NdPN : l’agriculture industrielle constitue un véritable cas d’école pour constater l’inanité des discours sur la « croissance verte ». Illustration avec le dernier rapport de l’ARS sur la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.
La ressource en eau potable se dégrade en sous-sol
Un rapport de l’agence régionale de santé s’inquiète de la pollution des nappes superficielles par les activités agricoles intensives.
C’est l’enseignement le plus édifiant du dernier rapport sur la qualité des eaux destinées à la consommation humaine publié tous les deux ans par l’Agence régionale santé (ARS) : la ressource en eau se dégrade de manière très sensible dans la région. Particulièrement dans les plaines céréalières de l’ouest de la Vienne où l’activité agricole intensive a entraîné une hausse des pollutions par les pesticides et les nitrates.
Dans ce secteur, du Loudunais au Civraisien, la plupart des nappes superficielles dépassent par exemple le seuil de 50 mg/l qui marque la concentration maximale de nitrates à respecter dans les eaux brutes destinées à la potabilisation. L’ARS juge d’ailleurs cette « contamination préoccupante ».
« Le syndicat d’eau de Civray a opté pour la création d’une usine de dénitrification »
« Jusqu’à présent, il n’y avait aucune unité de traitement pour les nitrates dans la Vienne ; il n’y avait que des mélanges entre les eaux des nappes superficielles, dites libres, et plus profondes, que l’on appelle captives, pour parvenir à distribuer une eau qui réponde aux exigences », explique Jean-Claude Parnaudeau, ingénieur sanitaire à la direction de la santé publique de l’ARS. « Le problème devient tel avec un certain type d’agriculture sur un certain type de sol en cas de pluies abondantes que le syndicat d’eau de Civray a opté pour la création d’une usine de dénitrification. » Les quatre programmes d’actions menés dans les zones vulnérables pour protéger les nappes sont parvenus à freiner le phénomène mais pas à inverser la tendance, ajoute le spécialiste. Quant aux pesticides, plusieurs contaminations ont été constatées. Y compris depuis l’étude de l’ARS. Le problème s’est posé en 2013 à Chauvigny où du métolachlore utilisé dans l’agriculture a été retrouvé dans l’eau du robinet nécessitant la mise en place d’une unité mobile de traitement en juillet. Mais aussi à La Trimouille où la présence d’acétochlore, un herbicide utilisé dans la culture du maïs, a été détectée.
Trop de fer et de fluor en profondeur
Dans le cas de Chauvigny, l’UFC Que Choisir vient d’ailleurs de faire savoir qu’une plainte avait été déposée. « La solution du mélange des eaux profondes et superficielles va rapidement montrer ses limites », estime Jean-Claude Parnaudeau. « On a été obligé d’abandonner de très belles nappes libres comme celle de La Grimaudière qui produisait 400 m3/h mais on ne trouve pas de nappes captives partout sur le territoire, leur débit et plus faible et elles se renouvellent plus difficilement. » Autre inconvénient : les eaux issues des nappes profondes présentent souvent de fortes teneurs en fer, en arsenic, en sélénium ou en fluor qui nécessitent « des traitements coûteux », fait remarquer le rapport de l’agence de santé. « On a la chance de disposer globalement d’une eau de bonne qualité dans la Vienne mais la question des périmètres de protection n’est pas réglée pour préserver la ressource », estime l’ingénieur sanitaire. « Il faudra surtout réfléchir à une politique agricole différente. »
Baptiste Bize, Nouvelle République, 16 janvier 2014