De quoi la fusion régionale est-elle le nom ?

Le gouvernement l’avait prévu, les aménageurs de territoires et de vies le souhaitaient : la France va donc réduire son nombre de régions administratives, de 22 à 14. Volonté de métropolisation des espaces, avec des centres (des « pôles ») politiques et économiques subordonnant tous les territoires à la logique du contrôle social, de la technocratie, de la marchandise, de la mise en concurrence.

Au vu des prises de position changeantes d’élus et de ministres, des annonces contradictoires et des démentis divers, le moins qu’on puisse dire est que cette question des fusions de régions, dans le cadre de la réforme territoriale, a été agitée par des enjeux économiques et politicards importants. Certains élus voire ministres se sont plaints d’être ignorés quand d’autres paraissaient plus entendus, et mieux au courant.

Dernière péripétie en date autour des Pays de la Loire, disputés par des barons locaux et annoncés comme fusionnés avec le Poitou-Charentes ou avec la Bretagne, pour finalement se retrouver en statu quo. Il n’y aura finalement pas de « réunification » de la Bretagne : le projet délirant de métropole Nantes-Saint-Nazaire (comprenant celui d’un nouvel aéroport à NDDL) est passé par là, avec son VRP Auxiette en tête.

Mais s’il y a bien un point commun entre tous ces bureaucrates et leurs petits calculs mégalomaniaques, c’est qu’il est hors de question de consulter les millions de personnes habitant les territoires concernés. Et puis quoi encore ? Voici leur conception de la « démocratie participative », magnifiquement présentée par Jean-François Macaire, nouveau président de la région Poitou-Charentes (extrait d’un article de la Nouvelle République du 3 juin 2014) :

Hier après-midi, avant l’annonce sur les réseaux sociaux d’un possible mariage avec les Pays de la Loire, Ségolène Royal tendait la main à son voisin qui, semble-t-il, avait prioritairement préféré le rattachement à la Bretagne. Sauf que les Bretons n’en voulaient pas. « Tout est parti de là », croit savoir Jean-François Macaire, président du conseil régional de Poitou-Charentes. Un président, sur la même ligne que Ségolène Royal, qui refuse très clairement « un référendum local ». « Ce n’est pas la décision adaptée à la situation : quand les élus posent la question, ils doivent être en mesure d’avoir la réponse. En matière de démocratie participative, on décide sur le champ de compétence sur lequel on est décideur. » Pour le successeur de Ségolène Royal, « le gouvernement et le parlement auront le dernier mot. »

Et le même président Macaire de conclure d’un superbe : c’est « la géographie qui commande ». La géographie ne sert-elle pas, d’abord, « à faire la guerre », selon le mot provocateur de Yves Lacoste ? Le géographe avait déjà compris l’enjeu stratégique de cette science, éminemment militaire mais aussi économique, avec le poids des multinationales dans la polarisation des espaces.

"Vous habitez là"
« Vous habitez là »

La région Poitou-Charentes fusionnerait donc administrativement avec les régions Centre et Limousin, selon le souhait du président de la République François Hollande. L’enjeu économique et stratégique ? Le député-maire Claeys, grand partenaire de l’entreprise Vinci à Poitiers et en région, nous donne quelques clés fort instructives dans cet autre article de la Nouvelle République : où l’on voit ressortir le projet de nouvelle ligne à grande vitesse entre Poitiers-Limoges, le tout assorti de considérations essentiellement économicistes. Fi des espaces trop grand, le PIB avant tout !

« l’État stratège doit ici montrer le chemin » […] « Ma préférence va pour une fusion d’une région Centre – Limousin – Poitou-Charentes » […]. La cohérence ferroviaire renforcée par le projet LGV Poitiers-Limoges associé à la LGV SEA en service 2017, pourrait, selon l’élu socialiste, « permettre de créer un tripôle Tours-Poitiers-Limoges » distant d’une trentaine de minutes entre chacune de ces villes, reliant ensuite Paris et Bordeaux en moins d’une heure.
Le nouvel ensemble, situé sur l’axe Amsterdam-Paris-Madrid, serait au cœur des flux entre l’Europe du Nord et du Sud. Ces 5 autoroutes (A10, A11, A 28, A 71, A 85) et ces 10 aéroports et son seul port en eaux profondes de la façade atlantique (La Rochelle) sont des arguments incontournables pour cette option. De surcroît cette trajectoire assiérait, selon l’élu, une coopération, déjà en marche, dans les domaines universitaires et médicaux.
Ce n’est pas la taille des Régions qui compte pour Alain Claeys mais leurs poids économiques. Le PIB (Produit intérieur brut) pour ce nouvel espace dans l’option 1 est estimé à environ 130 milliards d’euros. Pour la fusion Aquitaine Poitou-Charentes, l’ordre de grandeur se situe à 135 milliards d’euros.

Derrière cette réforme de métropolisation des territoires et de dépossession démocratique, se dessinent donc toujours plus de grands chantiers absurdes, toujours plus de logique de marchandisation et de circulation des capitaux, les populations n’étant traitées que comme des données comptables secondaires, dont ces encravatés semblent éperdument se foutre. Enième illustration, s’il en fallait encore, du mépris unanime avec lequel les gouvernants nous considèrent.

Face à ces logiques autoritaires et centralisatrices, pour le plus grand profit des capitalistes et de leurs fidèles serviteurs administratifs et technocrates, une seule réponse : l’autonomie et la libre coordination des luttes.

En deux mots, le fédéralisme libertaire !

Juanito, 3 juin 2014