Mercredi matin, à 8 h 45, les policiers sont arrivés au 1 bis de la rue Saint-Hilaire. Là, ils trouvent quatre jeunes femmes, des préservatifs et des doses de gel lubrifiant, plus de 2.500 € en liquide dans une valise, des vêtements féminins en grand nombre, des perruques de toutes les couleurs…
« Je leur ai jamais demandé de ramener des clients »
Bref, tout le matériel nécessaire pour que de jeunes femmes puissent pratiquer des passes. Au fil de leurs surveillances, les enquêteurs voient défiler les clients et les filles. Certains racontent. Comme, Richard, venu de La Rochelle. « Je ne voulais pas que ça se fasse dans la voiture », explique-t-il aux policiers. « Elle a dit d’accord, mais ça sera 100 €. Elle m’a emmené dans un appartement de la rue Saint-Hilaire. Une femme m’a ouvert… » Une fois l’affaire faite, il est reparti, allégé des 90 € qu’il avait sur lui. Deux clients racontent la même chose aux policiers. Et puis, il y a les dires des voisins, excédés du trop grand passage qui, depuis juillet dernier, mène des automobilistes toujours vers ce même appartement. Alors, des quatre filles arrêtées mercredi matin, une seule a été renvoyée devant la justice hier, en comparution immédiate : la locataire des lieux, soupçonnée d’avoir aidé, assisté et protéger des filles se livrant à la prostitution. Une proxénète de 27 ans, une mama, qui joue l’étonnement à la barre. Elle gémit en contestant ce que lui traduit l’interprète en langue anglaise. Elle tente de biaiser à tour de bras, répond à côté, nie puis reconnaît du bout des lèvres. « Oui, c’est possible que ce soit arrivé. Oui, des jeunes femmes dorment chez moi, mais chez nous, c’est comme ça, quand quelqu’un à besoin, on l’accueille. Oui je sais qu’elles se prostituent, mais je ne leur ai jamais demandé de ramener des clients. » Favour concède se prostituer deux à trois fois par semaines, mais jamais dans l’appartement. Pour le procureur, Mathieu Gaite, Favour est un maillon d’un réseau plus large. « Ces réseaux, il faut les fragiliser. C’est la misère qui exploite la misère, toutes ces femmes ont la même nationalité. » Il requiert six mois de prison ferme, l’incarcération et l’interdiction définitive du territoire français. Impossible, réagit le défenseur de la jeune femme. « Elle a un titre de réfugiée pour dix ans. » Sur les faits d’aide à la prostitution, Me Dauvizis, s’étonne encore et plaide la relaxe. « Qu’elle aide apporte-t-elle ? Quel profit en a-t-elle tiré ? Ce qu’on a trouvé, c’est l’argent de sa propre prostitution ! » Le tribunal a reconnu Favour coupable d’avoir aidé quatre filles et non six. Elle a été condamnée à six mois de prison dont deux ferme. Elle a été écrouée.
en savoir plus
Son parcours, c’est son avocat qui le raconte. Violentée dans son pays, Favour arrive en France en 2007, passe par Beauvais puis arrive à Poitiers où un bénévole du Toit du Monde l’aide notamment à avoir son appartement et le RSA. Ils auront même une liaison. « Non tarifée », précise l’avocat. « Pendant un an et demi, elle n’a posé aucun problème. »
Nouvelle République, Emmanuel Coupaye, 16 mars 2012
ndPN : ainsi donc et comme toujours, c’est sur les femmes, les précaires, les pauvres, les étrangèr-e-s, que s’abat la répression étatique. La prostitution en fournit régulièrement un exemple flagrant. Quid des clients ? Quid des exploiteurs ? Quid des conditions matérielles conduisant des personnes à se prostituer ? La misère est indissociable de l’autorité patriarcale, étatiste et capitaliste. Au-delà du débat judiciaire et politicien sur la prostitution (et le proxénétisme, terme souvent fourre-tout, qui ne semble d’ailleurs pas avéré au tribunal en termes de preuves matérielles pour la jeune femme condamnée), se lit cet acharnement de la bien-pensance bourgeoise contre les personnes les plus fragilisées par ce système pourri.
Concernant la forme de cet article de la Nouvelle République, deux remarques : pourquoi évoquer la relation que cette femme a eue autrefois avec « un bénévole du Toit du monde » ?? C’est quoi l’intérêt et qu’y a-t-il de répréhensible ? C’est quoi le rapport avec la condamnation ? Est-ce la solidarité qui est ici ciblée par le journaliste ? D’autre part, ce n’est pas la première fois que ce journal parle de « mama » pour désigner une femme africaine dans une histoire de prostitution. Pourquoi ce terme ? Est-elle maman et dans ce cas, pourquoi n’est-ce pas évoqué dans le cadre de cette condamnation ? Est-ce plutôt parce qu’elle est d’origine africaine, auquel cas pourquoi ce diminutif spécifique, ce sobriquet pour désigner cette femme ? Désigner différemment des personnes parce qu’elles sont d’origine étrangère est pour le moins nauséabond, d’autant plus que ce n’est pas la première fois.
Plus que jamais : solidarité avec les femmes, les pauvres, les étranger-e-s, qui subissent au quotidien l’exploitation et la répression.