Syrie: le régime impitoyable envers Homs malgré le vote à l’ONU
Le régime syrien s’acharnait vendredi contre la ville rebelle de Homs, cible des bombardements les plus violents depuis deux semaines selon des militants, faisant fi d’un vote à l’Assemblée générale de l’ONU condamnant la répression.
Capture d’écran de YouTube montrant des bombardements sur le quartier résidentiel de Baba Amr à Homs, dans le centre de la Syrie, le 17 février 2012
Dans le même temps, les militants pro-démocratie s’apprêtaient à manifester, évoquant une « nouvelle étape » dans leurs actions face à la répression de la révolte qui a fauché la vie à plus de 6.000 personnes depuis mars 2011.
« C’est incroyable, c’est d’une violence extrême, on n’a jamais connu ça. C’est en moyenne quatre roquettes tirées par minute », a affirmé à l’AFP Hadi Abdallah, membre de la Commission générale de la révolution syrienne à Homs.
Ce pilonnage sans précédent intervient au lendemain de l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU à une écrasante majorité, malgré l’opposition de Moscou et Pékin, d’une résolution dénonçant la répression en Syrie et soutenant un plan arabe appelant au départ du président Bachar al-Assad.
« Le vote envoie un message clair et sans équivoque de la communauté internationale à la Syrie, (appelant) à mettre immédiatement un terme aux attaques brutales contre des innocents », a commenté Amnesty International.
Mais le régime reste implacable: en plus du bombardement incessant de Homs, l’armée a pris d’assaut d’autres villes rebelles et arrêté jeudi à Damas d’éminents militants, comme le journaliste Mazen Darwich et la blogueuse Razan Ghazzawi.
Les combats entre l’armée régulière et les déserteurs de l’Armée syrienne libre (ASL) ne connaissent pas non plus de répit et un soldat est mort vendredi à Deir Ezzor (est). Un civil a par ailleurs été abattu à un barrage dans cette province.
Plus de 40 personnes avaient péri jeudi dans les violences, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), qui a évoqué le « massacre » de 19 personnes, dont 11 membres d’une famille élargie, lors d’un assaut des forces de sécurité dans la province d’Idleb (nord-ouest).
Les opposants, eux, ont promis une nouvelle mobilisation face à un régime obstiné à étouffer la contestation, et en solidarité avec Homs, « ville en détresse ».
« Nous ne resterons pas les Bras croisés face aux attaques des gangs de la sécurité et des +chabbiha+ (milices civiles du régime). Dès aujourd’hui, nous allons leur rendre la pareille », ont-ils écrit sur leur page Facebook « Syrian Revolution 2011.
Une centaine de personnes ont participé à une manifestation inédite près de l’ambassade d’Iran à Damas, promettant de « se venger » du président Assad, dont Téhéran est un important allié, selon une vidéo diffusée par des militants.
« Il y a des milliers de gens à Homs isolés du monde entier, c’est un crime de guerre », a affirmé Hadi Abdallah, alors que Homs connaît une crise humanitaire. Plusieurs quartiers manquent de vivres et peinent à communiquer avec Le Monde extérieur en raison des coupures des communications et d’internet.
La résolution de l’Assemblée générale exige du gouvernement syrien qu’il mette fin à ses attaques contre sa population civile, soutient les efforts de la Ligue arabe pour assurer une transition démocratique à Damas et recommande la nomination d’un envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie.
Mais ce texte a une portée essentiellement symbolique, l’Assemblée étant un organe consultatif sans droit de veto, contrairement au Conseil de sécurité où les résolution condamnant Damas ont été bloquées par Moscou et Pékin.
Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, qui s’est déjà déclaré opposé à un « changement de régime amené par la force », effectue vendredi une visite en Syrie.
Le Premier ministre mauritanien Moulaye Ould Mohamed Laghdaf est également attendu en Syrie, où il doit remettre un message au président pour l’inciter à « collaborer avec la Ligue arabe ».
Les Européens, de leur côté, connaissent des divergences et l’UE pourrait de fait revoir ses ambitions de durcir les sanctions contre le régime syrien, selon des sources diplomatiques.
Jeudi, les opposants syriens ont rejeté en bloc un projet de nouvelle Constitution proposé par le régime, et appelé à boycotter le référendum prévu le 26 février.
Le texte ouvre la voie au multipartisme en mettant fin à la primauté du parti Baas au pouvoir depuis près de 50 ans, mais cette revendication est dépassée pour l’opposition qui réclame avant toute chose le départ de M. Assad.
Damas « doit d’abord arrêter de tuer ses propres citoyens », avant d’engager un référendum, a déclaré le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, tout en appelant également l’opposition à « mettre un terme aux violences ».
AFP, 17 février 2012
Mise à jour : un nouvel article rendant compte des manifs (et de la répression) :
Syrie: les manifestants défient le régime jusqu’à Damas et Alep
Plusieurs quartiers de Damas et Alep, deuxième ville de Syrie, étaient secoués vendredi par des manifestations inédites, se joignant aux dizaines de milliers de personnes à travers le pays pour réclamer la chute du régime, qui s’acharnait contre la ville rebelle de Homs.
Des Syriens manifestent contre le régime dans la ville de Idlib (nord), le 17 février 2012
Aux cris de « Dégage! », adressés au président Bachar al-Assad, les manifestants ont bravé la répression du régime, qualifiée d' »atroce » vendredi par le président français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique David Cameron et condamnée la veille par l’Assemblée générale de l’ONU.
Mais les forces du régime ont à nouveau tiré sur les manifestants en ce « Vendredi de la résistance populaire », faisant au moins un mort et une dizaine de blessés dans le quartier de Mazzé, dans l’ouest de la capitale, selon une ONG syrienne.
« C’est la première fois que les manifestations s’étendent aux quartiers chics », a affirmé à l’AFP Moaz Chami, des Comités locaux de coordination –qui chapeautent la contestation sur le terrain–, sans préciser le nombre de manifestants.
Relativement peu touchée par la révolte, la ville d’Alep Nord) a également été mobilisée dans au moins 12 quartiers, ainsi qu’en province. « Liberté pour toujours, que tu le veuilles ou pas Bachar », criaient les habitants dans la localité de Kallassa.
« Nous ne cèderons pas face aux chars et aux canons », « Nous avons le peuple, ils ont l’armée », scandaient des manifestants dans la province d’Idleb (nord-ouest) qui a connu des manifestations massives, à l’instar de la province de Deraa (sud), où une personne a été tuée par des tirs.
Les militants anti-régime avaient appelé à cette mobilisation évoquant une « nouvelle étape » dans leur action face à la répression de la révolte qui a coûté la vie à plusieurs milliers de personnes depuis mars 2011.
Au total, les violences ont fait 16 morts vendredi, dont cinq civils morts dans le quartier de Baba Amr à Homs (centre), touché par le bombardement le plus violent depuis deux semaines, selon des militants sur place.
« C’est d’une violence extrême, on n’a jamais connu ça. C’est en moyenne quatre roquettes tirées par minute », a affirmé à l’AFP Hadi Abdallah, membre de la Commission générale de la révolution syrienne.
« Il y a eu 1.800 blessés en deux semaines », a rapporté le docteur al-Hazzouri à Baba Amr, joint par l’AFP via Skype, évoquant des blessés « qui souffrent en attendant la mort ».
Des militants dénoncent régulièrement une crise humanitaire à Homs, dont plusieurs quartiers manquent de vivres et d’aide médicale et peinent à communiquer avec Le Monde extérieur.
Le nouveau pilonnage de Baba Amr intervient au lendemain de l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU à une écrasante majorité d’une résolution dénonçant la répression et soutenant un plan arabe appelant au départ du président Assad.
Mais ce texte a une portée essentiellement symbolique, les membres l’Assemblée ne disposant pas du droit de veto comme ceux du Conseil de sécurité, où Moscou et Pékin, alliées de Damas, ont bloqué déjà deux résolutions.
« Nous n’accepterons pas qu’un dictateur puisse massacrer son peuple », a rappelé le président Nicolas Sarkozy lors d’une conférence de presse à Paris avec M. Cameron qui a appelé à « mettre au maximum Bachar al-Assad sous pression (…) pour qu’il arrête la boucherie actuellement en cours ».
Mais à Damas, quelques jours après l’annonce d’un référendum la semaine prochaine sur un projet de nouvelle Constitution ouvrant la voie au multipartisme, M. Assad parlait toujours de réformes, qui doivent être concomitantes avec « le retour au calme », a-t-il dit au Premier ministre mauritanien Moulaye Ould Mohamed Laghdaf.
M. Laghdaf était à Damas pour inviter le président syrien à « collaborer avec la Ligue arabe ». Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, opposé à un « changement de régime amené par la force », est également attendu vendredi en Syrie.
Dans le même temps, des divergences apparaissaient au sein de l’Union européenne qui pourrait revoir ses ambitions de durcir les sanctions contre le régime, selon des sources diplomatiques.
Au Caire, des centaines d’Egyptiens et de Syriens ont réclamé l’expulsion de l’ambassadeur syrien lors d’une manifestation.
Par ailleurs, un journaliste du New York Times, Anthony Shadid, prix Pulitzer, est décédé jeudi, apparemment des suites d’une crise d’asthme, déclenchée par les chevaux de ses guides, lors d’un reportage clandestin en Syrie, a annoncé le quotidien américain.
AFP, 17 février 2012