[Poitiers] Fachos… épiphénomène d’une fascisation institutionnelle

Une fois de plus, la Nouvelle République se fait le relais des groupusculaires activités « militantes » de quelques gugusses poitevins « génération identitaire », qui n’atteignent même pas le nombre de doigts d’une main. Une dizaine d’autocollants consternants ici et là en ville, toujours recouverts par les antifascistes poitevins. Deux-trois tags grotesques ici et là, c’est-à-dire rien, que dalle comparés au nombre de tags et de visuels antifascistes et anticapitalistes qui montrent assez que la rue de Poitiers est, et restera, antifasciste. De fait, les guignols de Génération identitaire ne dépassent pas quelques jeunes paumés sur Poitiers, qui se déplacent en groupe de peur de prendre une raclée. Quant à la menace prétendue que représenteraient les membres de ce groupe ridicule, il ne s’agit que d’intimidation verbale, et encore (n’écoutant que leur courage), face à des individus isolés – comme après la dispersion de la dernière manif lycéenne contre l’expulsion par l’Etat français d’élèves « étrangers », où trois identitaires isolés s’étaient contentés d’une piteuse « quenelle » avant de tourner les talons (trop rebelles les gars).

Bref, ledit groupuscule ne fait qu’adopter une stratégie de spectacle médiatique, typique du Bloc identitaire (voir l’occupation de la mosquée de Poitiers, essentiellement faite par des identitaires venus de l’extérieur du département), avec des autocollants et tags, certes puants, mais minables, et l’entretien d’une page facebook pour tout sommet de propagande intellectuelle. Il s’agit, pour ces quelques fachos en herbe, de pallier à leur activité militante somme toute (et fort heureusement) dérisoire. Et s’il y a toujours eu des tags et des autocs d’extrême-droite, à Poitiers comme ailleurs, il y a toujours aussi eu des antifascistes autrement plus nombreux pour les recouvrir comme il se doit.

Alors pourquoi diantre la NR et l’UNEF relaient-ils ces petites crottes de biques fachoïdes dans l’espace public ? On se rappelle que la NR avait aussi amplement relayé les honteux rassemblements anti-mariage gay, auxquels participaient justement les bouffons identitaires. Nous nous rappelons encore avec amusement ce personnage en combinaison ailée et moule-bite de la « manif pour tous », tiraillé entre tee-shirts roses et bleus, ou les prières de rue avec petites bougies. Nous nous rappelons aussi nos contre-rassemblements joyeux et rageurs, contrecarrant la morgue morne de ces frustrés du cul, malgré l’aide éhontée de la police de Poitiers aux participant.e.s des rassemblements anti-avortement, sexistes, homophobes. Nous n’oublions pas non plus de quel côté se rangeait la police, filmant, harcelant et embarquant nos camarades antifascistes.

Pourquoi donc une telle pub faite par la presse, à quelques gribouillages récents de réacs et fachos (autocs et tags racistes)… comme par hasard juste avant le déplacement de Le Pen à Poitiers, qui viendra soutenir un ex-flic candidat du FN en loucedé dans un hôtel de la route de Paris ?

Nous avons une petite hypothèse : pour les médias comme pour les partis participant au jeu électoraliste, il s’agit de faire monter le bourrichon d’une pseudo-unité « républicaine » et « démocratique » contre l’extrême-droite, à l’approche d’échéances électorales. Aura-t-on encore droit à une manif « anti-Le Pen » à Poitiers, rassemblant le PS et les partis qui postulent au pouvoir municipal ? Ouf, la liberté sera sauve !

Nous pensons que si le pouvoir politique et médiatique fait passer ces quelques partisans d’un fascisme réac et désuet pour une menace réelle, c’est pour mieux occulter sa propre fascisation. Les autoritaires de tout poil sont tous contents : les petits fachos de voir leur petit buzz consistant à se faire passer pour des rebelles anti-système gonflé en baudruche par médias et partis au pouvoir ; lesdits partis et leurs organes de presse de se faire passer pour des grands humanistes dans la lutte contre le Mal Absolu, tout en continuant à distinguer « français » et « étrangers », et en appelant bien entendu à voter pour eux pour faire barrage au « fascisme ».

C’est exactement le même spectacle consternant qui s’est imposé dans les médias lors de la dernière « affaire » Valls-Dieudonné : pour les bienheureux-ses qui ne liraient plus les torchons de la presse mainstream ni ne regarderaient le petit écran, il s’agit donc d’un ministre de l’Intérieur (Valls) qui fait de la promo gratos et juteuse pour un type (Dieudonné) qui divise le prolétariat avec des thèses antisémites (et qui doit sans doute remercier Valls de lui faire de la pub), en interdisant ses spectacles alors même que ledit Dieudonné fait depuis longtemps son beurre grâce à sa figure de pseudo-rebelle anti-système. Le ministre fait mine de lutter contre ces thèses, se donnant l’aura de l’intransigeance républicaine contre le racisme et l’antisémitisme, alors même qu’il harcèle et expulse étrangers et s’acharne contre les campements roms au quotidien, avec une violence autrement plus conséquente que celle de quelques phrases puantes balourdées sur le web ou sur des planches par Dieudonné et ses complices. Merci encore aux médias d’avoir relayé cette « affaire », qui n’a profité qu’à la diffusion de discours antisémites, en légitimant leur posture « anti-système » !

« Anti-système » les fachos, vraiment ? Mais que répètent les identitaires dans leurs discours miteux, sinon la même chose que le pouvoir ? A savoir qu’il serait nécessaire d’expulser les « étrangers » ? Que 732 aurait vu l’occident refouler l’islam ? Que l’homme et la femme ont des essences différentes ? Que les homos ne devraient pas avoir les mêmes droits ? Que les classes dominantes et dominées doivent « s’unir » dans la nation ? Etc. Ces âneries ne sont que l’écho des discours gouvernementaux produits par la droite comme par la gauche contre les étrangers pour promouvoir le capitalisme dans son aspect d’économie d’échelle et diviser le prolétariat ; l’écho des mythes nationalistes gouvernementaux encore propagés par les manuels scolaires de la république sur une anecdotique bataille qui n’avait rien de religieux, pour promouvoir la théorie néoraciste du « choc des civilisations » et l’intervention colonialiste occidentale dans des pays aussi pauvres que riches en ressources naturelles ; l’écho des attaques gouvernementales partout contre les droits des femmes (voir la baisse des moyens concrets de l’IVG en France, voire la marche vers l’interdiction d’avorter comme en Espagne) ; l’écho du refus par le gouvernement de la PMA pour les lesbiennes ou encore du rejet de l’enseignement du genre à l’école (alors que la définition de ce qui serait « masculin » ou « féminin » ne relève bien évidemment que de la culture, en l’occurrence une culture patriarcale), toujours dans l’optique d’une séparation et d’une d’essentialisation des individus selon leur sexe, sous couvert de « parité » dans la misère politique et économique ; l’écho d’un nationalisme, d’un « produire français » et d’un « partenariat social » Etat-patronat-syndicats, pour étouffer la plus que jamais nécessaire lutte de classe.

En fait de « rebelles anti-système », les imbéciles d’extrême-droite ne sont que les perroquets criards des discours éternels du système autoritaire de l’Etat et du capitalisme : la division des dominé.e.s et des exploité.e.s. en catégories étanches imposées aux prolétaires, pour les empêcher de se révolter contre leurs véritables exploiteurs et dominateurs. La véritable fascisation en cours, typique des périodes dites de « crise », montre avant tout son sale groin dans les sphères du pouvoir économique, politique et médiatique, et elle y est autrement plus efficiente et dangereuse. Cette fascisation est le corollaire d’une offensive capitaliste tous azimuts, avec la démolition des droits sociaux, la précarisation toujours accrue des salarié.e.s et des chômeur.euse.s, la répression policière et juridique grandissante des gens en lutte. Le pouvoir étatique et capitaliste répond partout aux luttes sociales par la division des dominé.e.s et par le renforcement de dispositifs de répression et de contrôle social.

Pour nous, l’antifascisme ne consiste donc certainement pas à faire « l’unité républicaine » avec un PS dont toute l’histoire est jalonnée de violences coloniales, racistes et discriminatoires au même titre que la droite*. Le PS, à Poitiers comme ailleurs, cautionne sans réserve des institutions telles que la police et la « justice », qui montrent clairement de quel côté elles se rangent à chaque rassemblement anti-fasciste : flics faisant un cordon de protection autour des réacs et crânes rasés qui les applaudissent, flics harcelant les antifascistes, les filmant, et parfois les frappant, les embarquant en garde-à-vue et les traînant au tribunal. Rappelons qu’à l’issue d’une manif en hommage à Clément Méric, un militant a récemment été condamné à payer une amende, et des dommages et intérêts pour « outrage » à un chef de la police locale, suite à une chansonnette antifasciste chantée dans le cortège contre la police. Les partis qui se prétendent « antifascistes » n’ont pas daigné montrer le bout du nez au procès pour soutenir le camarade. Un militant de la « gauche de la gauche » nous avait même auparavant sorti, tout indigné par ladite chansonnette, que les policiers étaient des prolétaires nécessaires à la bonne application des lois de la république.

Pour nous anti-autoritaires, l’antifascisme ne consiste pas qu’à combattre directement (et comme il se doit !) les activités de quelques racistes agités en recouvrant leurs autocollants stupides, en leur signifiant que les rues ne sont pas à eux ou en faisant des manifs antifascistes. Bien sûr qu’il faut le faire, pour leur rentrer le nez dans le sable, parce que leur discours peut séduire d’autres personnes aussi politiquement paumées qu’eux, dans un tel contexte actuel de démolition tous azimuts des liens sociaux, et de colère grandissante contre la bureaucratie d’Etat. Mais notre antifascisme consiste aussi et surtout à combattre radicalement la source véritable de toute dynamique fascisante, c’est-à-dire à lutter pied à pied contre la domination patriarcale, étatiste et capitaliste, sous toutes ses formes ; à commencer par ses formes institutionnelles écrasantes qui, par leurs politiques toujours plus agressives et aliénantes de précarisation, de stigmatisation discriminatoire, d’expulsion, de gentrification, de répression policière et de contrôle social à tout-va, ne cessent de s’attaquer à nos vies !

Hier, maintenant et toujours : action directe contre le fascisme.

J., Pavillon Noir, 17 janvier 2014

* Pour rappel, quelques phrases de ces célèbres figures de la gauche, démontrant que celle-ci n’a pas attendu le gouvernement actuel pour justifier ses politiques racistes : « Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. » (Jules Ferry, 1885). « Nous admettons qu’il peut y avoir non seulement un droit, mais un devoir de ce qu’on appelle les races supérieures, revendiquant quelquefois pour elles un privilège quelque peu indu, d’attirer à elles les races qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de civilisation » (Léon Blum, 1925). « Des Flandres jusqu’au Congo, s’il y a quelques différences dans l’application de nos lois, partout la loi s’impose et cette loi, c’est la loi française » (François Mitterrand, 1954).