[86] Ici comme ailleurs, les gestionnaires du désastre travaillent

Divers articles de la Nouvelle République d’aujourd’hui illustrent, chacun à leur manière, la façon dont les décideurs politiques et économiques gèrent le modèle de dévastation sociale et écologique qui les nourrit grassement : il leur suffit de se faire passer pour des philanthropes soucieux de notre bonheur, en arrondissant les angles ici et là, quand l’inquiétude légitime des populations, voire la contestation contre leur domination cynique, prennent de l’ampleur. Du palliatif et du rideau de fumée comme spectacles de la dépossession…

lune

Ainsi des maires. L’humble maire de Poitiers, pour exemple, touche 2000 euros par mois pour sa fonction (en plus des indemnités de député, pour rappel notre article à ce sujet), et ses adjoints touchent 1315 euros nets avant impôt. Réunis dans la même personne, on a d’une part un député qui n’hésite pas à donner son accord, avec son parti « socialiste », à la baisse des dotations globales de fonctionnement des communes au niveau national (moins un million pour Poitiers), et un maire qui affirme que la mairie « joue un rôle d’amortisseur social » (la belle formule, tout un programme en soi !) en distribuant les subsides aux structures d’encadrement de la misère (quartiers, écoles, CCAS, culture…)… tout en poursuivant les investissements dans des chantiers juteux pour les entreprises privées du coin. Le tout résumé en préservation du « pouvoir d’achat », qui n’est somme toute que la permission de survie que, dans son immense mansuétude, nous accorde le pouvoir, sous son apparence bonhomme en écharpe tricolore.

Ainsi de cet Auchan de Chasseneuil-du-Poitou. Un hypermarché comme les autres, maillon fondamental de la chaîne de reproduction du capital par la consommation de masse de produits et gadgets socialement et écologiquement destructeurs. Le directeur se flatte, comme tant d’autres, de participer à une politique de « profitdéveloppement durable ». Ici, en perchant cinq pauvres ruches sur le toit de son usine à consommer l’aliénation. Ainsi, les abeilles seront un peu moins ravagées par les flux automobiles, ces engins qui sont justement indispensables au fonctionnement du système de production et de consommation, les hypermarchés étant indissociables de l’horreur automobile. Elles seront peut-être aussi un peu moins ravagées par ces pesticides qui déciment les abeilles afin de produire la bouffe cancérigène qui s’étale dans les mêmes supermarchés… Le responsable d’exploitation technique du site, quant à lui, n’hésite pas à se targuer d’une « démarche sociétale », puisque des enfants vont mettre le miel en pots et y coller les étiquettes, pots qui seront ensuite étalés dans les rayons de la ruche hypermarchesque. C’est trognon !

Ainsi de cet inspecteur d’académie. Face à la colère des parents d’élèves concerné.e.s par des fermetures de classe dans des zones rurales et urbaines déjà durement frappées par la pauvreté, il lève six fermetures de classes histoire de faire son « je vous ai compris », tout en maintenant la fermeture de quinze autres classes. Une représentante du SNUIPP-FSU, qui déplore que le monde rural ait été si touché par les fermetures de classe, affirme malgré tout que « le climat est satisfaisant », et qu’il y a eu « une vraie attention de la part de l’inspecteur d’académie ». Bravo, monsieur le gestionnaire !

Ainsi, enfin, de cet exercice de banalisation du terrorisme industriel. Sous forme d’un exercice de confinement de toute la population d’un lycée châtellraudais, dans le cadre d’un Plan particulier de mise en sûreté (PPMS). Le système étatique et capitaliste produit du risque chimique et nucléaire constant, mais ne paniquons pas, il nous prodigue aussi les gestes qui sauvent (ici, dans le cas d’un nuage toxique, qui s’arrêtera bien entendu aux frontières du calfeutrage improvisé) : rester calme et bien discipliné.e.s, pour survivre.

Mais que ferions-nous sans tous ces sauveurs et autres bienfaiteurs, veillant généreusement sur notre misère ! Se poser la question, c’est peut-être déjà commencer à y répondre…

Juanito, Pavillon Noir, 15 avril 2014