Depuis quinze jours, à Poitiers comme ailleurs, les greffes manifestent à midi sur les marches du palais d’injustice. Faut-il soutenir celles et ceux qui vivent de l’écriture et de « l’authentification » de toutes ces décisions qui ne sont pas les nôtres et qui, le plus souvent, nous pourrissent la vie ? Ces fonctionnaires peu reconnus (dont le métier ne consiste pourtant pas qu’à faire des compte-rendus et à mettre des coups de tampons) ne sont ni juges ni procs, mais sans eux.elles et leurs petites mains, la justice bourgeoise ne fonctionnerait pas… contradiction d’un Etat qui repose sur la répression juridique des pauvres, et qui en tant qu’employeur étatique méprise et appauvrit ses propres scribes.
Quoi qu’on pense de leurs revendications (les nôtres n’ayant pas grand chose à voir avec les leurs, nous serions plutôt enclins à abolir la « justice » bourgeoise !), on ne peut que se réjouir d’un mouvement social faisant de fait grincer la machine à réprimer. Dans une vidéo de la Nouvelle République, un slogan a retenu notre attention : « du pognon, ou la révolution ». Une piste de réflexion : si révolution il y a, autant nous nous passerions bien de juges et de procs professionnels décidant à nos places, autant nous aurions sans doute besoin de prendre en note nos décisions (ne serait-ce que pour nous souvenir de nos discussions, contrôler l’activité des mandaté.e.s, mesurer l’écart entre leurs compte-rendus et les tâches qui leur ont été confiées), mais aussi nos besoins, nos ressources et nos productions, pour garantir à tou.te.s l’accès aux biens. Sans reproduire le schéma capitaliste et bureaucratique de la division du travail, certaines connaissances des greffes, jusqu’ici employées par nos adversaires, pourraient alors rendre bien des services à tou.te.s.
Que les greffes subvertissent leurs rôles, et greffent leurs savoir-faire sur d’autres perspectives que l’entérinement juridique de la domination sociale… en voilà, une belle idée révolutionnaire !
Juanito, 11 avril 2014