaînes ont été mises en place à l’entrée de la trésorerie à la grande surprise des trente-cinq agents qui n’ont pu accéder à leur lieu de travail. « Nous laissons passer les gens qui viennent payer leur tiers provisionnel et ceux concernés par le service des hypothèques », précisait le président du comité de soutien Alain Pasquer. « Comme les fois précédentes nous faisons preuve de fermeté mais aussi d’unité et de dignité. » Avant de lever le blocus à 16 h 30, le comité de défense évoquait de futures actions « qui auront un éclairage différent et pourraient par exemple concerner le temps de transport ou la qualité des services ». Sans oublier d’ajouter qu’elles seraient levées si le directeur de l’ARS retirait son projet et acceptait de discuter.

Nouvelle République, 16 février 2012

[Le Blanc] Opération coup de poing aux centre des impôts pour sauver l’hôpital

OPERATION COUP DE POING

Depuis 6h45 ce matin le comité de défense du centre hospitalier du Blanc bloque le Centre des impôts .

PAS DE CHIRURGIE 24H/24, PAS DE MATERNITE = PAS D’IMPÔTS !!!! 

Venez nombreux, par créneau d’une heure ou deux, relayer les volontaires de la 1ère heure!

Nous comptons sur vous !

 Le blog de indispensables-maternite-chirurgie-leblanc, 15 février 2012

Défense de l’hôpital : le blocage du centre des impôts se poursuit au Blanc

Depuis 7 h 30 ce matin, des membres du Comité de défense de l’hôpital du Blanc bloquent le centre des impôts pour protester contre le projet de fermeture du service de chirurgie et de la maternité, également cher au coeur des Chauvinois et des Montmorillonnais. Ils sont une cinquantaine. Depuis l’aube, ces membres du Comité de défense de l’hôpital du Blanc sont rassemblés devant le centre des impôts du Blanc et en bloquent l’accès. Des bottes de pailles barrent la rue Jules-Ferry. Des fumigènes ont embrasé la nuit finissante. Cette nouvelle opération a valeur de symbole : pour les manifestants, si l’État n’a pas d’argent pour maintenir en place les services maternité et chirurgie, les citoyens n’ont plus à payer leurs impôts. Les manifestants ont prévu de se relayer pour maintenir le blocage toute la journée.

Centre-Presse, 15 février 2012

[Toulouse] La préfecture veut expulser le CREA

[Toulouse] La préfecture veut expulser le CREA

La ville appartient au peuple !
Nous ne partirons pas et nous continuerons à réquisitionner !

Ca y est, c’est parti. La préfecture vient d’engager une procédure pour faire expulser les 40 personnes qui habitent au Centre Social Autogéré du CREA, 70 allée des Demoiselles à Toulouse. Elle a donc décidé de nous remettre toutes et tous à la rue mais aussi d’écraser ce large mouvement d’entraide et de solidarité auquel vous avez peut-être pris part. Depuis bientôt un an, nous avons réquisitionné ce bâtiment laissé vide par l’Etat pour y accueillir des familles à la rue et des précaires ainsi que toutes sortes d’activités libres et gratuites, ouvertes à toutes et tous (alphabétisation, soutien scolaire, cinéma, concerts, boxe et autodéfense, ateliers d’arts plastiques, de musique, soutien juridique…). Des centaines de personnes ont utilisé ce lieu et continuent à le développer.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1329298629.jpgDepuis septembre, la campagne de réquisition «  zéro enfants à la rue ! » initiée par le CREA est devenue un petit mouvement social, elle a permis de libérer 4 bâtiments et d’abriter une vingtaine de familles forcées de vivre à la rue par l’Etat et le capitalisme. Tout ça en refusant les subventions, sans coûter rien à personne et en nous organisant par nous-mêmes entre exploitéEs, aliénéEs, oppriméEs, indignéEs ou enragéEs de tous horizons.

Ce lieu nous protège, il nous donne de la force et de la joie, il nous permet de nous rencontrer, de nous entraider, de transformer collectivement les innombrables humiliations que nous inflige cette société en de multiples résistances. Il nous permet d’inventer ici et maintenant les bases d’une société basée sur l’égalité et la liberté, concrètes et réelles.

Les riches et les puissants détruisent la planète, ils pillent les ressources et mènent la guerre partout pour leurs intérêts, ils nous asservissent, ils nous trainent dans la misère et les prisons pour sauver leurs banques criminelles, ils organisent la précarité et le manque de logements pour spéculer, faire monter les loyers et baisser les salaires, ils nous insultent dans leurs télés et leurs journaux pendant qu’ils massacrent les peuples du monde qui ont commencé à se soulever.

Peuple de Toulouse, camarades d’ailleurs, l’heure est venue d’organiser la résistance ! Montrons aux riches et aux puissants qu’ils ne peuvent pas tout nous prendre et que nous sommes capables de défendre ce que nous aimons !

Le CREA et la campagne de réquisition continuent et continueront à libérer des bâtiments pour accueillir des personnes laissées à la rue et ouvrir des lieux de vie populaire. La répression ne nous paralysera pas. Continuez à nous rejoindre (réunion de la campagne de réquisition, un vendredi sur deux, au CREA).

A Toulouse et ailleurs, toutes vos initiatives pour bloquer la procédure et faire reculer la préfecture sont les bienvenues : écrivez votre refus de l’expulsion à la préfecture, apportez-nous des lettres de soutien. Créez des affiches ou récupérez les nôtres, diffusons des tracts et affichons incessamment dans toute la ville et ailleurs. Nous appelons dès à présent à lancer des occupations, réquisitions, manifestations, rassemblements, information, blocages et tout types d’actions directes qui vous sembleront pertinentes pour stopper l’oppresseur !

Rejoignez-nous, organisons-nous pour contre-attaquer.

Tout pour tou-te-s, pouvoir au peuple !

Des membres du CREA , de la campagne « zéro enfant à la rue » et leurs soutiens, 15 février 2012.

[Argentine] Usines autogérées, dix ans après

Usines autogérées argentines, dix ans après

Un regard sur le présent et l’avenir des usines les plus emblématiques gérées par les travailleurs et les défis qu’ils ont à relever. Qu’est-ce qui manque, qu’est-ce qui, au contraire, ne manque pas, quels sont les problèmes les plus difficiles à résoudre maintenant que le minimum vital est assuré.

Est-ce qu’on peut changer le destin ? Est-ce qu’on peut inventer quelque chose de nouveau ? Ou bien ce sont les autres qui ont raison : ceux qui défendent ces milliers de doctrines, de philosophies, d’opinions, de sciences, de religions, ces gens qui ont du mal à digérer, ces habitués des plateaux télévisés qui soutiennent que les choses sont comme elles sont.

Les questions sur ce que l’on appelle les usines récupérées par les travailleurs ou usines sans patron, sans aucun doute, ont à voir avec le secteur de l’économie, de la production, de la politique mais aussi de la culture, de la personne humaine et de sa capacité – ou pas – à transformer la réalité. Ce ne sont pas des discours de comptoir ou de barricade qui prétendent refaire le monde, mais une étape concrète qui transforme la réalité de chacun.

Formule provisoire : « Désespoir + une idée différente + une tentative pour la mettre en pratique = un espace nouveau. »

Tout peut être réinventé

La plus grande réussite c’est d’avoir mis en place une nouvelle façon de lutter et de s’organiser. Aujourd’hui, tous les travailleurs savent qu’ils peuvent faire tourner une usine, affirme Murúa de l’IMPA [1], l’une des premières usines récupérées et qui, durant ces treize dernières années est passée par toutes sortes de problèmes : des manifestations hostiles, des menaces, des problèmes internes, des crises – tout allait mal.

« Mais nous sommes toujours là. Nous sommes 56 camarades et nous gagnons 3600 pesos [623 euros] chacun par mois. Et si l’État ne nous avait pas coupé l’électricité – nous dépensons 40 000 [6926 euros] pesos par mois pour un générateur – nous en gagnerions 4400 [762 euros]. Si l’on nous mettait dans des conditions semblables à n’importe quelle entreprise capitaliste, nous serions meilleurs. Je ne le dis pas par orgueil mais parce que le système de coopérative est meilleur que celui de la concurrence capitaliste. »

Sur les 280 usines argentines sans patron, Zanon, à Neuquén [2], est également une entreprise emblématique. Dans l’effort pour la conserver, les travailleurs ont pris la tête du syndicat des céramistes mais Raúl Godoy et Alejandro López ont fait au moins deux choses inhabituelles dans le contexte argentin : ils ont renoncé à leur poste pour favoriser le renouvellement des cadres et ils sont retournés travailler à l’usine (!).

Godoy, de la branche émail : « Les usines sans patron sont une alternative à la crise, depuis 2001. C’est une grande et belle idée qui peut s’accompagner de nombreuses difficultés et qui sort des modèles imposés. Tout peut être réinventé. Nous avons croqué la pomme du Paradis et une fois qu’on y a goûté…  »

Ernesto Lalo Paret, de la coopérative « Tous ensemble pour la chaussure  » (l’ancienne Gatic, produisant pour l’allemande Adidas) : « Ce processus présente tous les problèmes que tu peux imaginer mais il a rendu viables des usines qui pour les patrons ne l’étaient plus. Et d’ailleurs, qu’est-ce que ça veut bien dire la viabilité d’une usine dans une société de merde ? Qu’un économiste vienne me dire combien vaut en cash-flow (flux d’entrées et sorties de caisse) le fait qu’un type retrouve l’estime de soi, se revalorise, se fasse confiance et prenne une usine en charge ? À combien estime-t-on le fait que cet homme soit devenu un exemple pour son gosse, en tant que travailleur ? À combien évalue-t-on la récupération d’une usine pour la communauté, pour les familles, pour la société ?  »

Écoutez le bruit

Le système distribue des biens, des services, mais surtout une identité sociale, rappelle le prologue du livre « Sin Patrón » (Sans patron) [3]. L’identité des travailleurs était très dépréciée. « Et on peut ajouter à cela la faim et le désespoir » renchérit Lalo vivement.

Comme une traînée de poudre, dans de nombreux endroits éloignés les uns des autres – comme par contagion culturelle –, les travailleurs ont pris une décision : ils ont cessé d’utiliser les canaux syndicaux pour leurs revendications (car, sauf quelques exceptions, ceux-ci ont fait le jeu des patrons). Mais les travailleurs, au lieu de quitter le navire, ont délibérément rompu leurs chaînes et ont pris les usines. Confrontés à la peur, ils ont agi au lieu de rester paralysés. C’était des gens ordinaires comme l’avaient été les Mères et les Grands-mères de la Place de mai. Comme elles, ils ont inventé quelque chose qui n’avait jamais eu lieu, nulle part. Lalo : « Quand ça a commencé, les ouvriers ne croyaient en rien. Et maintenant ils croient que tout est toujours possible… Que toute situation peut trouver une issue.  »

Murúa : « Ici, c’est tout le contraire de ce qui se passe dans les entreprises capitalistes où ceux qui accèdent à des postes importants sont des vendus, des magouilleurs qui exploitent les autres et qui travaillent le moins. Ici, les camarades essaient de porter les meilleurs à la tête de l’usine. Et celui qui a des responsabilités est aussi celui qui travaille le plus.  » Pour ce qui est de l’horizontalité : « C’est ce que l’on recherche mais cela ne fonctionne que si tout le monde en sait autant, parce que si dans une assemblée c’est toujours nous, les mêmes grandes gueules, qui parlons, ça ne sert à rien, on reste comme des papes.  »

L’horizontalité est donc un but vers lequel on tend, non une fausse illusion, ni une idée de marketing. Godoy : « Notre force, c’est l’assemblée. On discute à fond mais après, chacun garde à l’esprit l’objectif de la production et on dit : qu’est-ce qu’on peut améliorer ici ou là ? Le travailleur investit là toute son énergie  ». Ils ont repris le gouvernail d’un bateau qui était en train de couler. « Eh oui, on se met à écoper pour le maintenir à flot et on se met à ramer à contre-courant. Regarde : à côté de nous il y a l’entreprise Céramique Neuquén qui reçoit automatiquement des crédits pour la rénovation technologique. Ils ont un Mercedes et nous un Fitito. Mais nous, nous avons multiplié par deux le nombre de travailleurs et nous sommes en train de démontrer que l’on peut fonctionner sans capital et sans capitalistes. C’est pour cela que nous ne recevons aucune aide car nous représentons une menace pour eux.  »

Celia et Gustavo

Celia Martínez est une des actrices de la Coopérative 18 décembre (date à laquelle ils ont pris l’usine textile Brukman, en 2001). « Je vois tout ce qu’il y a de positif. Le ministère du travail nous a donné des subventions, presque un million de pesos. Le Développement social nous a choisis comme fournisseur des vêtements de leurs employés, la compagnie aérienne Aerolíneas argentinas, nous a commandé 14000 uniformes et c’est au tour de la compagnie Austral, maintenant. Je ne dirais pas que nous allons super bien, mais nous n’allons pas mal du tout ». En moyenne, elles reçoivent 400 à 600 pesos [entre 69 et 104 euros] par semaine. Celia ne milite plus dans un parti comme elle l’a fait brièvement pendant le conflit Brukman où les femmes étaient 50 sur 73 salariées [4]. « Ça va faire 10 ans que nous fonctionnons et personne n’aurait osé y croire. Nous avons des relations d’égal à égal. Nous avons changé sur un point : avant, nous étions obéissantes et soumises. Maintenant c’est fini ». Alors, patron ou pas ? « Même les plus anciennes d’entre nous n’arrivent plus à concevoir un patron. C’est évident que nous avons eu la chance de recevoir le soutien de l’État, ce qui n’a pas le cas pour d’autres. Ça doit être parce que nous sommes beaucoup de femmes et qu’on nous a beaucoup frappées ». Les salariées attendent que l’expropriation de l’usine soit effective.

Gustavo Ojeda de l’entreprise Gráfica Patricios : «  Plutôt que des subventions, nous voulons du travail. Il faut créer de l’emploi. Nous aussi, on ne fait pas toujours ce qu’il faudrait parce qu’on pourrait s’associer davantage entre usines pour faire des choses ensemble, sans disperser nos forces, comme par exemple faire des achats en commun ou créer des lieux collectifs. Mais, quand même, nous avons créé un précédent en Argentine : il est possible de récupérer une usine et de l’autogérer. La différence, c’est qu’avant, c’était un seul bonhomme qui empochait les bénéfices alors que maintenant, on les partage entre tous les travailleurs ». Gráfica Patricios a ouvert aussi un collège dans son usine et une radio communautaire.

Contre la Loi sur les faillites

Et que dire de la nouvelle Loi sur les faillites ?

Murúa : « Elle est faite pour l’establishment. Elle nous oblige à assumer la dette des patrons et cela va porter tort aux PME les plus faibles. Le piège, c’est que le patron peut créer une coopérative avec quelques complices de l’administration, tandis que lui s’occupe de la commercialisation. Nous, nous réclamons une Loi d’expropriation, que l’immobilier appartienne à l’État et qu’il le cède à la coopérative tout le temps où celle-ci est en activité. Et que quand elle s’arrête, tout revienne à l’État. Personne n’y perd et on génère de l’emploi  ». Godoy : « Ils ont fait cette loi pour éviter les expropriations et faire payer les pots cassés de la faillite aux travailleurs. L’État s’en lave les mains et il continue à financer les chefs d’entreprise  ». Lalo Paret : « La Loi défend le crédit et les avocats mais en aucun cas les travailleurs. Et comme aucune entreprise n’est capable de fournir un plan de redressement en trois mois, on lui impose le fameux capital national Brito, Moneta, etc… Derrière tout ça, il y a les fonds d’investissement qui cherchent à s’emparer des usines. Avec la Loi d’expropriation, par contre, l’État conserverait les murs pendant que nous, de l’intérieur, nous continuerions à générer du travail, des projets éducatifs et tout le reste ».

Production

Les usines sont un symbole à la fois de la culture et de la production. Si l’on considère les deux usines les plus complexes, IMPA et BAUEN, avec 40 millions de pesos [6 900 000 euros], on consolide 250 postes de travail et un centre populaire de préparation au baccalauréat pour 200 personnes. Alors qu’aujourd’hui, créer un poste de travail digne de ce nom, en Argentine coûte 1 200 000 pesos [208 000 euros]. Ici, on garantit 250 postes de travail avec le dixième de cette somme. Autre exemple : l’IMPA possède un centre de santé gratuit pour tout le quartier, en coordination avec l’État.

Godoy : « On peut avoir une dimension politique mais si cela ne sert pas dans la pratique, ça n’a aucun sens. On entend beaucoup de discours, de témoignages, de théories, de baratin, mais si on ne les confronte pas aux problèmes concrets, on est hors du coup. Le plus important que l’on a obtenu tous ensemble est de ne pas être esclaves de la loi. On vit dans un réseau qui nous protège comme l’oignon est protégé par le nombre de ses pelures. Bien que ça semble idiot, la façon de penser de beaucoup de gens a changé quand on a expliqué la différence entre ce qui est légal et ce qui est légitime. Ça nous a donné un regard plus libre pour nous définir et pour réfléchir à nos problèmes ». Godoy milite au PTS [Parti des travailleurs socialistes] et il a été élu avec le Front de gauche comme député de la province Neuquén, charge qu’il occupera avec les autres candidats de la liste de manière rotative. On ne va pas toucher les 17 000 pesos [2944 euros] que touchent les autres législateurs mais 4 200 [727 euros] comme on gagne chez Zanon. La différence sera versée à une caisse pour les grévistes et les camarades qui ont des problèmes ». Il annonce qu’il se rendra à l’Assemblée avec son bleu de travail. « C’est sûr qu’il va m’arriver la même chose que quand je vais dans les universités ; en me voyant, on me dit : « Monsieur, est-ce que vous pouvez nettoyer cette salle parce qu’il va y avoir une conférence sur Zanon  ».

Lalo : « Cette expérience nous a permis de croire en nous-mêmes et par suite, de croire en autrui. L’idée, c’est que si nous le voulons, c’est possible ». Lalo a un point de vue différent de Celia. « Le gouvernement a engendré un effet contreproductif. La logique est la suivante : si ceci n’est pas à moi, alors ce n’est à personne. Mais pour moi, la classe politique est de papier. Et l’État aussi sous bien des aspects. Ce n’est pas donc l’État qui va réaliser des transformations, c’est la politique. Le pouvoir, ce n’est pas de t’asseoir avec le ministre. Le pouvoir, c’est nous qui l’avons. Il ne se transfère pas, tout au plus peut-on le vendre. Mais si tu l’as vendu, il ne vaut rien. Mais je suis super optimiste. Les usines récupérées créent des emplois, des centres scolaires, l’Université des travailleurs, des centres culturels, une préfiguration de ce que pourrait être un nouveau modèle de société. Est-ce qu’une société différente est possible ? Oui. Est-ce que nous le voulons vraiment ? Là est le problème. Moi je dis qu’on est comme une femme enceinte. Le père, c’est la faim. Mais quelque chose est en gestation. Ce qui est important maintenant, c’est de voir si le bébé va naître idiot, ou heureux et en bonne santé  ».

Revista MU. Argentine, 13 septembre 2011.

Traduction de l’espagnol pour Dial de : Michelle Savarieau .

El Correo. Paris, le 13 février 2012.

Notes

[1] Industrias Metalúrgicas y Plásticas Argentina (Industries métallurgiques et plastiques d’Argentine) – note DIAL.

[2] Au centre-ouest du pays – note DIAL.

[3] Sin Patrón : fábricas y empresas recuperadas por sus trabajadores, édition actualisée, Buenos Aires, Lavaca, 2009, 302 p. – note DIAL.

[4] Nous accordons selon la règle de la majorité – note DIAL.

ndPN : on trouvera sur le même site un autre article sur ce sujet