Sexistes, homophobes, transphobes, censeurs, intégristes, fascistes : hors de nos villes hors de nos vies !
Dimanche 2 février 2014, « La manif pour tous » a donc redéfilé à Paris (entre 80.000 et 500.000 personnes) et à Lyon (entre 20.000 et 40.000). Ce n’est pas un hasard : ces manifs aux revendications nauséabondes interviennent une semaine après la manif « jour de colère » (en latin dies irae qui est aussi le nom, hasard ou pas, d’une organisation d’extrême-droite ayant déjà défrayé la chronique). Lors de cette précédente manif, des partisans de cette « manif pour tous » s’étaient déjà retrouvés à défiler auprès de fascistes prononçant des slogans antisémites et négationnistes.
Bien évidemment, des responsables religieux de diverses obédiences sont venues apporter leur soutien physique, montrant une fois de plus que sous leurs discours mielleux d’adhésion aux valeurs « républicaines », se cachent toujours le sexisme et l’homophobie les plus crasses. Le christianisme d’abord, encore et toujours, avec le pape François ayant récemment réitéré son rejet de l’avortement et du mariage homo, et l’offensive catholique en Espagne contre le droit à l’avortement. L’évêque homophobe Barbarin, qui compare l’homosexualité à une « invasion microbienne », a défilé en tête de cortège à Lyon. L’islam n’est pas en reste, avec une banderole « Les musulmans français contre le mariage homosexuel », et le recteur de la Grande Mosquée de Lyon qui n’a pas hésité à rejoindre son homologue catho Barbarin. Reconnaissons aux représentants du judaïsme leur absence aux manifs cette fois-ci, mais n’oublions pas la tirade homophobe du Grand Rabbin de France, comparant l’homosexualité à un « cheval de Troie ».
Cette nouvelle édition de la « manif pour tous » a été alimentée par un certain nombre de rumeurs grotesques, largement diffusées sur internet (par exemple, la masturbation serait enseignée aux enfants à l’école). Ces rumeurs seraient risibles, si elles n’avaient pas manipulé un certain nombre de familles, au point d’inviter à un jour mensuel d’absence scolaire pour leurs enfants. Elles ont été lancées par divers groupuscules d’extrême-droite, notamment par Farida Belghoul, proche du fasciste Alain Soral et soutenue par les catholiques intégristes de Civitas et l’extrême-droite identitaire du Printemps français.
Les manifestants, femmes en rose et hommes en bleu histoire d’assumer les clichés les plus éculés, disent lutter contre la « familiphobie ». Pourtant, ils dénient le droit de vivre en paix aux enfants et aux parents constituant déjà des familles homoparentales, et n’ont pas manqué de réitérer leur opposition odieuse au mariage homosexuel et à la procréation médicalement assistée pour les couples de lesbiennes souhaitant concevoir un enfant (pour l’instant toujours obligées d’aller dans d’autres pays pour le faire). Leur sempiternel argument, ce serait la supériorité des familles hétérosexuelles quant à l’éducation des enfants. Ainsi l’inénarrable UMP Hervé Mariton : « Il y a un modèle familial : le père, la mère, et les enfants. C’est mieux pour les enfants, c’est mieux pour la société. » Ce genre de propos discriminatoire, à caractère homophobe manifeste, devrait théoriquement tomber sous le coup de la loi… loi hypocrite et inefficace comme toutes les lois, car à géométrie variable selon que vous serez puissant ou faible. L’horreur des discours homophobes relève encore, comme nous le verrons, de la « liberté d’expression »…
Dans la continuité de leur discours homophobe, les partisans de la « manif pour tous » condamnent les études de genre, qui avancent pourtant le constat scientifique, largement partagé par les sociologues et anthropologues, de la nature éminemment culturelle des rôles et comportements attachés aux sexes. Les réacs, peu enclins à débattre d’un constat scientifique, usent de rhétorique, en transformant les études de genre en une prétendue « théorie » du genre, qui serait imposée à l’école et à la société. C’est une façon d’attribuer à une évidence un caractère de spéculation théorique, de façon à la rendre contestable. Il faut dire que pour ces réacs, la réalité scientifique, c’est que Dieu a créé Eve à partir d’une côte d’Adam…
La seule « théorie » fumeuse et néfaste, c’est la théorie religieuse d’irréductibilité des genres, qui imprègne toute la société de ses préjugés sexistes sur les hommes et les femmes. Cette théorie, c’est la patriarcat, toujours aussi nocif, qui maintient les discriminations partout, au travail et au foyer, véhicule les clichés répugnants dans les médias et la publicité, étouffe les femmes sous l’infantilisation et le paternalisme, exerce une infinité de contraintes normatives quotidiennes sur la bonne attitude à observer quand on est née avec un clito; c’est le patriarcat, qui banalise le viol, la domination masculine.
Facile pour ces réacs de défiler « paisible et bon enfant », comme se plaisent à rapporter les médias complaisants, lorsque leurs idées sont déjà à l’oeuvre dans la société, et qu’ils n’ont rien à conquérir, juste un sinistre état des lieux à défendre ! Ce que ne supportent pas ces personnes, c’est qu’il y ait la moindre remise en cause de ces discriminations qu’ils voudraient maintenir comme normes sociales.
Ils veulent ainsi censurer « l’ABCD de l’égalité », un dispositif scolaire pour faire reculer les idées reçues sexistes et patriarcales sur ce que devraient être les « filles » et les « garçons », et les discriminations sexistes à l’école et au travail. Ce matériel pédagogique, dont la diffusion est prévue dans une dizaine d’académies, s’avère pourtant bien timide, se contentant de remettre en question certains clichés sexistes, sans pour autant remettre en question les prétendues « différences » entre les sexes. Mais c’en est déjà trop pour les partisans de la manif discrimination pour tous. Dans le même ordre d’idée, ils exigent la censure du rapport Lunacek remis à la commission européenne, qui ne fait lui aussi que demander à ce que cessent les discriminations sexistes, homophobes et transphobes. Dans le genre théorie du complot, ils évoquent un « lobby LGBT » aux manettes… Enfin, ils soutiennent la pétition de Citizengo, une association intégriste espagnole contre le droit à l’avortement, pour la censure à l’école du film Tomboy de Céline Sciamma, une oeuvre intelligente et sympathique sur les stéréotypes sexistes et l’identité de genre. Non seulement ils sont sexistes, mais l’expression artistique leur file des boutons !
Partout, la posture des porte-paroles réacs consiste à dénoncer de prétendues attaques contre leur « liberté d’expression », alors même que leurs revendications exigent la censure de textes, d’oeuvres ou de contenus scolaires ayant pour visée de réduire les discriminations et promouvoir davantage de liberté. Une porte-parole poitevine de la manif pour tous va jusqu’à dire, sans honte : « On est dans une société du prêt à penser et la Manif Pour Tous n’accepte pas un schéma de société prédéterminé. »
Nous voyons bien là l’impasse à laquelle mène ce terme fourre-tout de « liberté d’expression ». Est-il concevable d’appeler « liberté » la revendication d’un « droit » à discriminer les gens, selon leur orientation sexuelle ou leur identité de genre ? D’appeler « liberté » la revendication de censurer des films et des animations pédagogiques contre les clichés sexistes ? Est-il concevable de nous laisser discriminer, insulter et réprimer pour des choix qui ne regardent que nous, au nom de la « liberté d’expression » de personnes qui voudraient censurer nos désirs, nos corps et nos vies ?
Nous pourrions choisir d’ignorer ces attaques patriarcales, sexistes, homophobes et transphobes, tant elles sont grotesques. De fait, les affiches de la « manif pour tous » assument tellement les stéréotypes sexistes qu’on pourrait se dire qu’il vaudrait mieux en rire, plutôt que d’en pleurer de honte pour eux :
Et les politicards alors ? Christine Boutin n’hésite plus à parler de rapprochement entre droite et extrême-droite, éventant ainsi un secret de Polichinelle… d’autant plus que de nombreux UMP ont défilé, une fois de plus, aux côtés de partisans du FN. Le problème, c’est que le gouvernement de « gauche » cède une fois de plus face à l’attaque des lobbys, bien réels quant à eux, de sexistes et d’homophobes, d’intégristes religieux et d’organisations fascisantes. C’est le même coup que nous refait la gauche au pouvoir, qui avait jugé qu’on pouvait débattre avec les homophobes à propos du mariage homosexuel, au nom de la « liberté d’expression ». Peillon se sent ainsi obligé de concéder aux réacs qu’il y aurait bien des différences entre hommes et femmes (« Corriger les clichés sexistes, ce n’est pas effacer les différences sexuelles. »). Il alimente la confusion en disant « refuser la théorie du genre »… bref, derrière le discours « égalité et « parité » entre les sexes, aucune remise en question assumée des genres imposés, qui sont pourtant au fondement du sexisme. Valls affirme quant à lui, pour la première fois au PS et alors même que la PMA n’est pas en projet, que le gouvernement n’est pas pour la PMA. Valls confirme ainsi les mensonges de Hollande, qui s’était dit à plusieurs reprises favorable à la PMA. Passons sur l’appel du sinistre de l’intérieur à un « sursaut de la gauche » et à la « défense des valeurs républicaines », alors même qu’il continue d’expulser et de réprimer les étrangers à tout-va, et stigmatise les femmes au prétexte qu’elles portent un voile (quoi qu’on pense du voile par ailleurs).
Tout cela s’inscrit dans un retour global des attaques sexistes contre les acquis féministes, comme la remise en cause du droit à l’avortement en Espagne, mais aussi en France avec la fermeture de centres IVG ou la baisse des subventions subie par de nombreux plannings familiaux. Nous n’avons donc rien à attendre, une fois de plus, de ces pseudo « représentants » politiques, dont la priorité manifeste est de maintenir leur place dans les ors du pouvoir. Pour cela, ces personnages cyniques n’hésitent pas à renoncer à leurs promesses, et à assumer « le dialogue » avec la haine sexiste, homophobe et transphobe, à défendre « l’écoute » vis-à-vis des partisans de la discrimination comme norme sociale.
Avis à tous les sexistes, homophobes, transphobes, politicards, fachos et intégristes de toute religion qui voudraient nous interdire de disposer librement de nos corps, de nous définir sexuellement comme nous l’entendons, d’aimer celles et ceux que nous aimons : on ne vous laissera pas nous marcher sur la gueule ! Hors de question de vous laisser banaliser dans la rue, au nom de la « liberté d’expression », vos atteintes verbales et physiques à nos libertés.
A toutes vos agressions, vos insultes, vos discriminations et vos manifs homophobes et sexistes « bon enfant », nous répondrons comme il se doit : coup pour coup !
Juanito, Pavillon Noir, 3 février 2014