NdPN : voir notre précédent article ici sur le mouvement des greffes.
Poitiers: les personnels des greffes durcissent le ton
De nombreux dossiers sont renvoyés aujourd’hui du fait de la grève des personnels des greffess. Une délégation s’est invitée dans les différentes salles d’audience du palais de justice pour lire une motion réclamant plus de moyens humains et financiers. Certaines organisations syndicales appellent à une grève reconductible.
Dépêche Nouvelle République, 24 juin 2014
Greffes en colère : le ton monte
Poitiers. Le mouvement de protestation des greffes a pris une nouvelle ampleur hier. Le ton se durcit, certains appellent à la grève reconductible.
Le rendez-vous du 2 juillet prochain risque d’être chaud au palais de justice de Poitiers. La délégation du ministère de la Justice est d’autant plus attendue qu’elle n’a pas prévu de rencontrer les plus remontés.
« Ils viennent voir les greffiers en chef mais pas nous », relèvent les personnels des greffes qui se sentent les oubliés de la réforme en cours.
Le mouvement de protestation des personnels des greffes, réclamant davantage de moyens humains et financiers, avait débuté dans la bonne humeur en avril dernier. Il s’est poursuivi depuis à bas bruit. Mais, hier, le ton était nettement plus bruyant et agressif alors que les négociations sont au point mort.
« Ils refusent de voir ce que l’on fait au quotidien »
La brochure de présentation de la réforme publiée en mai par le ministère de la Justice les a fait bondir. Elle a été prise comme une gifle. « Ils refusent de voir ce que l’on fait au quotidien, le travail d’assistance du magistrat, le conseil quand il s’apprête à prendre une décision qui est illégale, quand ils oublient de notifier un sursis avec mise à l’épreuve ou un travail d’intérêt général. Ça, ce n’est pas de l’assistance telle qu’elle est définie dans nos statuts ? »
Les manifestations des cheminots, des intermittents, des agriculteurs et des Federal Mogul sont passées par là. « Eux, on les écoute, nous, non ! », témoignent des greffières. « Tout le monde s’inquiète de savoir quel festival risque d’être annulé cet été, mais la justice, les gens s’en foutent ! »
Une petite banderole tendue en travers de la colonnade du palais annonce la couleur en ce mardi où nombre d’audiences se tiennent. A l’intérieur, le cortège est plus bruyant : grelots et cymbale improvisée, avertissent de l’irruption du cortège des greffiers et personnels des greffes.
Au civil, le président renvoie tous les dossiers et rend hommage au personnel qui manifeste. A la chambre sociale, le président consent à une brève interruption pour permettre la lecture d’une motion. Le matin, le président de la cour d’assises avait fait de même. Le cortège est ensuite descendu jusqu’au conseil des prud’hommes tandis qu’à la correctionnelle, seul un gros dossier a été retenu.
« Il y avait un préavis de grève pour aujourd’hui, mais certaines organisations appellent à une grève reconductible », explique une greffière qui prévoit déjà d’être de nouveau en grève demain où de nombreuses audiences sont programmées.
« Notre problème, c’est que ça ne se voit pas. On n’est pas des cheminots ! Je ne suis pas allée à une audience ce matin, un autre greffier a été désigné. »
Jeudi, le mouvement des greffes va se télescoper avec l’appel à la grève des avocats qui réclament la revalorisation de l’aide juridictionnelle.
A tous les bouts de la chaîne judiciaire, ça craque, ça proteste, ouvertement ou non, en dénonçant la faiblesse des moyens octroyés.
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Un rôle méconnu mais essentie
La phrase revient tout le temps dans la bouche des greffiers : « De toute façon, les gens ne savent pas à quoi on sert ! »
Dans un palais de justice, à tout ou presque ! Sans greffier, les palais de justice sont bloqués. Sans sa signature, le jugement rendu n’a pas de valeur authentique. Il enregistre les affaires, prévient les parties des dates d’audience, prépare les dossiers pour les magistrats, les conseille lors des audiences en cas de doute, rédige les procès-verbaux et met en forme les décisions… Il est aussi l’intermédiaire entre les magistrats, les avocats et le public. « Nous sommes impliqués dans de nombreuses missions, endossant de plus de responsabilités qui ne sont pas les nôtres mais nécessaires à une bonne administration au prix d’horaires extensibles et au détriment d’une rémunération conforme à notre engagement personnel », détaille le texte d’une des motions lues hier.