[Fontenay-le-Comte – 85] La grande muette sexiste

NdPN : alors qu’un livre récent (La guerre invisible) relate le sexisme puant de l’armée à travers tout un tas de cas de violences sexuelles contre les femmes, une nouvelle affaire vient d’être révélée en Vendée : une stagiaire de l’armée, qui a été filmée nue à son insu par un sergent, aurait été contrainte de démissionner suite à un chantage.

Filmée nue à son insu, une stagiaire de l’armée contrainte à la démission

Le tribunal administratif de Nantes a suspendu en référé la démission d’une stagiaire de l’armée, contrainte au départ après avoir porté plainte contre un sergent qui l’avait filmée nue sous sa douche, a indiqué lundi l’avocat de la stagiaire.

La jeune femme, qui suivait une formation d’agent de restauration au Centre militaire de formation professionnelle de Fontenay-le-Comte (Vendée), avait porté plainte le 20 novembre dernier après avoir été filmée nue par un sergent à son insu, alors qu’elle prenait sa douche après son service.

« Les casernements étant malheureusement mixtes », ce dernier a « passé un téléphone portable entre le bas de la cabine et le sol », a expliqué l’avocat de la jeune femme, Me Jacques Delacharlerie. Les faits se sont produits le soir de la qualification de l’équipe de France de football pour la Coupe du monde.

La jeune femme de 25 ans, originaire de la Martinique et stagiaire volontaire du service militaire adapté, soutient avoir été contrainte de demander la résiliation de son contrat de dix mois au sein de l’armée pour convenances personnelles en représailles à son dépôt de plainte, note le tribunal administratif dans son ordonnance du 28 février, dont l’AFP a obtenu copie.

Elle affirme qu’il lui a été « demandé de présenter une demande de résiliation de son contrat selon un modèle qui lui a été fourni, sous la menace d’être considérée comme en situation de désertion », poursuit le texte.

« A croire que c’était moi qui étais coupable de quelque chose, je n’ai senti à aucun moment que j’étais soutenue », a témoigné la jeune femme à une correspondante de l’AFP.

« Ils ont commencé par me demander si ça ne me dérangeait pas de démissionner mais je leur ai fait clairement comprendre que je resterai », a-t-elle expliqué, en indiquant avoir été ensuite convoquée le 20 décembre « dans le bureau du colonel où il m’a dit ‘pour vous c’est terminé, pour le bien-être de la formation, des élèves, des formateurs' ».

La stagiaire avait saisi la justice administrative le 7 février pour réclamer la suspension de la résiliation de son contrat.

« On a fait pression pour qu’elle démissionne », a affirmé Me Delacharlerie à l’AFP. « Elle aurait dû être protégée, et on lui dit ‘c’est toi qui t’en va' », a-t-il regretté.

Le 27 février, Jean-Yves Le Drian a demandé l’ouverture d’une enquête interne au ministère de la Défense sur les violences sexuelles et les cas de harcèlement commis à l’encontre des femmes dans les armées françaises. Cette enquête fait suite à la publication, le même jour, d’un livre intitulé « La guerre invisible », qui évoque une quarantaine de cas de ce type survenus ces dernières années.

La décision du tribunal administratif de Nantes est provisoire, a souligné Me Delacharlerie, l’affaire devant encore être jugée au fond par le tribunal administratif.

AFP, 10 mars 2014